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Mahamadou Lamine Ouédraogo, consul honoraire du Burkina Faso près le Bénin : “Nos compatriotes sont victimes d’un réseau mafieux”

Publié le vendredi 30 novembre 2007 à 13h12min

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Mahamadou Lamine Ouédraogo

Voici cinq ans que le consulat honoraire du Burkina Faso près le Bénin a ouvert ses portes à Cotonou. Son locataire, Mahamadou Lamine Ouédraogo concilie ses missions de rapprocher ses compatriotes de l’administration de leur pays d’origine avec ses activités d’homme d’affaires. Il dresse le bilan de son quinquennat d’exercice consulaire, évoque les préoccupations majeures de la communauté burkinabè du Bénin. Mahamadou Lamine Ouédraogo invite les pouvoirs publics à prendre des mesures idoines pour éviter la tentation de l’immigration à la jeunesse.

Sidwaya (S.). : Comment s’est opéré votre choix en 2002 pour assumer les missions de consul honoraire du Burkina Faso près le Bénin ?

Mahamadou Lamine Ouédraogo (M.L.O). : L’érection d’un consulat honoraire dans un pays d’accueil est suscitée par une diaspora. C’est elle qui a éprouvé le besoin et émis la nécessité auprès des autorités en charge de la diplomatie dans sa nation d’origine. Ainsi, c’est la communauté burkinabè vivant au Bénin qui a porté son choix sur ma modeste personne. Elle l’a fait savoir discrètement aux autorités burkinabè. Leur choix a été certainement motivé par le fait que je me suis toujours investi dans la vie de la communauté. Nous avons ensemble cherché et trouvé des solutions aux problèmes survenus au sein du groupe. Peut-être mon engagement sans cesse à la cause communautaire a convaincu mes compatriotes du Bénin que je pouvais être leur fidèle porte-parole auprès des pouvoirs publics de notre pays d’origine. Aussi, m’ont-ils proposé au Président du Faso et au ministre des Affaires étrangères d’alors, Youssouf Ouédraogo, pour être consul honoraire du Burkina Faso près le Bénin. La doléance a été soumise au chef de l’Etat lors de son passage à Cotonou afin de rapprocher la diaspora de l’administration. Il n’a pas hésité à valider le choix porté sur ma personne auprès des autorités béninoises. Et depuis, j’accomplis avec abnégation et conscience ces tâches d’interlocuteur entre les autorités burkinabè et la diaspora.

La fonction de consul honoraire relevant exclusivement du bénévolat, j’essaie autant que faire se peut de concilier mes activités d’opérateur économique avec celles de la défense et de la préservation des intérêts de la communauté burkinabè du Bénin. Le soutien toujours renouvelé de ses membres pour la réussite des missions assignées m’encourage à donner le meilleur de moi-même dans ce sacerdoce. Nous bénéficions des sages conseils de rassemblement et d’esprit patriotique du doyen de la communauté, El hadj Aboubacar Keïta, celui-là-même qui a créé l’Asssociation des Burkinabè résidant au Bénin (ABRB) et aujourd’hui âgé de 82 ans. Les bonnes relations de voisinage qu’entretiennent le Bénin et le Burkina Faso à travers la franche amitié qui lie leurs deux présidents facilitent également l’intégration de notre communauté et partant mes missions de consul honoraire.

S. : Quel bilan dressez-vous des cinq (5) années d’existence du consulat honoraire ?

M.L.O. : J’ai obtenu mon exequatur, le 26 août 2002, des autorités béninoises. Et le consulat honoraire a officiellement ouvert ses portes, le 2 novembre 2002 à Cotonou sous la présidence de l’actuel ministre de la Justice, Zakalia Koté alors directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères. Cette ouverture a véritablement comblé un vide. Elle a ravivé le sentiment d’appartenance de la communauté burkinabè du Bénin à la patrie commune, le Burkina Faso. Jadis, elle dépendait de l’ambassade installée à Lagos au Nigeria. Celle-ci étant transférée à Abuja donc à mille (1000) kilomètres de plus, la distance et la barrière linguistique ont conduit les autorités à rattacher le Bénin à la juridiction diplomatique du Ghana. Là aussi, distance moindre mais encore barrière linguistique.

Donc un consulat honoraire à Cotonou s’avérait nécessaire pour réduire les distances et rapprocher les compatriotes de l’administration. Pendant ces cinq (5) années d’existence, nous avons pu mettre sur pied une administration diplomatique pour favoriser l’établissement sur place d’un certain nombre de documents administratifs (extraits de naissance, passeports...) pour nos compatriotes. Nous délivrons également des certificats de déménagement pour des compatriotes en fin de mission et des sauf-conduits pour ceux dépourvus de documents administratifs. Le consulat honoraire a reçu trois missions consulaires. Cela est très important. Posséder un document pour s’identifier à un pays éveille des sentiments patriotiques. Les besoins dans ce sens sont énormes au sein de la communauté burkinabè du Bénin. Nous souhaitons que les autorités burkinabè renforcent les prérogatives du consulat honoraire pour qu’il réponde davantage aux attentes des compatriotes vis-à-vis de leur pays d’origine.

