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L’OCADES face aux résultats de la campagne agricole 2007-2008

Publié le vendredi 16 novembre 2007 à 11h35min

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1. Bilan de la campagne agricole 2007-2008 : Inondations et sécheresse se succèdent

La campagne agricole 2007-2008 qui s’achève aura été une campagne à grands paradoxes pour les populations du Burkina Faso. En effet la sécheresse a succédé aux pluies diluviennes avec la même furie destructrice. Et cependant le gouvernement vient d’annoncer le 7 novembre dernier un excédent céréalier de plus de 700 milles tonnes pour l’ensemble du pays.

Cette sortie du ministre de l’agriculture Burkinabè vient-elle cependant mettre fin au sentiment général d’une campagne globalement déficitaire et surtout à la spéculation céréalière déjà vive dans les villes et villages du pays ?

Dès le mois d’avril 2007, les premières pluies étaient tombées sur certaines contrées du pays. Puis le nord du pays, zone généralement déficitaire, avait commencé à recevoir plus régulièrement des pluies que l’ouest, régions généralement plus arrosées. Les anciens du village disent que quand les pluies débutent à l’envers (par le sahel, nord du pays) c’est un mauvais signe. Effectivement, les régions les plus arrosées du pays étaient légèrement en retard au mois de juin par rapport à celles généralement déficitaires du nord.

Les pluies se sont installées timidement sur l’ensemble du pays. Les premières grandes averses sont apparues dès le mois de juillet. De fortes pluies sont tombées et les rivières se sont gonflées. Des infrastructures (ponts, chaussées, routes, écoles…) et des maisons ont été endommagées ou détruites, des greniers et du bétail emportés et enfin des champs inondés ou ensablés. Les eaux ont dévasté les récoltes : les pieds de maïs qui sont restés dans l’eau ont littéralement brûlé. Le sorgho a été retardé dans sa croissance par le trop d’eau. Et malheureusement de nombreuses de pertes en vie humaine ont été enregistrées. La situation/bilan établie au 2 novembre 2007 par le CONASUR (comité national de secours d’urgence) est la suivante : 98 701 personnes sinistrées dont plus de la moitié de femmes et d’enfants, 15 515 ménages affectés, 53 décès et 76 blessés, 1 772 greniers emportés et 18 500 maisons détruites et enfin de l’argent et des effets personnels emportés.

Il est encore paradoxal de vouloir aujourd’hui convaincre qui ne connaît pas le sahel que la saison 2007-2008 s’est finalement achevée dans une sècheresse globale, alors que les médias internationaux ont relayé l’évènement des inondations dans toute l’Afrique de l’Ouest, le Burkina y compris. La réalité est là : les pluies se sont brutalement arrêtées à mi septembre, alors que les récoltes n’avaient pas encore atteint la maturité.

Après évaluation des résultats de la campagne, le gouvernement Burkinabè a tout de même qualifié les résultats de globalement satisfaisants. Et voilà encore un paradoxe. Alors que les paysans s’inquiètent et qualifient leurs résultats de médiocres et décevants quand on les aborde, le gouvernement affirme le contraire. Deux méthodes d’évaluations semblent s’affronter. La méthode empirique et concrète des agriculteurs qui ont constaté une baisse sensible de leur production et celle statistique des dirigeants qui annonce un résultat excédentaire pas très loin de leurs prévisions de début de campagne. Ce qui est vérifiable : après un mois d’août trop pluvieux, les pluies se sont arrêtées brusquement en fin septembre au moment de l’épiaison ou de la maturité des récoltes. Des espoirs sont perdus : certaines zones sont incontestablement déficitaires alors qu’elles sont traditionnellement excédentaires ; le sahel et le nord du pays qui étaient généralement déficitaires sont dits « excédentaires » cette année. L’excédent de ces zones peu agricoles suffira-t-il à compenser le déficit de zones dites « greniers » du pays ? Ce sera alors le plus grand paradoxe de cette campagne 2007-2008.

1. La réponse de l’OCADES Caritas Burkina :

La première réponse du réseau OCADES a été l’assistance aux personnes victimes à travers les communautés de bases, les paroisses et les diocèses. Les victimes des inondations ont été assistées en vivres et matériel de couchage à Bobo, Banfora, Manga et Kaya. Les sans abris ont été accueillies dans les écoles et même des chapelles de villages. Le secrétariat national a appuyé financièrement selon ses moyens les diocèses de Bobo et de Manga avec une somme de 500 000F CFA. Il a aussi organisé la collecte et le traitement des informations afin de mieux affiner la stratégie d’intervention.

La seconde réponse a été organisée avec CRS/Burkina parce que CRS Burkina et OCADES travaillent ensemble en consortium pour le secours d’urgence. La somme de 22 220 713 F CFA a été puisée dans le reliquat du SOA 2005 pour aider les victimes des diocèses de Manga, Bobo et Banfora. L’USAID a participé à cette action à travers une enveloppe de 50 000 Dollars US (23 647 500F CFA). Le consortium a expérimenté une méthode dite « foire » qui permet aux bénéficiaires de choisir eux-mêmes ceux dont ils ont besoin sur la place du marché du village. Ce sont les matériaux de constructions (ciment, tôles ondulées, portes, fenêtres…) et les vivres qui ont été choisis par les bénéficiaires. Les femmes chefs de ménages bénéficiaires ont souvent opté pour les ustensiles de cuisine, le matériel couchage et de ménage. Cette méthode permet d’enrichir les commerçants du village afin de créer par là des richesses dans les villages affectés.

