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Décentralisation : Etat de transfert des compétences et des ressources aux collectivités territoriales

Publié le jeudi 6 décembre 2007 à 14h26min

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Clément Sawadogo, ministre de l’Administration térritoriale et de la Décentralisation

Les assises de la coopération décentralisée franco-burkinabè se tiennent depuis ce matin à Ouaga 2000. La cérémonie d’ouverture a été présidée par le Premier ministre Tertius Zongo qui a invité les acteurs de cette forme de coopération à aller au-delà des interventions ponctuelles pour priviléger des programmes intégrateurs. En attendant d’y revenir, nous vous proposons l’état des lieux en matière de transfert des compétences et des ressources ; un état dressé par le ministre Clément P. Sawadogo le 24 novembre lors de la rencontre annuelle des députés et élus locaux. Document.

INTRODUCTION GENERALE

Je voudrais avant de m’appesantir sur le thème de la présente communication, exprimer toute ma marque de solidarité avec les acteurs de la démocratie tant au plan national qu’au plan local que sont les députés et les élus locaux.

Je voudrais saisir cette opportunité pour vous renouveler ici, toute ma disponibilité et celle de mon département à accompagner les efforts inlassables que vous ne cessez de déployer pour l’enracinement et la consolidation du processus de décentralisation.

L’honneur me revient de m’entretenir avec vous d’un sujet qui est au cœur de la politique de décentralisation dans notre pays et qui constitue, vous en conviendrez avec moi, l’un des axes majeurs de l’action du gouvernement dans le pilotage du processus et dans l’accompagnement des collectivités territoriales.

Mon propos porte essentiellement sur le rappel de l’approche méthodologique de la mise en œuvre du transfert des compétences et des ressources d’une part, et d’autre part sur les opérations matérielles de mise en œuvre des dispositions de la loi et du décret relatif aux transferts dits prioritaires.

Mon propos se veut un prélude aux discussions que j’espère fructueuses sur cette question qui constitue pour le gouvernement une des préoccupations les plus importantes en ce moment.

LA PROBLEMATIQUE DES TRANFERTS DE COMPETENCES ET DES RESSOURCES

Quelle que soit la tradition administrative des différents pays, et quel que soit le point de départ et la motivation dans la mise en ceuvre du processus de décentralisation, les expériences révèlent que le transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux collectivités locales constitue la problématique angulaire de tout le processus de décentralisation.

Ainsi, face à la complexité du sujet, le législateur burkinabé a codifié un certain nombre de dispositions en vue d’assurer la réalisation du transfert des compétences et des ressources.

Depuis la mise en place des premiers conseils en 1995, les communes ont d’office assumé certaines compétences ne demandant pas la prise de textes spécifiques ou de transfert de ressources.

Mais le transfert des compétences tel que programmé par les lois n’est pas encore une réalité. En 2003, le délai légal fixé pour le transfert des compétences et des ressources était arrivé à son terme sans que les pré-requis aux transferts n’aient été résolus, notamment la question de l’évaluation des charges liées aux compétences à transférer, les délégations de compétences par les administrations centrales aux représentants de l’Etat et aux responsables des services déconcentrés, etc.

Le code général des collectivités a fixé de nouvelles échéances qui ont connu un début d’application à partir de 2006 avec la prise du décret sur les transferts de compétences et de ressources aux communes urbaines dans six (06) domaines prioritaires. Des efforts sont actuellement en cours au niveau des ministères pour la mise en ceuvre des dispositions de ce décret.

Les actions suivantes ont notamment été engagées :
- l’inventaire des patrimoines dans les communes ;
- la rédaction des arrêtés de transfert par secteur ministériel ;
- la préparation des premiers textes de dotations globales

Les principes relatifs au transfert des compétences

En rappel, aux termes de la loi, onze domaines de compétences sont dévolus aux collectivités Territoriales. Tenant compte du principe de progressivité, le législateur burkinabé a opté de faire une programmation
dans le transfert de ces compétences, en évitant d’engager l’opération de transfert sur l’ensemble des onze blocs de manière simultanée.

- Les transferts de compétences par l’Etat doivent être accompagnés du transfert aux collectivités locales des moyens et des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences dans les conditions prévues par la loi.

- Les ressources nécessaires aux collectivités Territoriales pour l’exercice de leurs compétences leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotations ou par les deux à la fois.
Toute charge nouvelle incombant aux collectivités locales du fait de la modification par l’Etat des règles relatives à l’exercice des compétences transférées doit être compensée par un transfert approprié de moyens.

- Tout transfert de compétence de l’Etat au profit des régions et des communes s’accompagne du transfert de tout ou partie des services correspondants.

Le transfert de services peut être définitif ou temporaire. Dans ce dernier cas, les conditions d’utilisation de chaque service de l’Etat par les collectivités locales sont arrêtées par une convention passée entre le représentant de l’Etat et le président du conseil de la collectivité.

- Le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité Territoriale bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence.

Le transfert est constaté par un décret de dévolution pris après avis d’une commission ad hoc d’arbitrage composé de représentants de l’Etat, des collectivités locales et le cas échéant d’autres partenaires.

Les modalités de transfert de compétences et de ressources

Les modalités de transfert sont également codifiées dans le code général comme suit :

a) L’évaluation transférer des charges liées aux compétences à transférer

Pour traduire dans le concret le transfert concomitant des compétences et des ressources, il faut en principe connaître le coût des charges liées aux services à transférer. L’évaluation est nécessaire pour connaître le niveau des charges liées aux services à transférer, mais également pour déterminer les modalités de dévolution des ressources : « transfert de fiscalités, dotations ou les deux à la fois ». En outre, le législateur a prévu de faire recueillir l’avis d’une commission ad hoc d’arbitrage sur l’évaluation des biens et des ressources à transférer .

Mais l’exercice d’évaluation engagée dans le cadre d’une étude a montré ses limites et le gouvernement a alors réajusté l’approche en initiant un recensement des patrimoines des collectivités publiques au niveau local (Etat, province, commune).

b) Commission ad hoc d’arbitrage

L’exercice des passations de services entre les préfets maires et les maires nouvellement élus, surtout au début du premier mandat des conseils municipaux en 1995, montre que la mise à la disposition de la collectivité Territoriale des biens meubles et immeubles utilisés pour l’exercice des compétences tel que prévu à l’article 65 de la loi no41, ne se fait pas toujours sans heurts.

Pour le moment, le MATO et le MEF, en relation avec les principaux ministères impliqués dans la question du transfert, ont initié la mise en place des cellules de concertation sur le transfert des compétences et des ressources aux collectivités Territoriales. Ces concertations sont en train d’aboutir à la proposition de mesures pertinentes pour parvenir au tra nsfert effectif .

Les difficultés spécifiques au transfert de compétences et des ressources

Malgré l’organisation des activités d’appropriation à travers les différents ateliers (national, sectoriels, régionaux) et la conduite des deux études successives sur l’évaluation des charges liées aux compétences à transférer, le transfert de compétences se fait encore difficilement et lentement.

Cette situation résulte pour l’essentiel des contraintes générales liées à la conduite du processus de décentralisation que nous avons abordées plus haut mais également de contraintes spécifiques que l’on peut résumer en deux points :

. La nécessité de la prudence au niveau de l’Etat.

L’impression d’une hésitation de la part des décideurs se fonde sur les retards dont se plaignent parfois les autorités communales notamment en ce qui concerne les transferts des ressources financières.

Cette attitude se comprend comme une précaution que l’Etat veut prendre dans une opération dont les effets sont décisifs pour la suite du processus ; les échecs dans la mise en reuvre de cette opération peuvent démotiver les acteurs dans la conduite des activités et surtout constituer des risques de continuité dans la fourniture des services aux populations par les communes elles mêmes.

. La complexité du sujet.

Il est reconnu que le transfert de compétences et de ressources constitue l’opération la plus complexe du processus de décentralisation tant dans le fonds que dans la forme.

Dans le fond, le principe de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales est codifié et généralement accepté. Mais ce sont les modalités opératoires pour assurer cette répartition qui ne sont pas expressément définies. Il n’existe pas un code qui donne le sens des différentes dispositions législatives et réglementaires. On bute souvent sur la méthode à suivre pour définir le montant des ressources à transférer aux collectivités Territoriales.