S. : Quelles relations entretenez-vous avec l’association des Burkinabè résidant au Bénin ?

.L.O. : Le consulat entretient des relations les plus étroites avec l’Association des Burkinabè résidant au Bénin (ABRB). Cette structure contribue au rassemblement de nos compatriotes. Elle a été créée dès les années 1960 par le doyen Aboubakar Keïta. L’ABRB dispose de sections sur toute l’étendue du territoire béninois. Le consulat travaille en parfaite intelligente avec l’ABRB qui reste un interlocuteur de premier choix, un cadre de rencontre et d’échanges. D’ailleurs, l’ex Premier ministre Paramanga Ernest Yonli a reconnu que notre association est l’une des plus dynamiques structures de fraternité de la diaspora burkinabè. Elle accueille en son sein tout ressortissant sans distinction aucune. Il serait bon que l’Etat apporte son appui à cette association composée exclusivement de bénévoles.

S. : Quelles sont les difficultés majeures auxquelles reste confrontée votre juridiction ?

M.L.O. : Le consulat honoraire est placé sous la tutelle de l’ambassade du Burkina Faso à Accra (Ghana). Le Bénin est un pays de transit pour nos compatriotes en partance vers l’Afrique centrale. Ceux-ci sont souvent confrontés à des problèmes d’hébergement et viennent demander à cet effet de l’aide auprès du consulat. Ne disposant pas d’un local d’accueil, nous essayons de faire de notre mieux pour leur offrir un logis. Ainsi, notre souhait est de pouvoir bâtir un jour un centre d’hébergement que l’on pourra appeler “Maison du Burkina Faso”. Il servira de lieu de convergence et d’hébergement pour nos compatriotes en transit. La “Maison du Burkina Faso” permettra ainsi de résoudre un problème récurrent qui se pose au consulat honoraire. C’est un cri du cœur que je lance aux autorités afin que sa construction voit le jour. Durant les cinq années d’exercice, le consulat a eu également à gérer la forte migration de nos compatriotes vers l’Afrique centrale (Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale...). C’est un réel problème auxquels sont confronté le consulat et toute la communauté.

Les Burkinabè migrant dans ces pays sont malheureusement victimes d’un réseau mafieux qui recrute les jeunes depuis les hameaux les plus reculés du pays pour les faire partir dans les pays sus-cités. Les candidats à l’aventure vendent tout leurs biens pour se payer le chemin de l’immigration. Une fois au Bénin, leurs recruteurs confisquent leurs pièces d’identité ou leurs passeports, les parquent parfois pendant environ trois (3) mois sans qu’ils aient le moindre contact avec la communauté burkinabè. Puis, ils sont embarqués dans des pirogues de fortune vers la Guinée Equatoriale pour y rentrer frauduleusement. Sans visas, ni droit de séjour, ils sont traqués et expulsés par la police. Pour la seule année 2007, le consulat honoraire près le Bénin a dû organiser le rapatriement vers le Burkina Faso, d’environ cinq cents (500) compatriotes expulsés du Cameroun, du Gabon et de la Guinée Equatoriale. Nos pouvoirs publics doivent accentuer la sensibilisation des jeunes tentés par l’aventure. Quand ils sont arrêtés en Guinée Equatoriale par exemple, ils sont dépouillés de tous leurs biens et jetés en prison. Ils subissent des tortures de tout genre. C’est déshonorant pour notre pays. Il faut éviter ces traitements inhumains à nos compatriotes en décourageant l’immigration incontrôlée.

S. : Que sollicitez-vous auprès des autorités burkinabè pour une meilleure visibilité des actions du consulat honoraire près le Bénin ?

M.L.O. : Nous attendons incessamment de l’Etat burkinabè des moyens substantiels pour pourvoir recenser nos compatriotes sur l’ensemble du territoire béninois. Une idée du nombre des membres de la diaspora aidera à mieux planifier et canaliser les actions du consulat sur le terrain. C’est parfois embêtant que nous restions hésitant devant les autorités de notre pays quand celles-ci veulent des données chiffrées sur la communauté. Deuxièmement, nous lançons un appel aux dirigeants de notre pays pour pousser suffisamment la réflexion de sorte à permettre aux Burkinabè de l’étranger de pouvoir voter. Ils sont frustrés de ne pas participer aux consultations électorales dans leur pays d’origine. Nous pensons que le niveau actuel de notre démocratie devrait permettre à la diaspora burkinabè de prendre part aux élections.

Troisièmement, nous aimerions recevoir au Bénin, le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi pour expliquer les initiatives de son département pour susciter l’espoir au plan national et empêcher le choix périlleux de l’immigration. Il s’agit de sensibiliser la jeunesse, tentée par l’aventure entretenue par les marchands de rêve qu’elle fait souvent le mauvais choix en immigrant. Nos compatriotes vivent un véritable calvaire dans certains pays de l’Afrique centrale. J’ai personnellement fait partie d’une mission diligentée en Guinée Equatoriale par le ministère du Travail et de Sécurité sociale. Les conditions de vie des Burkinabè immigrés sont écœurantes. Ils vivent dans la clandestinité entre la peur d’être jetés à tout moment en prison ou rapatriés et le poids des travaux pénibles mal remunérés.
Leur traitement suscite bien des interrogations. Ce serait mieux que, le Président du Faso, qui a toujours eu une oreille attentive pour ses compatriotes de l’étranger, envisage avec ses pairs, la signature de conventions offrant aux Burkinabè immigrés des traitements plus humains dans leurs pays d’accueil.

Interview réalisée à Cotonou (Bénin)
par Jolivet Emmaüs : email : joliv_et@yahoo.fr

Sidwaya

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