LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Journée panafricaine de Munich : L’Europe redécouvre Sankara

Publié le mercredi 31 octobre 2007 à 07h16min

PARTAGER :                          

Une journée panafricaine s’est tenue en septembre dernier à Munich (Allemagne) où un hommage a été rendu, entre autres, à Thomas Sankara, en présence de sa veuve, ainsi que l’indique le communiqué de presse ci-dessous.

Après des mois d´intenses travaux de préparation et de mobilisation par le comité d’organisation, la conférence de la journée panafricaine a pu se tenir avec succès à Goethe Forum de Munich, le 22 septembre dernier. Malgré la grande fête de la bière de Munich (OctoberFest) qui ouvrait ses portes le même jour, la conférence a pu réunir des Africains de toutes nationalités, des Allemands venus de toutes les villes de l’Allemagne. La première belle surprise était le climat ensoleillé inhabituel dans un mois de septembre ici à Munich, dans la Bavière.

A 10 h 30, deux équipes de cameramen officiels pour la circonstance ont déjà installé leur équipement, pendant que le comité d’organisation apporte les dernières retouches techniques dans la salle. A 11 h 30, le modérateur, José Langa de la R.D.C., invite le conseiller municipal, représentant le maire de la ville de Munich, M. Siegfried Benker, à prendre la parole pour son mot de circonstance. M. Benker a salué l’initiative d’un tel forum et a précisé que la première fois qu’il avait reçu le comité d’organisation, venu pour la présentation du projet, il avait été tout de suite convaincu et avait voulu l’appuyer pour que le département culturel de la ville de Munich (Kulturreferat des Landeshauptstadt München) finance le projet. Il ajoute qu’avec la situation actuelle de l’Afrique, qui sous-entend la misère, la famine, les maladies, les guerres, les catastrophes naturelles, etc., et un président comme Thomas Sankara qui, avec le peu de ressources dont dispose le Burkina Faso, a pu, en l’espace seulement de quatre années, faire des réalisations énormes sur tous les plans, voir les jeunes Africains de la diaspora s’activer à reprendre cette lutte mérite encouragements et soutiens.

Après l’intervention de M. Benker, c’est le tour de Hamado Dipama (Burkinabè), initiateur de cette journée panafricaine, pour le mot de circonstance du comité d’organisation. Dipama a souhaité la bienvenue à tous les conférenciers, invités, journalistes, groupe de musique, participants, et adressé des remerciements au sponsor (Kulturreferat München) et tous ceux qui ont contribué à la tenue de cette journée. Il a demandé au public l’observation d’une minute de silence à la mémoire de Thomas Sankara à qui la journée est dédiée, et tous les combattants panafricanistes qui sont tombés de part le monde pour leur combat pour la liberté de leurs peuples. Dipama a présenté par la suite, en résumé, les raisons qui ont motivé la tenue de cette journée :

- Les drames de l’immigration des Africains vers l’Europe,

- La situation précaire des Africains en Europe,

- L’indifférence de nos dirigeants face à tous les problèmes qui minent notre continent,

- Le système d’éducation inapproprié à l’Afrique,

- La commémoration du 20e anniversaire de l’assassinat du président Thomas Sankara du Burkina Faso, etc.

Dipama a lancé un appel à une prise de conscience des Africains, et une solidarité politique agissante des alter-mondialistes, internationalistes, avec les panafricanistes qui luttent. Il a terminé en déclarant la conférence ouverte, et a souhaité que cette journée apporte un plus dans la conviction de tous, et qu’elle puisse convaincre ceux qui doutaient jusque-là.

L’intervention de Dipama a été suivie d’un des cinq orateurs invités du jour, David Adu Boahene (Ghana), correspondant de deux magazines (African Courier et Lo´Nam Magazin), qui a développer le concept, l’idéologie du panafricanisme, et parlé de ses grands leaders tels que George Padmore, WEB du Bois, Marcus Garvey, Kwame Nkrumah, Cheick Anta Diop, Thomas Sankara, etc.

