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Politique de développement : Brûler les scories et réorienter le cap

Publié le jeudi 27 mai 2004 à 07h47min

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Le Burkina Faso a besoin d’eau. Cette lapalissade prend
davantage de sens quand on sait que "l’eau c’est la vie". Partout
donc où vivent et respirent des êtres humains et végétaux, l’eau,
surtout quand elle est potable, est indispensable.

L’Etat
burkinabè a si bien et si tôt compris les enjeux qui se
développent autour de l’eau, qu’il a fait de la politique de
vulgarisation des barrages et autres forages une priorité.

Du
reste, le ministère de l’Agriculture, de l’hydraulique et des
ressources halieutiques, de concert avec les partenaires au
développement et autres institutions d’envergure, s’est toujours
investi à rendre d’accès facile, les points d’eau potable aux
populations tant citadines que rurales.

L’évolution de l’opération
dite "Saaga", des pluies provoquées en programme, vient
compléter la volonté de ce département de façon particulière, et
du gouvernement Yonli de façon générale, de faire du slogan
"de l’eau pour tous", une réalité heureuse. Avec toute cette
batterie d’initiatives, a moins d’être abandonnés par les dieux de
"l’or bleu", les Hommes intègres peuvent logiquement se dire
qu’ils pourront gagner la guerre de l’eau qui s’annonce
inéluctablement.

Toutefois, et à l’instar de nombre de projets exécutés ou en voie
de l’être au Burkina Faso, il y a encore un "mais" qui vient
comme pour refroidir tout l’enthousiasme de départ.

En effet, le
déficit hydrique, loin d’être imputable aux seuls pluviométriques
est lié à la non maîtrise de l’eau par les Burkinabè. Pourtant, que
d’ouvrages ont été construits pour rapprocher les populations de
l’eau, élément, rappelons le, capitale à toute vie sur terre.

Les
forages pour la plupart, ont poussé comme des champignons
en saison pluvieuse. Seulement ce printemps a été
presqu’aussitôt suivi de la mort de la plupart de ces instruments
qui ont peu ou prou contribué à l’épanouissement des
populations, surtout rurales, pour lesquelles ils ont été érigés.
Aujourd’hui, des statistiques montrent que le Burkina Faso est
bien couvert numériquement parlant, en forages.

Seulement, la
grande majorité de ces forages sont en panne ou se situent
dans des zones où pour une raison ou une autre, ils ne sont
pas exploités par tous les habitants de la localité. Montés
souvent à la hâte ou par les soins d’un entrepreneur
politiquement en vue, ces forages tombent vite en panne, et sont
parfois irréparables. C’est ainsi que de nos jours, la moitié du
parc des forages au Burkina Faso est inutilisable et il faudra
donc tout recommencer.

La mauvaise qualité du travail ou l’état
parfois déjà amorti du matériel utilisé, n’est pas pour faire durer
ces forages creusés et inaugurés à grand coup médiatique. S’il
ne faut pas occulter la responsabilité des bénéficiaires qui,
parfois entretiennent mal ces ouvrages, il ne faut pas non plus
écarter la mal-gouvernance et les "deals" dans l’attribution des
marchés, qui sont en fait le plus grand tort fait à notre
développement.

Véritable fléau freinant malheureusement de façon
considérable l’essor de notre pays, tant dans les domaines
sociaux, économiques que sportifs, l’attribution des marchés
reste régulièrement un domaine ou l’opacité et les intérêts
personnels et très individuels, sont les choses les mieux
partagées. Le clientélisme vient renforcer ce secteur où le
dessous de table et les enveloppes représentent les seuls
arguments valables et acceptés de tous, sauf bien entendu des
populations bénéficiaires des ouvrages.

L’incivisme et le
non-respect du bien commun et public ont fini de faciliter la
tâche à tous ces fossoyeurs de l’économie nationale et autres
profiteurs de tout acabit. Les marchés ne sont jamais ou sont
presque rarement confiés à des hommes ou à des entreprises,
capables de les exécuter correctement et dans les délais
requis.

L’improvisation, la précipitation, et les enjeux politiques comme
les élections, sont également autant de paramètres qui
favorisent la progression des "entrepreneurs" en eaux troubles.
Il y a aussi le fait qu’écartées, en amont comme en aval du
projet, les populations qui, souvent avaient besoin plus d’un
moulin que d’un forage, ne se sentent guère intéressées et se
transforment en premiers adversaires de son entretien.

Faut-il
oublier la répartition inégale, inéquitable et même inique de ces
forages, parfois pour des faits politiques ? Tant pis pour les
localités qui n’ont pas un fils "haut-placé" ; elles pourront
toujours attendre les promesses électorales qui ressemblent
fort à la pièce de théâtre "En attendant Godot", de Samuel
Beckett.

De 1960 à nos jours, trop de milliards de francs CFA ont été
investis dans le secteur de l’hydraulique pour que le Burkina
Faso connaisse encore des problèmes de forage et notamment
d’eau. Pays enclavé sahélien et pauvre, le Burkina ne doit se
permettre aucun abus, aucun gaspillage de l’argent qui lui est
donné où prêté.

Pourtant, c’est le règne de la malgouvernance et
des barrages qui n’existent parfois que sur papier qui ont eu à
engloutir des sommes faramineuses. Des attitudes frisant
l’inconscience totale sont observées et nombre de nos
dirigeants ne font preuve d’aucune rigueur dans la gestion de la
chose publique.

Habitués au laxisme et à la seule recherche du
profit personnel, ces responsables irresponsables se sont très
à l’aise dans la logique du développement prêt-à-porter à travers
laquelle interviennent des partenaires qui descendent peu sur le
terrain pour contrôler l’utilisation de l’argent que nous leur
empruntons.

De toutes façons, nous sommes obligés de
rembourser nos dettes et dans ce cas de figure, le Burkina Faso
a toujours été considéré comme un très bon élève. Ses
créanciers sont donc tranquilles, car, même si les routes, les
forages, les ponts, les écoles, et autres projets sont mal
exécutés, à l’instar du tronçon routier Boromo-Bobo Dioulasso,
ils vont rentrer dans leurs fonds.

A qui la faute si le pays est confronté à un éternel
recommencement comme dans le mythe de Sysiphe ? Les
gouvernants qui s’adonnent aux pratiques mafieuses, les
opposants qui sont des complices passifs ou parfois actifs, la
société civile qui se refuse pratiquement à jouer à fond son rôle
de dénonciation, et enfin les populations qui acceptent avec
résignation leur sort, etc. sont tous à fustiger.

Changeons donc
tous de comportement pour un Burkina Faso nouveau et
meilleur. Le nouveau département de l’Eau a assurément du
grain à moudre car il lui appartient en premier, de brûler toutes
ces scories du passé et de réorienter le cap.

Le Pays

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