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Croissance du Burkina : Pour un contrat d’objectifs entre l’Etat et le secteur privé

Publié le jeudi 25 octobre 2007 à 06h53min

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La dernière rencontre entre le gouvernement et le secteur privé á Bobo-dioulasso continue de susciter des réflexions et des analyses pertinentes. On se souvient que certains téléspectateurs se sont interrogés sur les avantages fiscaux accordés aux opérateurs économiques, notamment sur leurs effets et même leur opportunité. Le tandem gouvernement-secteur privé comme locomotive de la croissance économique n’est pas contesté.

Il est plus que nécessaire au regard des profondes réformes économiques entreprises depuis le début des années 1990. Il reste cependant que cet attelage peut être mieux canalisé pour atteindre ses objectifs. C’est ce á quoi aboutit la réflexion de notre collaborateur qui plaide pour un véritable contrat d’objectifs entre les deux parties.

Le contrat en droit est défini comme une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’engagent envers une ou plusieurs personnes á donner, á faire ou á ne pas faire quelque chose. Le contrat aboutit á des obligations par chacune des parties, c’est-á-dire qu’il faut des résultats mesurables au besoin. Le contrat est donc une entente, ce que les anglais appellent un ‘’deal’’, une situation dans laquelle toutes les parties prenantes trouvent leur compte. Dans le domaine économique, il s’agit de faire en sorte que les principaux acteurs dont les actions conditionnent la santé économique du pays soient guidés par des objectifs précis, des objectifs mesurables.

Le rôle incontournable du secteur privé

Est-il nécessaire de rappeler que depuis le début des années 1990, d’importantes réformes économiques (et politiques) ont été engagées avec l’appui institutionnel des partenaires techniques au développement. Les réformes les plus commentées ont été les privatisations et l’affirmation du rôle désormais essentiel du secteur privé dans la création de la richesse nationale. Les opérateurs économiques privés sont á présent des acteurs incontournables dans la quête de la croissance économique et du développement tout court. Pour cela, une bonne partie de la législation a été refaite afin de mettre au diapason les intentions et les objectifs de chacune des parties. C’est dans ce sens que les opérateurs économiques ont demandé et continuent de demander des avantages et des modifications des textes pour les accompagner. On peut citer entre autre les réformes qui ont touché le Code du travail. On peut citer les demandes récurrentes du monde des affaires sur les avantages fiscaux.

Il faut dire que le secteur privé a raison de demander la modification de certains textes, au regard des conséquences de cette législation. Son poids est important en termes de salariés employés (donc de lutte contre le chômage), de contribution aux recettes de l’Etat (il contribue pour plus de 80% au budget de l’Etat), etc. Le Code des impôts mérite d’être revu afin que ses dispositions donnent les moyens aux opérateurs économiques de ‘’travailler’’. La pression fiscale sur le secteur formel et notamment sur les contribuables les plus connus par l’administration fiscale, l’assiette fiscale jugée un peu trop restreinte, les procédures de recouvrement contraignantes sont entre autres des points qui méritent d’être améliorés dans le sens des intérêts du secteur privé. Il faut saluer de ce point de vue les réponses constructives des pouvoirs publics et du gouvernement. Le Premier ministre l’a encore souligné lors de la dernière rencontre qu’il a eue avec le secteur privé. Il a loué le rôle combien incontournable du secteur privé, du fait essentiellement que le secteur public ne peut plus être le principal moteur du développement. Il faut d’ailleurs de souvenir d’un séminaire tenu dans le milieu des années 1990 sur les rôles de l’Etat dans le nouveau processus de développement, processus caractérisé par l’introduction du secteur privé dans des secteurs jusque-là acquis au secteur public.

Ces nouvelles attributions que l’on donne au secteur privé ne semblent plus être contestées par la plupart des acteurs économiques et notamment par les décideurs politiques. Il lui reste maintenant á assumer ces responsabilités, ces nouvelles charges.

Les responsabilités de toutes les parties

Par responsabilités, il faut entendre des engagements á être á la hauteur des attentes qui sont placées en toutes les parties, et notamment le secteur privé (étant entendu que le secteur public, les pouvoirs publics, le gouvernement peuvent estimer qu’ils remplissent leurs parts de responsabilités). Les mesures qui sont proposées par les représentants des pouvoirs publics et le gouvernement le sont dans des buts précis. Il s’agit globalement de favoriser le développement économique et social comme nous l’avons souligné plus haut. Il importe cependant de mieux spécifier, de mieux cadrer les actions qui entrent dans ce développement économique. Autrement il est utile que chacune des parties soit plus précise dans ses engagements et les résultats atteints ou á atteindre. Lorsque l’on parle de développement économique, cela renvoie á des notions très claires et précises. Lorsque l’on parle de croissance économique, cela renvoie á des chiffres clairs et mesurables dans les faits, pour ne pas dire dans le panier de la ménagère.