Après Mr David, le modérateur Jose Langa appelle à la tribune Me Bénéwendé Stanislas Sankara, leader de l´opposition au Burkina Faso, avocat de la famille Sankara, qui a profondément développé le thème sur les forces et faiblesses des luttes, avec comme exemple la Révolution burkinabè avec Thomas Sankara. Maître Bénéwendé a réitéré son encouragement, son soutien aux mouvements de lutte de la diaspora africaine réuni le 22 septembre 2007 à Munich. Il a insisté que nous, Africains, devrons redoubler d’efforts dans la lutte, pour mettre fin à ce paradoxe qui fait que dans des pays africains comme le Burkina Faso, les palais présidentiels sont construits à coup de milliards alors que la population ne peut pas se nourrir, se soigner, n’a même pas accès à l’eau potable. Maître Bénéwendé Sankara, venu du Burkina Faso, a, pendant 30 minutes, plaidé pour 14 millions de Burkinabè délaissés, qui ne peuvent plus se soigner ni se procurer d’eau potable.

Après une pause qui a permis aux participants de déguster de délicieux plats à l’africaine, un film sur la vie et la Révolution de Thomas Sankara, spécialement préparé par le comité d’organisation, a été projeté. Le film émerveilla le public qui, durant toute la séance, n’a cessé d’applaudir. Ce film a permis à l’assistance de savoir qui était Thomas Sankara, quand on sait que Sankara était méconnu du publique allemand.

L’orateur suivant appelé à la tribune après le film était Senfo Tonkam, Camerounais, politologue, enseignant à l´université de Hamburg.

Senfo a développé le thème "La mondialisation et l’Afrique".

Il a démontré que cette mondialisation n’est rien d’autre qu’une autre forme de domination impérialiste, une des causes de l’état désastreux du continent africain. Il termine son allocution par un appel à une vraie prise de conscience des Africains.

Ayaba Cho Lucas, Camerounais, activiste pour les droits humains, coordonnateur du groupe "The Voice Africa Forum" en Allemagne, auteur du livre "Not Gulty" (Non coupable), est intervenu sur le thème "La situation des Africains en Allemagne et en Europe". Ayaba a évoqué la brutalité policière et les contrôles racistes que les Noirs subissent en Europe (Sierra Léonais "Ours Djallo" brûlé vif dans une cellule de la police allemande). Il a par la suite donné l’exemple par un appel aux Africains d´Europe à s’unir pour une résistance contre toute forme de racisme et de discrimination.

Le dernier thème du jour fut présenté par Uche Akpulu, Nigérian, biochimiste, consultant environnemental, activiste pour les droits humains à Munich, co-auteur du livre "Révision-postkoloniale perspective von people of color auf Rassismus" (2007). Il affirme que la situation socio-économique et politique actuelle de l’Afrique résulte de l’esclavage, du colonialisme et du néocolonialisme que le continent a subis, et que par ailleurs la responsabilité des uns et des autres doit être située. Ceux qui ont causé ces tords à l’Afrique doivent répondre de leurs actes. Nous, Africains, devrions, dans la même lutte pour la libération de notre continent, lutter également pour qu’excuse et réparation à l’Afrique puissent se réaliser, tel est l’appel lancé par le Nigérian Uche Akpulu. Il termine en lançant un autre appel à l’Union européenne et aux pays de l’Ouest afin que cesse leur ingérence dans les affaires du continent africain, et que les Africains sachent que la clé du développement de l’Afrique ne se trouve que chez les Africains.

Après la présentation des cinq orateurs du jour, une pause fut observée, et à 18 h 30 commencèrent les débats.

A 19 h, l’arrivée de Mariam Sankara, veuve du président Thomas Sankara, mit fin aux discussions du podium. Elle a été accompagnée par le professeur Aziz Fall, Sénégalais, coordonnateur de la Campagne international justice pour Thomas Sankara (CIJS), président du Groupe de recherche et d’initiative pour la libération de l’Afrique (GRILA), venu du Canada où il réside, et l’avocat membre du CIJS, Me Dieudonné Nkounkou du barreau de Montpellier.

Madame Sankara est accueillie à la porte de la salle par le groupe de musique (Lanandi) des femmes togolaises en Allemagne, sous l’acclamation du public.

Cette journée panafricaine fut la première sortie publique de madame Sankara. Depuis l’assassinat de son mari il y a de cela 20 années, elle n´a jamais accepté se présenter publiquement.

Madame Sankara a pris la parole, a tenu d’abord à s’excuser pour le retard dû au fait qu’elle a raté son vol à Paris. Elle a exprimé son encouragement, son soutien à des initiatives nobles de ce genre, et a remercié le comité d’organisation de l’avoir invitée pour l´hommage à Thomas Sankara. Elle a terminé son allocution en souhaitant bon succès aux activités futures du mouvement panafricaniste.

