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Institut des peuples noirs : Grandes ambitions, grande démission

Publié le mardi 20 novembre 2007 à 12h23min

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Après dix ans de coma clinique au cours desquels on a vu défiler à son chevet tous les marabouts et les magiciens, l’Institut des peuples noirs (IPN) semble parvenu, à présent, à la phase terminale de son agonie.

Si le gouvernement burkinabè ne fait pas de l’IPN une préoccupation d’Etat, on pourrait bientôt ramasser sa carcasse et mettre son patrimoine à la vente aux enchères. Il donne des chants de cygne. L’Institut des peuples noirs (IPN) va-t-il en définitive tromper l’espérance de tout un peuple ? On est vraiment tenté de répondre par l’affirmative. Des inquiétudes légitimes subsistent. L’Institut vient d’être encore décapité !

Il y a à peine quelques semaines, son directeur général, Eric Benon, a été nommé au Ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS) pour y occuper, le poste d’Inspecteur général des services (IGS). Cela est de bonne guerre. Et personne n’aurait eu matière à spéculer sur son départ si l’on s’était autant hâté à occuper le vide administratif créé par sa nomination à de nouvelles fonctions. Pire, au moment même où nous traçions ces lignes, il n’existait point encore une simple note de service à même de désigner un intérimaire du "DG", et ce, dans la perspective d’assurer les affaires courantes. Il en est ainsi depuis 1990, année où s’est tenue à Ouagadougou, l’assemblée constitutive de l’IPN devant près de deux cents participants venus de trente-quatre pays du monde noir, le Burkina Faso met et démet les premiers responsables de l’organisation au grand mépris des textes fondamentaux de l’Institut qui lui en interdisent. Dix-sept ans après, tous les employés, toutes catégories confondues, sont fatigués.

Dans l’attente de se situer à l’étage d’une autre compréhension heureuse sur l’avenir de l’Institution, certains sont devenus des gardiens du temple à Dassasgho et d’autres, des marchands de casse-croûte à l’avenue Kwamé- N’Kruma. Au siège de l’IPN, pour disposer d’un stylo à bille ou approvisionner le véhicule de service en carburant pour mission, c’est la croix et la bannière. Respectons nos propres textes ! L’atelier national de relance des activités de l’IPN tenu les 4 et 5 septembre 1997 à Ouagadougou sous l’impulsion salutaire du ministre de la Culture d’alors, Mahamoudou Ouédraogo, avait mis avantageusement en relief les graves dysfonctionnements qui bloquaient (et qui bloquent aujourd’hui encore) les missions de l’organisation. Le diagnostic avait relevé des insuffisances organisationnelles au niveau des missions, des structures, des méthodes de travail et des ressources de l’IPN.

Comment expliquer et comprendre légitimement que dix ans après, le Burkina se retrouve encore en train de se fourvoyer ? Alors de deux choses, l’une : soit l’IPN est un Etablissement public de l’Etat (EPE) et dans ce cas le pays dispose de l’organisation à sa guise ; soit l’IPN est un établissement public international et donc le Burkina marque son intérêt à reconnaître, respecter les textes organiques de l’Institut et surtout son engagement à se reférer au Congrès des peuples noirs (CPN), seule instance internationale de l’IPN habilitée à statuer sur la "vie" de l’organisation. "L’IPN, constatait tristement Mahamoudou Ouédraogo en 1997, est toujours plus d’une décennie après son ambition sur les starting-blocks en attente d’un hypothétique départ dans l’indifférence des pays africains, ceux-là mêmes et dans le ricanement voilé qu’il est facile d’imaginer". Aujourd’hui encore comme hier, on peut observer que la force et la timide volonté politique qui animaient, en 1997, le Burkina Faso et qui lui ont permis du reste de se confronter à ses doutes et les transcender pour vaincre ses hésitations sont en train de le quitter. Alors, faudra-t-il, en définitive, en appeler à l’arbitrage du Président du Faso pour pousser résolument l’IPN à sortir de sa longue période d’hibernation ?

