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Suspension des bourses fonds enfants : Les parents et élèves dans la désolation

Publié le mercredi 5 décembre 2007 à 10h58min

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La suspension des 85 bourses Fonds enfants est intervenue au cours de l’année scolaire écoulée. 35 pensionnaires de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) bénéficiaient de ces bourses. Les 50 autres sont issus de 4 établissements : le lycée Bafuji de Gaoua, le lycée municipal, l’école des métiers et le complexe Notre dame de l’Annonciation.

La subvention accordée par an et par enfant est de 48 000 F CFA à l’ANPE et 60 000 F CFA dans les autres établissements. Après la suspension, la scolarité de plus d’une dizaine d’élèves boursiers est compromise. Le reste continue de suivre les cours mais dans l’angoisse. C’est le constat que nous avons fait en interrogeant certains d’entre eux.

La suspension des bourses Fonds enfants consommée, place aux lamentations des parents et élèves pour qui ces subsides étaient plus qu’une bouée de sauvetage. Hien Sié dit Mamala est de ceux-là. Entre révolte et résignation, il nous a confié ceci : "Aujourd’hui-même l’enfant va avec la peur au ventre. Il craint qu’on le chasse. Je ne sais pas si on va réellement le chasser". Pour lui, l’autorité communale est coupable de cette suspension : "Lorsque l’enfant est venu me faire savoir que le maire estime que les parents qui ont leurs enfants chez les soeurs (NDLR : complexe Notre dame de l’Annonciation) ne sont pas des nécessiteux, je lui ai dit que le maire ne peut pas dire cela parce que ce n’est pas son argent", avait-il poursuivi. Et l’ex-sociétaire du Bafuji football club de nous prendre à témoin. "Cette maison que vous voyez est-elle une habitation de quelqu’un qui a les moyens ?" Ironie du sort, Mamala fait partie du lot des sinistrés de l’hivernage qui vient de s’achever. Dès notre arrivée, nous l’avons trouvé creusant la terre pour relever la plus grande partie de sa maison écroulée.

Espoirs fondés sur les bourses

C’est au complexe Notre dame de l’Annonciation que son fils a été orienté après son admission à l’entrée en 6e. Maçon de profession, il dit n’être pas en mesure de s’acquitter des 50 500 F de scolarité de son enfant, même par tranches.

Incapable également d’honorer les frais de scolarité de sa fille, Honoré Kambou a, quant à lui, impuissamment assisté à l’arrêt des cours de cette dernière à l’école des métiers. "J’ai été marqué. Je mets tout sur le dos du maire. Je ne suis pas content de sa réaction. Il a puni mon enfant", lâche-t-il.

Sur les raisons de sa colère à l’endroit de l’édile de Gaoua, il fait savoir que c’est lui qui a fait suspendre les bourses sous prétexte que les bénéficiaires ne sont pas démunis. Autres bénéficiaires de ces bourses : Palé Sansan Etienne et Kambou Koyelemi, tous deux orphelins de père et de mère. Le premier est toujours au lycée Bafuji et le second au lycée municipal.

Tous deux se sont exprimés sur leur situation. "Je fréquente sans nom au lycée ; on vient me faire sortir chaque fois ; le jour où je ne suis pas chassé, je suis les cours", déclare Sansan Etienne. Il n’a pour tuteur que son grand-frère Palé Sié Célestin, qui suit des cours du soir.

La situation se présente autrement chez Koyelemi. "Grâce à Dieu, j’ai eu quelqu’un qui a payé ma scolarité cette année. De ce côté, ça va. Mais à la maison, il y a des difficultés, on ne peut pas tout dire (rires)", fait-il savoir. La plupart des établissements ont parfois fait preuve d’humanisme à l’égard de ces enfants visiblement démunis. Ouattara Adama dit avoir fréquenté à crédit à l’école des métiers l’an passé. Mme Palenfo avait souligné également qu’à l’ANPE, les élèves concernés par la suspension de bourses n’avaient pas payé leurs scolarités, mais étaient malgré tout admis en classe supérieure. Le hic est que la plupart des parents et élèves ne semblent fonder leur espoir que sur ces bourses offertes grâce à la coopération entre l’Allemagne et notre pays.

Qui est responsable de la suspension ?