Le plus souvent, le processus de transfert dans nos Etat se limite en terme de bilan à exhiber un cadre réglementaire (ce dont nous disposons déjà )

Dans certains pays comme le Sénégal et le Ghana, on a privilégié un transfert forfaitaire d’une part des ressources de l’Etat aux collectivités Territoriales au titre des dotations de transfert. Mais, dans la plus part des cas le problème n’est pas résolu, ce qui conduit au deuxième aspect de la complexité du sujet dans la forme de l’opération de transfert.

La multiplicité des acteurs impliqués dans l’opération de transfert impose une démarche fondée sur le dialogue et la concertation. Il s’agit en effet d’un travail à la fois interministériel et de dialogue avec les collectivités Territoriales. Ce qui requiert d’intenses activités de coordination tributaire des agendas sectoriels des uns et des autres.

De plus la nouvelle répartition des compétences suppose aussi un changement d’attitude, de rôle et de fonctionnement de l’administration d’Etat. Il faut que celle-ci passe de la culture d’une compétence exercée directement par les services de l’Etat à une autre culture où il s’agit de concevoir un appui technique et administratif aux collectivités et à leurs services pour leur permettre d’assumer leurs nouvelles responsabilités. Cela ne va pas de soi, l’administration d’Etat pouvant être l’un des freins les plus puissants à l’avancée de la décentralisation.

LES OPERATIONS EN COURS OU DEJA REALISEES

Pour la mise en œuvre des transferts, l’Etat a engagé d’importantes opérations tant au plan logistique et matériel que dans la dévolution des patrimoines liés au transferts des domaines prioritaires.

1. de la dévolution du patrimoine des provinces ex-collectivités territoriales.

Les patrimoines mobiliers et immobiliers des provinces excollectivités territoriales ont été dévolus aux communes et aux régions.

2. De la construction des sièges des collectivités territoriales.

Depuis 2006, il a été entrepris la construction des sièges des communes rurales au titre du budget national pour marquer sa ferme volonté dans le démarrage effectif des collectivités locales.

A cet effet, les mesures suivantes ont été prises :

- la mise à disposition des communes et des régions de locaux provisoires en attendant la construction programmée des mairies et des sièges de régions ;

- la construction des sièges définitifs de collectivités territoriales : 60 sièges de mairies frontalières, 12 sièges de mairies de la zone de concentration du programme danois d’appui à la décentralisation ont déjà été construits ou sont en voie de finition pour un investissement global de 2 625 000 000 FCFA. L’effort se poursuit pour la gestion 2007, avec la réalisation en cours de 70 autres sièges de communes rurales pour un montant de 3 000 000 000 FCFA. Il faut noter également qu’à partir de janvier 2008, le Millénium Challenge Account (MCA), dans le cadre de sa composante sécurisation foncière, prendra en charge la réalisation des sièges d’un certain nombre de communes rurales.

Le bouclage du programme de réalisation au profit des communes rurales et des 13 communes urbaines non encore dotées de sièges sera effectif en décembre 2008 grâce à l’effort accru du budget de l’Etat.

Parallèlement à ces investissements au profit des communes, l’Etat s’attelle à construire au plus tard en 2008 les sièges des conseils régionaux pour environ 1 100 000 000 FCFA ;

3. du transfert des ressources humaines

Les transferts se feront sous deux modalités selon un schéma qui prévoit :

- l’affectation d’agents de l’Etat ;

Les agents affectés gardent leur statut d’agent de l’Etat et sont gérés par l’Etat. Seront concernés par cette modalité les agents travaillant dans les services des domaines prioritaires définis pour les transferts de compétences.

- le recrutement d’agents par les collectivités territoriales

Les collectivités recrutent leurs personnels selon leurs moyens et avec contribution financière de l’Etat ; ces derniers sont gérés par une loi portant régime juridique territoriales.

- la mise à disposition des collectivités d’assistants techniques que sont les secrétaires généraux de mairies et de région ;

l’ambition du gouvernement est de mettre à la disposition de toutes les collectivités territoriales des cadres susceptibles d’être nommés nommé Secrétaires Généraux et ce, à l’échéance de décembre 2007.

