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Mme Christiane Y. Diop, comarraine de la 7e FILO : "J’invite la jeunesse à lire, à penser aux problèmes du continent africain"

Publié le vendredi 23 novembre 2007 à 10h26min

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Elle n’aime pas beaucoup les interviews, nous a-t-elle confié dès notre approche. Elle, c’est Mme Christiane Yandé Diop, actuellement directrice
de la maison d’édition Présence africaine qu’elle a héritée de son mari Alioune Diop et de ses compagnons. Présente dans la capitale burkinabè
pour parrainer la septième édition de la Foire internationale du livre de Ouagadougou (FILO), Mme Diop s’est prêtée aux questions de Sidwaya.
Dans cet entretien, elle apprécie la santé du livre en Afrique, invite à l’unité du continent.

Sidwaya (S) : Que ressentez-vous en tant que comarraine de la septième édition de la FILO ?

Christiane Yandé Diop (C.Y.D) : Je remercie le ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication, Filippe Savadogo qui a toujours entretenu avec Présence africaine des relations très chaleureuses, privilégiées. Je le remercie aussi d’avoir contribué à assurer à Paris, des rencontres culturelles africaines. C’est lui qui a insisté pour que je vienne parrainer cette 7e édition de la FILO.

S : L’édition n’est-elle pas en perte de vitesse avec l’avènement de l’Internet ?

CYD : En France où je vis, on en publie tellement que par moments, on est dégoûté de voir tant de productions. Il ya eu de bons comme de mauvais. Ce qui m’intéresse, c’est l’Afrique surtout. A cause du prix, nous sommes privés du livre en même temps, des inventions, des techniques nouvelles. L’Afrique fait de son mieux dans la production de livre mais malheureusement, nous n’avons pas accès aux grands prix littéraires français. Je pense que Calixthe Beyala, cette grande écrivaine (comme disent les Canadiens), également invitée de marque de la 7e FILO, parlera mieux que moi de ce problème de prix littéraires. C’est toujours les grandes maisons, faisant partie de réseaux qui s’en sortent avec les plus gros lots.

S. : Comment se manifeste l’intérêt de Présence africaine pour la littérature de jeunesse ?

C.Y.D. : Depuis bien longtemps, nous nous sommes intéressé à cette littérature. Nous avons même une collection jeunesse. Nous n’avons pas attendu l’engouement actuel avant de faire dans la littérature de jeunesse. Cette littérature doit être encouragée. J’en dirai plus dans mon discours de ce soir (à 17h, ouverture officielle de la 7e FILO). Nous ne devons pas nous enfermer dans notre monde. Il faut lire pour essayer de comprendre l’autre aussi. Encore une fois, nous invitons les ministères concernés par le livre, les éditeurs, les bibliothécaires, les médias, à s’impliquer davantage pour une meilleure accessibilité aux livres.

S : Comment se porte Présence africaine, votre maison d’édition, à l’heure actuelle ?

C.Y.D : Présence africaine a beaucoup de difficultés. Dès le départ, les fondateurs n’avaient rien. C’étaient des hommes de culture. Je n’aime pas beaucoup aujourd’hui le mot intellectuel. Il est tellement galvaudé, tout le monde se dit intellectuel. Je préfère utiliser le terme "homme de culture". Présence africaine continue certes d’avoir beaucoup de difficultés, mais nous sommes là à cause de l’Afrique. Nous ne devons pas baisser les bras, surtout pas moi. Car Alioune Diop, Aimé Césaire, et autres ont créé cette revue avec des convictions nobles. Donc je n’ai pas le droit d’abandonner. Mieux, je prépare ma relève, il nous faut des outils modernes pour attirer les jeunes auteurs, avec toujours le même esprit que l’Afrique doit être au centre de nos préoccupations. Nous comptons beaucoup sur l’aide, la compréhension des chefs d’Etat africains. Chaque fois que j’en rencontre, je partage ma vision pour l’Afrique. Je pense pouvoir rencontrer le président Blaise Compaoré. Même si je n’arrive pas à le voir cette fois, je serais désolée mais pas désespérée.

Que rencontrez-vous concrètement comme difficultés dans le domaine de l’édition ?