L´intervention de madame Sankara est suivie de celle du professeur Aziz Fall qui a remercié tout le monde et salué l´organisation de cette Journée panafricaine de Munich qui lui a donné l´opportunité de rencontrer madame Sankara, Me Bénéwendé Sankara et Me Dieudonné Nkounkou (Congolais), après 20 ans de contact téléphonique.

A la fin de ces interventions, Issa Sanon, Burkinabè, membre du comité d´organisation, a présenté la déclaration de la journée dont le rapport figure ci-dessous.

La conférence a été clôturée en beauté par deux concerts de deux groupes de musique africains (le Groupe Lanandi du Togo et Madou Djembé du Burkina Faso) et une soirée dansante de 21 h à 2 h du matin.

Plus de 300 personnes convaincues de la cause africaine ont répondu présent à cette journée panafricaine de Munich. Elles sont venues de divers horizons : Berlin, Bochum, Bonn, Brandenburg, Göttingen, Hamburg, Jena, Karlsruhe, Köln, Nürmberg, Stuttgart, Paris, Canada, Burkina Faso, etc.


Déclaration de la journée panafricaine de Munich du 22 septembre 2007

Des organisations de différents pays d’Afrique présentes en Allemagne le 22 septembre 2007 ont tenu une journée panafricaniste qui a fait l’objet de réflexions sur les oeuvres des leaders Africains à Goethe Forum de Munich.

L’envie de voir une Afrique forte, solidaire et libre a nécessité une déclaration à adresser à l’Union africaine par la voix de son président Alpha Omar Konaré.

Nous, Africains de différents pays et associations réunies au sein du Comité d’organisation de la journée panafricaine à Munich, adoptons la déclaration suivante.

- Vu l’immense grandeur du continent africain,

- Vu les ressources naturelles et potentialités humaines de chaque pays,

- Vu les conséquences de la colonisation et de l’esclavage.

La conférence déclare que l’Afrique a les moyens de se développer et de prendre son destin en main tout en se passant de l’aide qui lui confisque son indépendance réelle.

La conférence lance un appel pressant aux peuples africains pour un éveil de conscience afin qu’ils adoptent une mentalité permettant de surmonter l’esprit de la victime pauvre incapable de réagir pour son meilleur avenir. Dans ce contexte, l’exemple des progrès enregistrés au Burkina Faso avec le président Thomas Sankara en l’espace de 4 ans est illustratif.

La conférence condamne toute prise de pouvoir dans un bain de sang inutile en violation des institutions démocratiques. De même, elle prêche pour la liberté d’expression.

La conférence soutient toute initiative endogène et exogène de développement économique et demande un bloc des Etats africains pour l’annulation pure et sans condition de la dette extérieure. La conférence adhère à toute initiative d’une monnaie commune pour l’Afrique. La conférence soutient toute initiative encourageant le dialogue inter-Etats et non les guerres inter-Etats ou les conflits entre fraction rebelle et armée loyaliste. La conférence condamne les traités qui permettent aux armées non africaines d’intervenir en Afrique pour quelque raison que ce soit.

La conférence invite les forces de défense africaines à s’opposer aux conflits dictés et financés de l’extérieur pour mieux piller les économies.

La conférence soutient que l’Afrique porte toujours sur son dos les méfaits des époques coloniales et d’esclavage.

A cela, la conférence déclare :

- Que des excuses et des réparations soient présentées à l’Afrique en rapport avec la situation économique, politique et sociale des Africains.

- La conférence appelle le président de l’Union africaine à prendre les mesures nécessaires afin que cette prise de position devienne une réalité.

- La conférence rejette toute politique néocolonialiste qui n’est rien d’autre que le maintien de l’Afrique sous la domination de l’Europe. Les dirigeants africains sont interpellés de manière à combattre toute forme d’ingérence extérieure dans les affaires africaines. Pour la prochaine édition de journée panafricaniste de la diaspora de l’Allemagne, le président de l’Union africaine sera l’invité d’honneur pour l’évaluation de la déclaration de cette première édition de Munich. La conférence s’engage à créer des réseaux africains solides et sans frontière aussi bien de l’intérieur qu’à l’extérieur pour un projet panafricain.

Fait à Munich, le 22 septembre 2007

Le comité d’organisation de la journée panafricaine de Munich
Par Hamado Dipama (Pour le comité d’organisation)

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique