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Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l’UFC : "Si on reprend le décompte... nous aurons la majorité"

Publié le vendredi 26 octobre 2007 à 07h06min

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L’Union des forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio n’est pas contente du décompte des voix du scrutin législatif du dimanche 14 octobre dernier au Togo. Jean-Pierre Fabre, son "bouillant" secrétaire général a donné la position de son parti dans cette interview réalisée le 17 octobre, quelques heures avant la proclamation officielle des résultats provisoires et partiels, par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Malgré ses 27 députés, l’UFC entend mener bataille jusqu’à la victoire finale. Elle a introduit deux requêtes à la CENI et auprès de la Cour constitutionnelle.

Sidwaya (S) : La Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’a pas encore proclamé les résultats du scrutin, vous avez déjà une idée des résultats de votre parti ?

Jean-Pierre Fabré (J.P.F). : Nous avons nos résultats et nous avons constaté qu’il y a un taux anormalement élevé de votes annulés. Une préfecture qui a moins de 100 000 électeurs où on annule 12 000 votes, il y a quelque chose d’anormal. Ces annulations sont faites contre notre parti. C’est une pratique généralisée lors de ce scrutin, que dans toutes les circonscriptions électorales, on a annulé massivement des votes. Ce sont des annulations fantaisistes sans aucun fondement. Nous disons qu’il faut reprendre le décompte pour tenir compte de ce taux anormalement élevé de votes annulés. C’est à partir de ce moment qu’on verra plus clair.

Dans la partie septentrionale de notre pays, les annulations ont été très massives et cela nous porte énormément préjudice car nous savons très bien que cela vise à nous empêcher un siège, par-ci et deux sièges par-là. Nous avons donc saisi la CENI par une lettre pour lui demander de reprendre le décompte des voix. C’est une demande légitime car lorsque les mêmes problèmes se sont posés ailleurs, je pense à l’Ukraine et à la Géorgie, on a donné satisfaction à cette revendication et les parties lésées ont été rétablies dans leurs droits. Je crois qu’il ne faut pas se précipiter pour proclamer des résultats biaisés qui pourraient créer une situation de tension dans le pays. Il vaut mieux donner satisfaction à la revendication de l’UFC de reprendre le décompte de voix, circonscription, électorale, par circonscription électorale et vous aurez des surprises.

S : Dans votre déclaration, vous demandez aux Togolais de se mobiliser pour "sauver leur victoire". C’est une déclaration lourde de conséquence ou est-elle claire en elle-même ? Qu’est-ce que vous entendez par là ?

J.P.F. : Mais, la déclaration est très claire en elle-même. Il n’y a aucun appel à aucun acte illégal, il y a juste un appel à la vigilance des populations et je suis obligé encore de me référer à ces cas en Géorgie et en Ukraine où les gens se sont mobilisés pour défendre leur victoire. Il nous revient lorsque vous sommes victimes d’actes de cette nature, de faire preuve de beaucoup de vigilance et de mobilisation, c’est tout. De toute façon, c’est notre devoir de le faire et nous n’attendons pas qu’on nous dise que vous incitez à ceci ou à cela.

S : Le dispositif sécuritaire autour du vote : carte d’électeur avec photo, timbre sur le bulletin de vote, tout cela vous paraît futile de sorte que vous reprochez tant à ce scrutin ?

J.P.F : Le dispositif en lui-même était correct. Le recensement des électeurs, ensuite la délivrance des cartes avec photo et une liste électorale sur laquelle il y a des photos, tout cela a été correct. Mais lorsque vous avez affaire à un régime comme le nôtre, qui cherche inlassablement à frauder, il faut être extrêmement vigilant.

S : Autre temps, autres mœurs. On pensait que tout cela était fini avec la facilitation du président burkinabè, Blaise Compaoré ?

J.P.F : La facilitation burkinabè n’a pas idée de ce qu’il y a dans la tête de ceux qui ont l’habitude de frauder au Togo. Je crois qu’elle est loin de connaître la nature profonde du régime togolais. Mais, je profite de l’occasion pour dire que la facilitation burkinabè a été d’un très grand secours lors de ce scrutin. Ceci dit, je reviens sur le dispositif pour vous dire qu’il y a eu un problème sur l’authentification du bulletin de vote. Lorsque ce problème a été posé, chacun a pu constater que le régime du Rassemblement du peuple togolais (RPT) cherchait à frauder. Il a remis en cause une disposition à laquelle il avait participé à adopter, c’est-à-dire la signature du bulletin de vote par le président du bureau de vote et son rapporteur pour l’authentification. C’est pour cela que je vous dis que la facilitation n’a pas une idée de ce que sont ces gens. Quand ils ont remis la signature en cause et que la facilitation a proposé comme solution de coller des vignettes derrière le bulletin de vote pour authentifier le vote, il a suffi qu’on organise par l’intermédiaire des présidents des Commissions électorales locales indépendantes (CELI) : les présidents des CELI sont des magistrats nommés en conseil des ministres sur proposition de la CENI. On a organisé la pénurie de timbres à partir de la mi-journée du vote. A partir de ce moment, ça été la confusion totale.

S : Et le communiqué fait par la CENI pour y remédier ?