Les responsables de la suspension des bourses sont, de l’avis général, le maire Farayeri Frédéric Da et le président du comité de suivi. Mais ceux-ci se rejettent mutuellement la responsabilité. Le Fonds enfant a préféré observer, pour le moment, un droit de réserve.

Du côté de la mairie, signataire de la convention avec Fonds enfants, c’est madame Amy Palenfo qui a été commise pour expliquer les raisons de la suspension des bourses. Pour elle, un déficit de communication entre la mairie et le comité qui pilotait le suivi des bourses a été à l’origine de la suspension des allocations. "Ce dont je suis sûre, depuis que le conseil a été mis en place, le comité n’a jamais répondu à un appel du maire", indique-t-elle. Poursuivant les récriminations à l’endroit de l’ancien comité, elle dit : "Le changement n’a pas été facile. La plupart des conseillers du comité étaient du RDB (NDLR : Rassemblement pour le développement du Burkina). Ce sont les mêmes qui ont refusé de siéger. Et ils n’ont pas voulu mettre les documents à notre disposition. La tension était déjà là". Autre grief fait à l’ancien comité de suivi des bourses : le choix des bénéficiaires des bourses sans la participation des services techniques.

Les élèves ayant constaté un retard dans le paiement de leurs bourses avaient initié des rencontres pour comprendre. Et selon Youl Nolièba, ancien président du Comité de suivi des bourses, c’est le 2 mai 2007 que le maire a décidé de les rencontrer. "Nous nous sommes rencontrés le 2 mai 2007 et c’est là que ça mal tourné. Le maire a voulu dire que c’est le comité qui n’a pas remis les rapports dans les délais. Je lui ai dit que les rapports ne constituaient pas le noeud du problème. Même au FICOD on lui a dit que ce n’est pas le comité qui est en retard." Il poursuit en relevant que le canevas du rapport reçu le 10 juillet par le maire ne lui a été remis que le 29 août. Malgré tout, le rapport a été déposé le 5 septembre au cabinet du maire. Pour lui, ce qui manquait dès cet instant où les rapports avaient été déposés pour que les enfants continuent de bénéficier des bourses, c’était la lettre de déblocage des fonds que le maire devait adresser à Fonds enfants. "Le maire a pris les 2 listes qu’il m’a demandées pour faire une enquête sur les enfants bénéficiaires. A son avis, les enfants qui bénéficient de ces bourses ne seraient pas des nécessiteux. Donc c’est dans ce retard d’enquête qu’il n’a pas pu écrire la lettre de déblocage de fonds", ajoute-t-il.

Manque de communication

Démuni et méritant, c’est le profil que devait avoir chaque enfant bénéficiaire. De sources concordantes, le choix des boursiers était du ressort des administrations scolaires, selon l’ancien comité. Ce sont elles qui étaient mieux placées pour déterminer les enfants en difficultés. Certains membres des établissements avaient du reste salué l’initiative. C’est au fil du temps qu’ils ont commencé à déchanter. "Au début, on nous associait en nous demandant de les aider à trouver les enfants nécessiteux. Par la suite, il y a eu un manque de communication", indique la soeur Marie Louise Dakuo du complexe Notre dame de l’Annonciation. Ambroise Meda fait le même constat à l’école des métiers. "Maintenant par un communiqué radiodiffusé, on convoque les élèves, nous donnons les billets de sortie pour des causes qu’on ignore".

Pour la représentante du maire, le problème connaîtra un dénouement heureux avec le nouveau comité dirigé par le maire Farayéri Frédéric Da. Le partenariat avec Fonds enfants permettra de maintenir les bourses des anciens bénéficiaires et de remplacer les abandons et exclus par de nouveaux (plus d’une dizaine).

C’est pour minimiser les déperditions scolaires et prévenir ainsi la traite et les pires formes de travail des enfants que Fonds enfants de la coopération allemande accorde des bourses aux enfants nécessiteux des deux zones d’interventions de FICOD que sont l’Est et le Sud-Ouest. Comment faire en sorte que le geste de cette institution ne soit pas comme un coup d’épée dans l’eau, est la question suscitée par la suspension des bourses à Gaoua.

Par Hompko Sylvestre KAMBOU (Collaborateur)

Le Pays

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