C. Y. D. : Dès le départ, il n’y a pas eu de financement, de fonds de roulement. Les initiateurs de Présence africaine ont créé cette maison sur la base de leur bonne volonté. Mon mari lui-même, était un jeune enseignant avec un salaire pas terrible, Aimé Césaire, un jeune député, Jacques Rabemanjara sortait de prison. Nous n’avions pas d’argent. C’est seulement la foi en l’avenir de l’Afrique, nous voulions faire entendre notre voix qu’on nous confisquait. On a tenu le coup jusque-là avec l’appui de nos amis fidèles, mais il est temps qu’on se modernise, qu’on ait des outils et qu’on récupère tous nos jeunes auteurs qui sont partis pour essayer d’avoir des prix ou autre chose ailleurs. Je les ai compris, parce que nous ne pouvions pas leur donner ce qu’ils espéraient. Certains nous sont restés malgré tout, fidèles. Nous avons publié par exemple, les deux premiers romans de Alain Mabanckou. Il est parti dans une maison d’édition française et il a obtenu le prix Renoudot. Nous maisons africaines avons de sérieuses difficultés à avoir les grands prix français. Cela ne doit aucunement nous empêcher de construire notre Afrique. Pensons à l’Afrique, elle est riche et enrichit l’autre.

S. : Quel jugement portez-vous sur votre collaboration avec Jeunesse d’Afrique au Burkina Faso ?

C.Y.D. : Elle est bonne. Jeunesse d’Afrique paye ses factures et nous sommes en bons termes.

S. : Que vous reste-t-il à cœur pour l’édition africaine ?

C.Y.D. : Que nous cessions de nous quereller. Nous sommes en Afrique de petites maisons d’édition très fragiles.
Au contraire, nous devons nous unir, s’appuyer mutuellement. Pour moi la vieille maman, l’Afrique doit s’unir, comme l’a dit Kwamé N’Krumah. D’ailleurs, je vais éditer en poche son livre sur l’unité africaine. A mon avis, tous les jeunes doivent lire ce livre et bien d’autres, de N’Krumah. Alors vive l’Afrique !

S. : Quel appel avez-vous à l’attention de la jeunesse à laquelle la présente FILO est dédiée ?

C.Y.D. : Je demande à la jeunesse de lire beaucoup. Je sais que le livre reste très cher. Nous devons nous pencher sur ce problème de coûts.
Pas seulement nous libraires et éditeurs, mais avec les ministres concernés, les compagnies de transport pour essayer de voir comment nous pouvons travailler à baisser les prix qui sont exorbitants. Ils sont combien les Africains à pouvoir payer un livre de 12 000 F CFA. Je suis convaincu qu’une baisse des prix de vente des livres pourra encourager les jeunes à la lecture. Heureusement qu’il y a Internet. Là également, tout n’est pas rose, parce que tous les jeunes ne peuvent pas avoir accès aux cyber cafés. Tout est un problème d’argent. Très peu de jeunes s’adonnent à la lecture aujourd’hui, même d’adultes. Peut être qu’il existe d’autres explications à cela, outre les questions financières.

Parce que quand on voit les jeunes très bien et chèrement habillés, sortir des boîtes de nuit, on est en droit de se poser des questions. Quand on est jeune, il y a des priorités de ce genre-là. Toutefois, je pense qu’aujourd’hui, où il est question de mémoire, d’histoire, les jeunes doivent lire pour qu’on essaie de se positionner. J’ai l’impression que par moments, on revient en arrière. Les pères de la négritude, à l’instar d’Alioune Diop, étaient des rassembleurs.
Nous disons actuellement d’une autre façon ce que eux ont dit il y a une cinquantaine d’années. J’invite la jeunesse à lire, à penser aux problèmes du continent africain. Tout cela ne peut se faire qu’avec l’appui des autorités. Je remercie le président du Faso, le ministre Filippe Sawadogo de nous avoir aidé à financer un dossier de la revue Présence africaine en hommage à Joseph Ki-Zerbo. Pour un chef d’Etat, c’est encourageant.

ITW réalisée par Sita TARBAGDO
et Alassane KARAMA

Sidwaya

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