J.P.F : On n’a pas trouvé la parade. A partir de 11 heures jusqu’à 16 heures, il y a eu la pénurie des vignettes. Mais qu’est-ce qui s’est passé dans l’intervalle ? La CENI a publié un communiqué autorisant que l’on vote sans authentification ni timbre. On est retourné à la situation que l’on ne voulait pas. On a eu une réunion du Comité de pilotage avec le représentant personnel du président burkinabè, M. Moumouni Fabré. Il a été proposé de continuer le vote en revenant à la signature. Donc pendant quatre (4) ou cinq (5) heures, on a voté sans authentification et même après la prise de cette disposition, on n’a pas authentifier les bulletins. J’ai personnellement assisté au dépouillement de plusieurs bureaux de vote, je n’ai pas vu une seule signature sur les bulletins de vote. Cela veut dire que l’information n’a pas été transmise et donc de 11 heures à la fermeture à 17 heures, on n’a plus authentifier les bulletins. C’est là un des graves dysfonctionnements du scrutin. Le deuxième dysfonctionnement concerne le taux anormalement élevé des annulations de vote. Il n’est pas possible qu’on dépasse le taux de 12% de bulletins nuls. Cela devrait interpeller la CENI et les observateurs internationaux qui se cantonnent seulement à parler de l’aspect pacifique du scrutin, parce que lors des autres scrutins, on se battait devant ou dans les bureaux de vote.

S : C’est vrai qu’à chaque fois qu’il y a eu des troubles, c’est à posteriori, après la proclamation des résultats ?

J.P.F : Je suis un peu surpris de l’empressement, je n’oserais pas parler de légèreté, avec lequel on s’amuse à prétendre que tout s’est bien passé alors qu’on sait très bien que pour déclarer que tout s’est bien passé, il faut attendre de voir comment le contentieux est réglé. On n’est pas encore au contentieux et on s’empresse de proclamer que tout va bien.

S : L’Union européenne a insisté sur cette clause du contentieux disant qu’elle prend acte de ce qui s’est passé et attend le traitement diligent des contentieux ?

J.P.F : J’espère bien, parce que pendant des années, l’Union européenne (UE) a cherché à faire en sorte que l’UFC soit exclue du jeu politique. Elle sait maintenant constater malheureusement pour elle que nous sommes là et bien là et que nous représentons la force principale de ce pays.

S : Avez-vous déjà une réponse de la CENI par rapport à votre requête ?

J.P.F : J’entends dire que la CENI va proclamer les résultats dans les heures qui viennent (elle a effectivement proclamé les premiers résultats provisoires et partiels, le mercredi 17 octobre, complétés le 23 octobre 2007, Ndlr.) Elle assumera les conséquences de cet acte. Vous avez vu comment les jeunes qui sont devant notre siège sont dans un état de tension. Je crois qu’il faut que la CENI pose des actes qui vont dans le sens de l’apaisement au lieu de se précipiter car, on entend dire que sous la pression des observateurs internationaux, elle sera obligée de proclamer les résultats. Les observateurs internationaux ne sont pas des Togolais, c’est nous qui connaissons la situation de notre pays, ils ne peuvent pas mettre la CENI sous tension.

S : Est-ce que vous laisserez les jeunes que vous dites excités, manifester dans la rue parce que vous voulez qu’on ne leur vole pas leur victoire, comme écrit dans votre déclaration ?

J.P.F : Nous serons nous-mêmes dans la manifestation. Nous serons nous-mêmes organisateurs de la manifestation, responsables de la manifestation et devant la manifestation si manifestation il doit y avoir.

S : Finalement, ne risquez-vous pas de déclencher les troubles que vous dites ne pas souhaiter pour votre pays ?

J.P.F : Qu’on ne me demande pas de faire ce qui va dans mes intérêts que la loi n’interdit pas. La loi n’interdit pas de manifester. Je ne vais donc pas pour faire plaisir à la communauté internationale qui préfère qu’il n’y ait pas de vogue au Togo pour ne rien faire quand ça ne va pas. Pas du tout. Je veux montrer que je suis une force politique importante et qu’à mon appel, la population réagisse.

S : En faisant le point sur la base des résultats recueillis dans les bureaux de vote par vos délégués, l’UFC pourra-t-elle passer en tête ?

J.P.F : Je peux vous dire que si on reprend le décompte là où on a procédé à des annulations fantaisistes, nous aurons la majorité.

S : Le président de votre parti, Gilchrist Olympio, a créé une polémique en ne votant pas le jour du scrutin. Comment expliquez-vous son acte car, qui plus est, il n’était pas candidat à la députation ?

J.P.F : M. Olympio a une certaine envergure et le parti a d’autres ambitions pour lui. Il n’a donc pas été candidat parce que c’est la décision du parti et de lui-même. Ensuite, il n’a pas voté parce qu’il était fatigué à la suite de la campagne électorale. Il a eu une crise de paludisme qui est heureusement passée. Je ne vois donc pas où se trouve la polémique. Qui cela peut intéresser d’autre que le président de l’UFC n’ait pas voté que l’UFC parce que son vote appartient à l’UFC et je ne vois pas pourquoi d’autres seraient lésés s’il ne vote pas. S’il avait été en mesure de voter, il l’aurait fait. Il n’y a donc aucun motif de polémique. C’est vrai qu’on a entendu dire qu’il est très malade et on a même fait circuler une rumeur à Lomé disant qu’il serait décédé. De toute façon, M. Olympio rentre aujourd’hui à Lomé (l’interview a été réalisée le mercredi 17 octobre) et tout le monde pourra constater que son état de santé est redevenu normal et qu’il n’est pas décédé.

Interview réalisée à Lomé par
Romaric Ollo HIEN

Sidwaya

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