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15 octobre 1987-15 octobre 2007 : Les mutations économiques en faveur du progrès continu

Publié le mardi 2 octobre 2007 à 08h34min

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Depuis au moins une décennie, le Burkina affiche un taux moyen de croissance de 5% l’an. C’est peu pour produire des effets extraordinaires sur le panier de la ménagère. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est là une indication de progrès constant. Cela n’a pas toujours été le cas quand on sait que la politique économique à la limite de l’autarcie prônée sous la Révolution avait grippé la machine.

Le volontarisme de Thomas Sankara, le bénévolat des comités de défense de la révolution, l’internationalisme prolétarien n’a rien pu y faire. C’est donc logiquement que le Burkina va s’engager dans un programme d’ajustement structurel avec le concours des institutions de Bretton Woods. C’est le début d’une expérimentation de la bonne gouvernance et d’une ouverture économique qui porte de plus en plus leurs fruits.

Liberté et quête de progrès. C’est en ces termes que l’on pourrait résumer le credo qui guide les actions du président Compaoré à la tête de l’Etat burkinabè depuis 20 ans. Cette quête des libertés individuelles et collectives s’est réalisée progressivement par le retour du Burkina au statut d’un Etat républicain, laïc et démocratique.
La quête du progrès économique et social est un combat autrement plus difficile et de longue haleine.

Les options qui la guident sont celles du libéralisme économique avec pour objectif stratégique, l’édification d’une économie compétitive, génératrice de bien-être pour les Burkinabè. Le retour progressif du Burkina à une économie de marché ouverte aux capitaux privés et à la libre concurrence s’est accéléré en 1991 avec l’adoption d’un premier programme d’ajustement structurel avec le soutien de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

Ce choix économique est très largement confirmé dans les trois-discours programmes successifs qui ont assuré l’élection de Blaise Compaoré à la tête de l’Etat en 1991, 1998 et 2005. Son combat pour le développement économique du Burkina est axé sur la promotion de la bonne gouvernance, la lutte contre la précarité sociale, la valorisation du capital humain, l’appui au développement des secteurs de la culture, des arts et du tourisme.
Mais d’une manière générale, l’échec de l’auto ajustement économique avec un fort relent d’autarcie et de dirigisme a justifié, a contrario, cette option d’une économie plus ouverte.

L’échec de la tentative d’auto ajustement entre 1984 et 1990

Le premier plan quinquennal de développement sous la Révolution couvrait la période 1985-1990. C’était un ambitieux programme de développement des secteurs de production et de soutien à la production comme l’agriculture, l’élevage, les industries de transformation, les infrastructures de transport, etc. En amont du plan quinquennal, un programme populaire de développement fut conçu. En fait, un recensement des doléances des populations dans les villes et campagnes pour un meilleur accès aux services sociaux de base : écoles, dispensaires, maternités, puits et forages.

L’Etat révolutionnaire comptait sur « ses propres forces » et l’internationalisme prolétarien pour réaliser ce programme. En interne, il fit appel à l’investissement humain plus ou moins volontaire et l’on vit des Burkinabè de toutes les couches sociales se mobiliser ou être mobilisés sur les chantiers de travaux publics : bataille du rail, agrandissement de l’aéroport de Bobo, champs collectifs de production céréalière, ferme agro-pastoral des étudiants, etc. Le tout dans un volontarisme bon enfant sans réel impact efficace sur l’économie. La vérité est que l’Etat manquait cruellement de moyens financiers pour assurer des investissements lourds en amont et en aval des secteurs vitaux de l’économie.

Pourtant les quelques unités industrielles du pays dans lesquelles l’Etat avait la majorité des capitaux souffraient d’équipements obsolètes. Faso Yaar dont l’Etat voulut faire le grossiste et le détaillant de la distribution commerciale était mal géré. L’état général des routes était calamiteux et les pistes rurales quasi-inexistantes. Les principaux produits d’exportation du pays, le coton et les amandes de karité, les fruits et légumes connaissaient de graves problèmes d’écoulement du fait d’une politique commerciale frondeuse du Burkina contre ses principaux partenaires notamment les pays voisins côtiers qui appliquaient contre ces produits, une réciprocité de boycott. Le mot d’ordre « consommer burkinabè », l’expression la plus visible du relent d’autarcie économique prôné par le Conseil national de la Révolution (CNR) montrait très rapidement ses limites.