Lors des rencontres entre le gouvernement et le secteur privé, il est fait cas du bilan des engagements pris par chacune des parties et principalement par le gouvernement. Ainsi le ministère en charge de l’organisation (en l’occurrence le ministère de la Promotion de l’entreprise et de l’artisanat) fait le point sur l’état d’exécution des engagements pris par le gouvernement l’année précédente. Ceci permet de maintenir la confiance entre les deux parties et de montrer la bonne foi des autorités gouvernementales. Il importe cependant d’insister sur la responsabilité du secteur privé. Par exemple les avantages fiscaux proposés et pris par le gouvernement doivent permettre de créer des emplois, de créer ou de maintenir des entreprises, de lutter contre l’exode rural, etc. Il faut pouvoir quantifier tous ces effets attendus. Autrement il importe que le secteur privé prenne des engagements et que ces engagements soient quantifiés. Par exemple lorsque les opérateurs économiques demandent la baisse du taux de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (IBICA), il faut en même temps donner les effets que cette mesure peut engendrer en termes d’emplois pour les jeunes diplômés. Lorsque le monde des affaires demande les modifications des procédures de recouvrement ou l’abandon des prélèvements, il faut être en mesure de dire quels effets cela entrainera sur les recettes fiscales á court et moyen terme, c’est-à-dire sur les recettes de l’Etat. Ainsi, chacune des parties pourra faire le point des engagements qu’elle a pris l’année précédente. Cette exigence ne se fera pas facilement par le secteur privé dans son ensemble, du fait de sa diversité et de l’importance du secteur informel. Mais techniquement, cela est possible.

Les relations entre le gouvernement et le secteur privé sont indispensables et utiles pour l’économie nationale. En procédant á un ‘’deal’’ avec des objectifs et des résultats á atteindre par chacune des parties, on concilierait le droit et l’économie. On ferait désormais du droit économique.

Amadou N. YARO

Professeur,
Directeur général du Centre d’Enseignement á Distance de Ouagadougou


BREVES ECONOMIQUES

. Le Brésil octroie un crédit de 1 milliard de dollars á l’Angola. Ce montant servira á la construction d’une usine de production de carburant á base d’ethanol.

. Deux cents milliards de dollars, c’est le coût des guerres dans les pays africains. Ce chiffre sort du dernier rapport de l’ONG OXFAM sur les conséquences des guerres dans nos pays. Le rapport indique aussi qu’une guerre civile entraîne une diminution de 15 points du PIB chaque année dans les pays concernés

. Le Code des impôts du Cameroun est présentement en révision. Deux objectifs sont visés á travers cette troisième réforme depuis les 10 dernières années : d’une part il s’agit d’élargir l’assiette fiscale de l’impôt et, d’autre part, créer les conditions pour attirer encore plus les investisseurs. Comme au Burkina Faso, l’importance du secteur informel constitue un casse-tête pour les autorités camerounaises.

. Les réunions traditionnelles annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international se tiennent cette année sous le signe de la volonté de changement. Le nouveau patron du FMI, le Français Dominique STRAUSS-KAHN l’a promis. Les pays émergents ne veulent pas (encore) le rappeler. A travers le Brésil, ils ont sonné la charge en dénonçant le paradoxe actuel de l’actualité économique internationale. Le modèle des pays de l’OCDE est en panne. La croissance de l’économie mondiale est présentement assurée par les pays émergents.

. Il continue de monter, le prix du baril de pétrole. Cette semaine, le baril de pétrole est monté á 82 dollars US. Certains spécialistes pensent que le chiffre de 100 dollars sera atteint avant la fin de l’année. Croisons donc les bras.

. Le dollars US continue sa chute par rapport á l’euro européen. Le 22 octobre 2007, un euro s’échangeait contre 1,43 dollars US. Ceci n’est assurément pas une bonne nouvelle pour les pays de la zone franc arrimés á l’euro.

A.N.Y.

Le Pays

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