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Karim Bikienga, instituteur à Mogtédo : Menacé de mort, il décide de partir

Publié le mercredi 5 décembre 2007 à 10h54min

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Dans la lettre ouverte ci-dessous adressée au MEBA, Karim T. A. Bikienga, précédemment instituteur à Mogtédo, évoque ses difficultés avec des autorités locales qui l’ont obligé à partir.

"Depuis votre nomination à la tête du département de l’Enseignement de base, un vent d’espoir avait soufflé sur les travailleurs de ce ministère. Cet espoir s’est renforcé au fur et à mesure que vous y preniez pied. Ainsi, vous avez effectué une tournée dans les treize régions pour toucher du doigt les réalités que vivent vos agents. Vous avez donné des instructions judicieuses pour la gestion saine du personnel, vous nous avez témoigné de votre esprit d’ouverture à travers les rencontres avec les responsables syndicaux et les enseignants, de façon générale. En un mot, vous nous avez redonné confiance.

Malheureusement, au niveau déconcentré certains responsables habitués aux bonnes vieilles méthodes de menaces et d’intimidations, en intelligence avec des responsables locaux à la paille, tentent de saper vos efforts louables. C’est ce qui m’a valu l’écrit qui suit, dont le but est d’attirer votre attention sur les menaces réelles et, malheureusement, très nombreuses que subissent vos agents dans l’exercice de leurs droits constitutionnels.

Je ne fais pas cet écrit pour moi-même. Je le fais pour tous ceux qui pensent comme moi à Mogtédo que le droit peut être revendiqué sans crainte. Je le fais pour mes camarades de lutte que j’ai été obligé d’abandonner alors qu’ils avaient encore besoin de moi ; je le fais par devoir de protéger la liberté d’opinion reconnue par la Constitution de notre pays. Je suis un instituteur en service à l’école de Mogtédo "A", du moins jusqu’au 10 octobre passé. Le lundi 8 octobre, j’ai été contacté par la direction régionale de l’Enseignement de base du Plateau central. Le directeur régional sortant me fit savoir que des délégations de Mogtédo étaient venues le voir pour exiger mon départ. La raison est toute simple : "Je vais gâter leur village." J’admets que cela ne m’a aucunement surpris. En effet, le lundi 4 juin 2007, j’avais été l’objet de menaces ouvertes dans le bureau de monsieur le maire de la commune de la part de monsieur Ouédraogo Barthélemy, plus connu sous le nom de "délégué", actuellement deuxième adjoint au maire de ladite commune.

"Tu auras de sérieux de problèmes"

Rappelons que j’étais le secrétaire général de la section SYNATEB du Ganzourgou et de la sous-section de Mogtédo. Nous avions prévu une marche sit-in à Mogtédo le mardi 5 juin 2007 pour dénoncer l’ajournement arbitraire et injuste de la phase pratique du Ccertificat d’aptitude pédagogique (CAP) d’un de nos militants. Nous avons adressé, à cet effet, une lettre d’information en bonne et due forme à monsieur le maire en date du 21 mai 2007, et nous avions déjà obtenu l’autorisation de monsieur le haut-commissaire de la province. Les autorités locales ont donc attendu la veille pour nous signifier (et oralement d’ailleurs) qu’elles s’opposaient à la manifestation. Monsieur Ouédraogo me dit, entre autres, ceci le 4 juin : "Les autres vont marcher et repartir mais toi, tu restes ici. Sache que si la marche a lieu, tu auras de sérieux problèmes ; tu es fils d’un Mossi, tu sais ce que ça veut dire..." Nous avions pensé, à l’époque, que ces propos étaient dus à l’ignorance et à l’incompréhension et qu’ils seraient sans lendemain. Le 5 juin, malgré l’interdiction de la marche qui nous avait été signifiée par écrit le jour même à 8h, le sit-in eut lieu et enregistra un succès éclatant. Il n’en fallait pas plus pour déclencher le courroux des élus locaux et du responsable coutumier, instrumentalisés par le chef de la circonscription et son conseiller pédagogique sujet à la sournoiserie et aux basses besognes ; aidés dans leur tâche par le DPEBA déchu, natif de la localité, qui en voulait à mort au SYNATEB et à ses premiers responsables.

J’appris pendant les vacances (en août) par un ami et militant qu’une réunion s’était tenue à Mogtédo chez le chef avec pour objet mon élimination physique. D’après cette source, un des participants à cette réunion demanda un sursis pour moi car il était possible que je retourne à Zorgho où est basée ma famille. Mais pour des raisons stratégiques, la section avait souhaité que j’y reste car on négociait déjà l’affectation d’autres membres du bureau, plus éloignés de Zorgho que moi.

Ayant donc constaté ma présence à Mogtédo à cette rentrée scolaire, mes détracteurs allèrent une énième fois exiger mon départ, sous peine de mon élimination, auprès du directeur régional. C’est ainsi que je fus contacté par celui-ci qui me fit savoir que son devoir étant, entre autres, de protéger ses agents, il me demandait de partir, vu le sérieux des menaces. Voilà donc les motifs de mon départ. Je tiens à le faire savoir pour les raisons suivantes :

- informer l’opinion publique et les hauts responsables de ce pays des dangers que courent les citoyens honnêtes face au pouvoir conféré à des attardés par le truchement de la communalisation intégrale ;

- mettre en garde mes détracteurs que s’il arrivait quelque chose de fâcheux à moi, à ma famille ou aux autres responsables du SYNATEB restés sur place, ils seraient tenus pour responsables ;

- attirer l’attention des responsables du ministère de l’Enseignement de base sur les basses manoeuvres de certains encadreurs pédagogiques qui en veulent, à tort, au SYNATEB au lieu d’en vouloir à leur incompétence, seule raison de leur échec.

Je désengage mon syndicat de toute responsabilité dans cet écrit. C’est le cri du coeur d’un travailleur, d’un citoyen qui tient à dénoncer l’arbitraire et l’intolérance dont il a été victime de la part d’individus à qui on a donné le pouvoir sans aucune préparation à la vie démocratique. Des individus qui ignorent tout des droits constitutionnels des travailleurs, malheureusement manipulés par des encadreurs déchus et dépités ou incapables de gérer leur circonscription.

Tout en osant espérer que des dispositions seront prises pour que cessent ces pratiques éhontées qui ne font honneur ni à l’Education, ni à la démocratie burkinabè, je vous prie de recevoir, madame le ministre, l’expression de ma sincère considération.

T. A. Karim Bikienga,
Instituteur principal, Directeur de l’école bilingue de Tampaongo CEB d’Absouya

T. A. Karim Bikienga

Le Pays

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