L’arbitrage du Président du Faso

Au mois d’avril 1990, le président Blaise Compaoré montrait déjà non seulement toute sa disponibilité en ouvrant personnellement les travaux de l’assemblée constitutive de l’IPN à Ouagadougou mais aussi avait reconnu et salué toute la portée historique et politique de l’Institut dont la création, s’est-il félicité, participera, à "l’édification de la civilisation de l’universel". Fort de cette caution politique, le Burkina s’était lancé dans la logique de résurrection de l’organisation, convaincu qu’il était, que toutes les "inquiétudes sont levées" et que l’IPN s’est enfin débarrassé du supposé ou réel "carcan idéologique qui compromettait ses ambitions de rassembleur". En effet, en l’espace de dix ans, le pays va déployer activement une diplomatie culturelle dynamique sur tous les fronts. Ainsi, après la relance officielle en 1997 des activités de l’IPN, le gouvernement burkinabè faisait organiser le 25 septembre de la même année une rencontre de concertation tripartite (IPN-PNUD-UNESCO) à Ouagadougou, au cours de laquelle des volontés internationales ont été sollicitées pour porter l’Institution dans les cimes de l’espoir.

Quelques semaines, ensuite, Filippe Savadogo alors ambassadeur du Burkina Faso à Paris en France recevait une forte délégation de personnalités de notoriété académique, culturelle et politique conduite par le ministre Christophe Dabiré des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique. Le Burkina était ainsi venu en France se mettre à la quête de nouveaux espaces politiques dans la perspective d’offrir une grande audience internationale à l’IPN. Dix ans après, l’IPN est toujours resté l’IPN ! C’est-à-dire un mythe sans corps. Hier, on lui reconnaissait un rythme de vie au ralenti ; aujourd’hui l’IPN mène un rythme de vie vers la mort. Son long coma clinique pourrait le pousser à taper à la porte de la morgue. Le Burkina est-il donc déjà fatigué ? Assurément que oui. "...dans un esseulement admirable, déplorait Mahamoudou Ouédraogo, le Burkina Faso en dépit des moyens limités, a donné sa dîme...tout ce qu’il avait d’important pour la survie de l’Institut".

Mais le Burkina est structurellement responsable de son abandon sur le quai. Des exemples. Depuis l’assemblée constitutive de l’IPN en 1990, notre pays a foulé et foule toujours aux pieds ses textes organiques. Ensuite, en 1992 Lelia Gonzalez, la représentante de l’IPN de la diaspora brésilienne est décédée. Les 18 et 19 septembre 1997 mouraient respectivement le Béninois Basile Kossou et le Guinéen Youssouf Diaré, deux animateurs de premier rang du symposium international de 1986 et de l’assemblée constitutive de l’IPN. Et curieusement, le gouvernement burkinabè ne leur a pas encore rendu un hommage posthume à la hauteur de leur engagement dans le rayonnement de l’organisation. Dès la ligne de départ, notre pays a rapidement engagé, seul, une course de vitesse alors qu’on attendait de lui une course de fond. Et maintenant l’avenir...

Par fidélité à l’histoire et surtout parce qu’il est là au bon moment et au bon endroit, le ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication, Filippe Savadogo, devrait manifester activement un intérêt soutenu au "dossier IPN". Vraiment les hommes et l’histoire le lui reconnaîtront. Une reconnaissance qui lui survira post mortem. Il faut donc agir tout de suite. Institution internationale dotée de la personnalité juridique et de l’extraterritorialité avec tous les privilèges et immunités diplomatiques, l’IPN doit être, ici et maintenant, rattaché à la présidence du Faso ou à tout le moins au ministère des Affaires étrangères. Nanti des règles de conduite à même de faciliter ses relations internationales, l’Institut devra faire un toilettage de son personnel actuellement commis à une simple gestion administrative et non à la conduite d’études et de recherches scientifiques dans les divers domaines de son champ d’activités. Il y va de l’honneur du Burkina de proposer la convocation d’un congrès des peuples noirs à Ouagadougou qui consacrera l’élection du directeur général de l’IPN et son adjoint au sein des Etats membres présents à l’instance décisionnelle.

En réalité, pour aller dans le fond, il s’agit purement et simplement, aujourd’hui, de rédiger et de faire reexaminer un nouveau projet de statut, règlement intérieur, règlement financier, statut du personnel et de l’accord de siège...En adoptant un organigramme officiel clair et en recentrant les missions de l’organisation, cela mettra fin aux fonctionnements de l’à-peu-près de l’IPN. L’Union africaine devra marquer aussi sa disponibilité aux côtés du Burkina à accompagner l’IPN qui est, quoiqu’on dise, un instrument de réalisation sur les passerelles de développement politique, économique, social et culturel des Etats africains.

Djadouo Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)

Sidwaya

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