En fait ce mot d’ordre « Consommer burkinabè » visait à réduire la facture des importations notamment des produits alimentaires et participait aux mesures de l’auto ajustement économique. Cet auto ajustement qui exigeait des mesures drastiques de mobilisation des ressources financières internes avait entraîné le gel, voire la diminution des salaires des agents de la fonction publique par les avancements sans incidences financières, les retentions d’indemnités et de primes diverses, la révision du solde indiciaire des agents de la Fonction publique, etc. Toutes ces mesures se révélèrent insuffisantes pour mobiliser l’épargne nationale en vue des investissements lourds qu’exigeaient des besoins d’équipements comme la construction des routes, des barrages, des écoles, des hôpitaux, etc. Cependant, l’apport des partenaires bilatéraux et multilatéraux était difficile à mobiliser du fait d’une politique économique contraire à leur philosophie d’intervention.

Efforts internes insuffisants, financements extérieurs difficiles à mobiliser, l’économie nationale était, pour le moins qu’on puisse dire, dans une situation de crise. Une crise visible à travers une balance commerciale de plus en plus déficitaire, un ralentissement de la consommation intérieure, une absence d’investissements étrangers. Devant un tel tableau de bord économique avec beaucoup d’indicateurs au rouge, un remède de cheval s’imposait. Ce sera un changement progressif d’option après le 15 octobre 1987. C’est dans cette perspective qu’un programme d’ajustement structurel sera adopté avec l’appui du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. En souscrivant à ce programme, le Burkina s’imposait une nouvelle vision de la gestion économique, celle du libéralisme et son modus operandi de bonne gouvernance.

La bonne gouvernance comme support d’une nouvelle politique économique

La bonne gouvernance est un concept novateur dans la gestion des Etats. Elle suppose la mise en œuvre d’un ensemble de mesures macro-économiques dans l’objectif d’assainir le cadre juridique d’exercice des affaires, de conférer à l’administration publique l’efficacité nécessaire dans les réformes et le développement institutionnel. En souscrivant à un programme d’ajustement structurel dès 1991, le Burkina s’était engagé à appliquer ses mesures de bonne gouvernance. La première conséquence d’une telle option, c’est l’abandon du capitalisme d’Etat et sa planification dirigiste héritée de la révolution, au profit d’une économie de type libéral. Au Burkina cela va se manifester concrètement par :

- Une grande ouverture de l’économie au capital privé par le désengagement de l’Etat de certains secteurs d’activité ;
- l’ouverture et la compétitivité de l’économie ;
- la promotion de réformes institutionnelles et de l’esprit de la libre entreprise ;
- l’insertion du pays dans le processus de mondialisation et d’intégration régionale.
Pour parvenir à ces objectifs, une nouvelle organisation de l’environnement institutionnel s’imposait. Cela va se traduire par :
- La création de la Commission nationale de promotion de la bonne gouvernance.

Elle va élaborer un plan national de bonne gouvernance, cadre de référence pour les interventions de l’Etat à partir de 1998.

- L’élaboration d’un plan d’actions pour le renforcement de la gestion des dépenses budgétaires (PRGB). Ce plan est un guide de la politique du gouvernement dans la conduite des réformes prioritaires, l’amélioration de la transparence et l’efficacité de la gestion budgétaire.
- La création du comité national de la dette publique (1996) pour une bonne gestion de l’endettement public. L’ambition est de surveiller les ratios de viabilité de la dette dans le respect des engagements pris par le pays vis-à-vis des partenaires financiers internationaux.
- L’installation de la Cour des comptes pour veiller à la transparence dans l’exécution budgétaire et l’obligation de rendre compte. Elle doit mener une action permanente de vérification pour l’amélioration des méthodes et techniques de gestion du patrimoine public.

- La tenue des Assemblées générales des sociétés d’Etat, des établissements publics et des chefs de projets est une école de responsabilisation et d’appropriation de la bonne gouvernance. Bien d’autres mesures entrant dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, la réforme du code d’investissement, le recours au marché financier régional participent à l’ouverture de l’économie conformément à la nouvelle politique en la matière.

La lutte contre la pauvreté

La bonne gouvernance a pour finalité de favoriser l’essor économique du pays et une prospérité partagée. Dans le cas du Burkina, cette prospérité commence par le combat contre la précarité sociale et le chômage. De fait, l’un des effets pervers de la mise en œuvre du programme d’ajustement, c’est le licenciement de travailleurs des entreprises privatisées. On a connu ces cas difficiles au Burkina avec la privatisation de la gestion du chemin de fer, de la société de transport en commun X9, et de la liquidation d’autres entreprises comme l’usine de textile Faso Fani, l’Office national des céréales (OFNACER), etc. Ces licenciements ont créé ou renforcé la précarité sociale de biens de ménages.