La troisième réponse est menée actuellement avec la Coopération Canadienne qui met à la disposition de OCADES, la somme de 38 670 600 francs CFA pour un appui des populations en kits alimentaires et scolaires sur le volet secours d’urgence pendant un mois (novembre) ; en kits médicaux, en formations et équipement dans le domaine du maraîchage et de la confection des fosses fumières dans le volet réhabilitation pendant trois mois. Cette opération concerne uniquement les victimes du diocèse de Ouahigouya (paroisse de Titao).

2. Les prévisions et propositions de l’OCADES Caritas Burkina

Les humanitaires devront surveiller étroitement la situation pour les mois à venir. Malgré l’optimisme du gouvernement qui a déclaré une campagne excédentaire, les populations sont confrontées à la vraie réalité de leur déficit et se préparent à vivre des situations difficiles. Leur conviction que les récoltes n’ont pas été très bonnes ne peut être bousculée par une simple déclaration d’Etat. Il faut surveiller la circulation et la spéculation des céréales pour agir sur les prix. Le gouvernement a promis fermement de s’y atteler. Mais que pourra-t-il contre une tendance « mondialisée » de la surenchère des coûts des céréales surtout que les grands voisins du Ghana et du Nigéria sont déclarés déficitaires pour cette campagne 2007-2008. Il y a déjà des signes visibles d’une relative augmentation des prix des produits alimentaires. Pendant la foire que le consortium a organisé à Bama (diocèse de Bobo) le 7 novembre, le sac de maïs se vendait à 11 000F CFA alors qu’à cette période elle devrait se vendre, selon les paysans et commerçants sur place, entre 6 000 et 7 000F CFA. L’importance des dégâts dus aux inondations dans ce village peut-elle expliquer cette différence de prix par rapport aux années précédentes ? N’est-ce pas un signal fort d’une flambée des prix même dans les zones traditionnellement excédentaires et réellement déficitaires cette année ? Selon nos enquêtes, à la flambée des prix des produits alimentaires de base tels que le litre d’huile, le Kg de sucre et le sac de riz, viennent s’ajouter celle des prix des céréales tels le sac de 100 kg de maïs ou de sorgho qui coûte déjà plus de 13 000 F CFA dans les régions du centre (Ouagadougou).

Les couches défavorisées que sont les ruraux producteurs de céréales ont été davantage appauvries par les résultats réels de la campagne agricole 2007-2008. Ils sont à la fois les sinistrés des inondations et les victimes de l’arrêt précoce des pluies. Leur état alimentaire et nutritionnel risque d’être alarmant pendant les périodes de soudure à venir (juin à septembre 2008). Le secrétariat permanent du CONASUR estime à 6 mois les besoins d’assistance alimentaire des sinistrés et les Nations Unies évaluent à 6 millions de dollars l’aide nécessaire pour la reconstruction du pays.

L’OCADES voudrait donc attirer l’attention de tous les partenaires sur cette chaîne de paradoxes d’une part qui complique et retarde les choix stratégiques de terrain et d’autres part sur la nécessité de se préparer à répondre de manière organisée à la situation. L’OCADES proposera une stratégie et des actions dans le sens de répondre, non pas seulement à la situation présente de l’après-immédiat des inondations qui nous semble globalement maitrisée, mais surtout d’anticiper sur les problèmes à venir pendant les périodes difficiles.

Pour être efficace, il faut envisager une réponse ponctuelle et structurelle. Il faut certainement agir sur les effets de la campagne 2007-2008 : assurer à manger aux populations les plus vulnérables (femmes, enfants, vieillards, ménages pauvres…), aider à reconstruire les habitations et les infrastructures communautaires etc. Mais il faut également organiser une réponse qui permette aux couches vulnérables de produire des biens. Nous recommandons d’intensifier les aides à la production. Dans certaines régions, les aides à l’élevage d’embouche seront vraiment une chance pour les familles pauvres de mener des activités génératrices de revenus à moyen terme.

Dans les zones où l’eau de production est disponible, il faudra appuyer les groupes organisés et des personnes isolées dans la production de contre saison (maraîchages, culture de maïs…). Un appui sensible devra être porté aux femmes chefs de ménages pour faciliter leur accès aux microcrédits et aux activités génératrices de revenus. La situation nutritionnelle des enfants devra faire l’objet d’une attention particulière dans les centres de récupération nutritionnelle et autres structures d’accompagnement des femmes et enfants malnutris. Pour rappel, 5 régions avaient déjà été déclarées en situation de malnutrition avancée pour des enfants, femmes enceintes et femmes allaitantes. Ces régions sont : la région du Sahel (diocèse de Dori), la région du Nord (diocèse de Ouahigouya et la partie nord du diocèse de Koudougou), la région du Centre Nord (diocèse de Kaya), la région de l’Est (diocèse de Fada) et la région du Sud Ouest (diocèse de Diébougou).

Les secrétariats exécutifs diocésains entreront en dialogue de collaboration avec d’autres structures afin d’apporter des réponses adéquates aux attentes des populations. Pour cela la formation en secours d’urgence et la mise en place d’un système d’alerte précoce fonctionnel devront être des activités à inscrire en priorité dans les agendas du personnel. L’achat des céréales et la constitution de stocks de sécurité sont incontournables pour chaque secrétariat exécutif diocésain et le secrétariat national. Les greniers de prévoyance ou les banques de céréales fonctionnelles pourront être renforcés en capacités financières et opérationnelles.

Le gouvernement a promis de prendre en compte les ONG dans son plan de mise à disposition des vivres pour une vente à prix social dans les provinces déficitaires. Nous agirons avec d’autres associations et ONG, afin de mettre en place des plans de vigilance et de protection des droits des plus démunis et éviter les détournements de vivres et autres récupérations politiciennes malsaines des actions humanitaires. Nous apporterons ainsi notre contribution à l’édification d’une société plus juste et solidaire.

Abbé Isidore OUEDRAOGO
Secrétaire Exécutif National

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