TABLEAU

De l’appui à la formation des agents communaux

Mon département a élaboré un document de politique de formation des élus locaux qui prend en compte la formation initiale et continue des agents des collectivités territoriales, en impliquant les écoles de formation professionnelles et les agences spécialisées.

Toutefois, la formation d’agents communaux dans des domaines pointus devra faire l’objet d’une large prospection aussi bien par le ministère que par les collectivités territoriales.

La grise de textes d’application

Le décret N°2006-309/ PRES/PM/ MATD/MFB /MEBA/MS/MASSN /MJE/MCAT/MSL du 15 mai 2006 opère les transferts de compétences et des ressources aux communes urbaines dans les domaines du préscolaire, de l’enseignement primaire, de la santé, de la culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs.

En application des dispositions de ce décret, des arrêtés conjoints ont été adoptés qui consacrent l’effectivité des transferts e patrimoines aux chefs lieux de communes urbaines dans les domaines suivants :

préscolaire et enseignement primaire (cf arrêté n° 2007-091 du 21 novembre 2007) ;

- jeunesse, culture, sports et loisirs ( cf arrêté n° 2007-092 du 21 novembre 2007.

Les opérations de transfert réalisées par le décret sus cité ne correspondent qu’à la phase pilote du transfert des compétences prévu par le Code général des collectivités territoriales.

De surcroît, il apparaît de plus en plus clairement que le domaine de l’eau et de l’assainissement, non initialement identifié comme prioritaire est aujourd’hui dans une phase de progression telle qu’il est impératif de l’inclure dans le schéma prioritaire d’extension ; lequel schéma d’extension devrait prendre en compte l’ensemble des communes rurales.

Des concertations inter acteurs devraient aboutir incessamment à la détermination d’un mode opératoire efficient et consensuel, notamment dans les domaines sensibles comme la santé où des difficultés sont constatées.

Le transfert des compétences induit la dévolution de patrimoines des anciennes collectivités territoriales aux nouvelles.

Ces dévolutions ont fait l’objet de prescriptions précises et la mise en œuvre se poursuit sous l’égide des différents gouverneurs. Il reste entendu que, à l’instar des personnels qui ont été transférés aux différents niveaux de collectivités, les patrimoines des anciennes collectivités territoriales sont ventilées suivant une logique découlant du principe de subsidiarité. Ainsi, les biens meubles et immeubles des délégations spéciales communales sont reversés aux communes rurales du ressort ; ceux des provinces sont reversés, aux communes urbaines et aux régions.

Les arrêtés de dévolution des patrimoines relatifs aux sports, à la culture et aux loisirs, au préscolaire et à l’enseignement primaire viennent d’être signés. Celui relatif à la santé le sera prochainement.

La délicatesse des opérations qui nécessite par ailleurs une démarche rigoureuse et précise explique en partie l’apparente lenteur au niveau du ministère de la santé.

3. Du transfert des ressources financières

Au plan budgétaire, l’accompagnement des transferts de compétence par les transferts de ressources induit une nouvelle vision et une nouvelle configuration du budget de l’Etat qui doit afficher de manière claire et cohérente les transferts programmés.

Sur la base des inventaires qui ont été faits et des capacités financières de l’Etat, les transferts de ressources sont pour le moment prévus sous forme de dotations.

Deux types de dotations sont retenues à savoir :

- la dotation globale de fonctionnement ;
Le montant prévu dans le budget de l’Etat sert à couvrir les charges de fonctionnement des communes et des régions.

- la dotation globale d’investissement ;

Elle est destinée à la réalisation des projets de développement dans les collectivités notamment dans les secteurs sociaux de base

Ces dotations ont permis :

- la mise en place effective des budgets de l’ensemble des collectivités pour l’exercice 2007 ;
- les transferts financiers de l’Etat vers les collectivités territoriales au titre des dotations de fonctionnement et d’équipement pour un montant global de lus de 9 000 000 000 FCFA au titre de l’année 2007 ;

Ces efforts seront renouvelés et consolidés chaque année par le gouvernement.

CONCLUSION

La question des transferts touche aux fondements organisationnels des structures de l’Etat et il faut sans faux fuant mais avec beaucoup de délicatesse et de prudence y faire face si l’on veut réussir la décentralisation.

Ouagadougou, le 24 novembre 2007

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