A bien des égards, c’est comme si les programmes d’ajustement structurel créaient plus de chômages que d’emplois. C’est connu, le péché mignon de ces programmes, c’est de ne s’intéresser qu’aux équilibres macro-économiques, à la rentabilité économique au détriment du social. Pour rectifier le tire, le gouvernement va s’investir à partir de 2 000 à l’élaboration d’un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Ce plan est une réponse appropriée au problème de la précarité sociale par la création d’emplois et la promotion de l’auto-emploi des jeunes. Pour Blaise Compaoré, le travail, l’emploi des jeunes est le tremplin de toute politique de développement.

Par son initiative, un sommet spécial de l’Union africaine sera convoqué en septembre 2004. Au cours de ce sommet, il soulignera aux yeux de ses pairs que « le choix des moyens pour éradiquer la pauvreté en Afrique demeure une question capitale dont les interrogations sont multiples. Comment sortir de la pauvreté sans création d’emplois dans nos sociétés africaines ? Quelle stabilité macro-économique peut-on garantir dans un pays où les revenus sont rares et le chômage endémique ? Peut-on ignorer l’importance du revenu tiré de l’activité et de l’emploi dans la réalisation du bien-être social ?... ».

Dans la plupart des Etats africains, l’agriculture occupe la majorité de la population active. Au Burkina, c’est 80% de la population active qui est dans le secteur agropastoral avec une contribution de 40% au produit intérieur brut.

Cette importance du secteur agropastoral fait qu’il a été identifié depuis toujours comme le levier du développement économique et des actions de lutte contre la pauvreté. C’est pourquoi le président Blaise Compaoré au cours de ses deux précédents mandats, pour donner au secteur agropastoral plus d’atouts pour son développement s’est investi à :
- Promouvoir la restauration et la protection de l’environnement,
- assurer une grande maîtrise de l’eau par la construction de barrages, de retenues d’eau, le développement de l’irrigation, etc.
- moderniser les méthodes culturales par la mécanisation progressive et l’utilisation de semences sélectionnées.

A côté du secteur agropastoral, celui de l’informel connaît un dynamisme prometteur au Burkina dans la lutte contre la pauvreté. C’est pourquoi le gouvernement travaille à assurer des financements aux jeunes qui s’y investissent par l’auto-emploi. C’est dans cet objectif que le Fonds d’appui aux activités du secteur informel (FASI) a été créé au lendemain de la dévaluation du FCFA en 1994. Ce fonds est spécialisé dans le financement de la micro-entreprise et les activités individuelles génératrices de revenue comme la maraîcher-culture. Le Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes (FAARF), le Fonds d’appui à la promotion de l’Emploi (FAPE) et le programme d’appui aux petites et moyennes entreprises (PAPME) se sont ajoutés au dispositif institutionnel mis en place pour lutter contre la précarité sociale.

L’appui aux activités de développement culturel, artistique et touristique

Tourisme, art et culture sont devenus au 21e siècle des industries à part entière. Le développement des activités qui y sont liées participe directement à créer des emplois, des revenus et donc à lutter contre la pauvreté.
La politique du Burkina en la matière vise à la professionnalisation des activités du secteur pour qu’elles soient plus rentables. Cela nécessite la création de structures de formation aux métiers artistiques culturels et touristique mais aussi une meilleure valorisation de la destination Burkina. On comprend alors la forte implication de l’Etat dans des manifestations comme le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). D’autres manifestions à vocation culturelle et artistique ont vu le jour comme le Festival Jazz à Ouaga, les Nuits atypiques de Koudougou, les Festivals de théâtres (FITMO et FITD), etc. On le voit bien, pour un progrès économique continu du Burkina, aucun secteur de l’économie n’a été laissé-pour-compte.

Les secteurs de l’agropastoral, de l’informel, de la culture et du tourisme sont l’objet d’une attention particulière des décideurs ces 20 dernières années. Avec le soutien des partenaires bilatéraux et multilatéraux des ressources financières de plus en plus importantes sont mobilisées pour booster le développement de ces secteurs. Ce n’est donc pas par hasard que l’économie burkinabè affiche un taux de croissance moyen de 5% l’an depuis une décennie. Le cap doit être maintenu pour une plus grande croissance économique avec un impact plus visible dans le panier de la ménagère.

Djibril TOURE

Source :
- Histoire politique du Burkina Faso 1919-2000 de Roger Bila Kaboré.
- Blaise Compaoré : Dialectique de la pensée et de l’action pour un progrès soutenu au Burkina Faso.Recueil de discours 1998-2005.

L’Hebdo

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