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Sommet Union européenne/Afrique : Le dictateur de la discorde

Publié le lundi 24 septembre 2007 à 08h12min

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Robert Mugabe

Du 8 au 9 décembre prochain, la capitale portugaise devrait abriter le second sommet UE/Afrique après le premier, tenu il y a ...7 ans déjà (3-4 avril 2000) au Caire en Egypte. Prévu pour se tenir en 2003 en Grèce, puis reporté plusieurs fois dans d’autres pays, ce second sommet qui s’annonce connaît des fortunes diverses pour plusieurs raisons dont la principale tourne autour d’une personnalité :Robert Mugabe.

Robert Mugabe, président du Zimbabwe, que les pays occidentaux ne veulent pas sentir, alors qu’une grande partie des Africains adulent toujours le héros de la guerre de l’indépendance de ce qui était jadis la Rhodésie du Sud.

Et comme nous l’écrivions dans notre Commentons l’événement du 20 août dernier à son sujet suite au standing ovation dont il fut l’objet lors du sommet de la SADEC, "en attendant, il doit boire son petit lait pour être même parvenu à diviser le vieux continent dans la mesure où le Portugal, qui doit accueillir le prochain sommet UE/Afrique, compte bien l’y inviter... Au grand dam de ses partenaires, à commencer par la Grande-Bretagne, qui se pique aujourd’hui de bannir Mugabe alors même qu’elle n’a pas été capable de respecter les engagements pris à Lancaster House".

Nous ne croyions pas si bien dire, puisque le Premier ministre britannique, Gordon Brown, déclarait le 20 septembre que « la présence du président Mugabe signifierait une levée de l’interdiction de séjour, que nous avons collectivement décidée. Je crois que sa présence va miner le sommet, détourner l’attention des problèmes importants qui doivent être résolus... Dans ces circonstances, ma présence ne serait pas appropriée ». Par ailleurs, le locataire du 10 Downing Street préconise l’envoi d’une mission humanitaire de l’ONU au Zimbabwe ainsi que d’un responsable européen pour « appuyer la transition vers la démocratie ». On imagine mal un tel sommet sans la présence britannique et ce n’est pas sans raison que son homologue portugais a laissé son langage diplomatique de côté pour trancher dans le vif en affirmant qu’il préférait Gordon Brown assis à ses côtés à Mugabe, qui peut toujours rester à Harare pour casser du Morgan Tswangirai.

Réplique du berger à la bergère, le président Zambien Lévy Mwanawasa a martelé : « Pas question que je me rende à Lisbonne si Mugabe n’y est pas admis ». Il n’est pas jusqu’à l’archevêque du cap, Mgr Desmond Tutu, qui n’ait manifesté sa désapprobation par rapport à cette indignation sélective de l’Europe. Voilà donc tout le monde de retour à la case départ, car d’un côté, il y a les Occidentaux, de l’autre, beaucoup d’Africains, et au milieu, Papy Bob. Un blocage qui dure depuis 7 années. Question : et si on laissait Mugabe, en dépit de cette fatwa, participer exceptionnellement à cette grand-messe consacrée aux deux continents ? En effet, pourquoi ne pas le laisser aller prendre place au milieu de ses pairs de l’Union Africaine et de l’Union Européenne, quitte à ce qu’il ne prenne pas la parole ? Car ce serait aberrant qu’à cause du cas Mugabe ce sommet capote, car manifestement les deux camps campent sur leurs positions.

De plus, continuer à cannibaliser papy Bob est la meilleure façon de le rendre encore plus intransigeant, car à 83 ans et après une vie bien remplie, c’est un euphémisme de dire qu’il n’a plus rien à perdre. Certes, l’homme continue de tirer son pays vers le bas tel un « Titanic en train de sombrer » dixit le même chef d’Etat Zambien qui, depuis, il est vrai, a changé d’avis. Mais n’est-ce pas la solution du pire que cet isolement ?

Ainsi sur le plan social, les grèves se succèdent et se ressemblent telle celle déclenchée par le tout- puissant Congrès des syndicats zimbabwéen (ZCTU) le 19 septembre dernier. Politiquement les opposants essaient par tous les moyens d’empêcher Mugabe de se représenter en 2008 tandis que sur le plan économique, les clignotants sont tous au rouge depuis 7ans avec un taux d’inflation record de plus 7600 % et qui pourrait atteindre, selon le directeur Afrique du FMI, Abdoulaye Bio Tchané, en cumulé 100 000 % sans oublié le chômage, lequel frappe 80 % des Zimbabwéens.

En tout cas, assurant la présidence de ce sommet, le Portugal multiplie les chassés-croisés diplomatiques pour qu’il ait lieu sur la base de ce compromis sans compromission : le pays hôte suggère à Mugabe de se faire représenter par un de ses ministres ne figurant pas sur la liste des 98 dirigeants zimbabwéens frappés par le fameux « Travel ban », l’interdiction de visa, décidé par les 27 pays de l’Union Européenne.

Il y a de quoi, car outre les sujets déjà abordés lors du premier sommet au Caire tels que ceux liés à la dette, au commerce équitable ou encore « le partenariat stratégique », d’autres questions s’imposeront à ce sommet, notamment l’approfondissement des relations entre les deux continents, l’immigration clandestine, le sous-développement, mais surtout l’influence grandissante de pays comme le Brésil, l’Inde ou la Chine, qui conquièrent chaque jour que Dieu fait des parts importantes du marché africain au détriment de l’Europe.

Ces problématiques hautement stratégiques ne valent-elles pas qu’on tolère Bob « le pestiféré » à ce raout de Lisbonne ? Surtout quand on sait qu’ils sont nombreux, les Mugabe, dont les mêmes Occidentaux s’accommodent. S’ils ont sans doute raison dans le principe, les contempteurs de l’Oncle Bob gagneraient cependant à le ménager un peu et à méditer cette sagesse bien de chez nous : quand on humilie un vieillard, quand on l’accule jusque dans ses derniers retranchements, il devient fou ou il se fait bête. Dans l’un comme dans l’autre cas, le résultat est le même : catastrophique.

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 24 septembre 2007 à 20:17, par Paris rawa En réponse à : > Sommet Union européenne/Afrique : Le dictateur de la discorde

    Chacun est libre d’avoir et de donner son jugement de valeur sur Robert Mugabe et sa politique. Mais les relations internationales doivent se situer sur le terrain de la diplomatie internationale entre les états et ses principes. Dans ce domaine, il faut que les africains fassent attention de ne pas miner leur union qu’ils construisent avec toutes les peines que nous savons. Alors retenons quelques repères pour savoir faire face à nos partenaires et à ceux qui veulent continuer à exploiter la balkanisation du continent.

    1- Mugabe (et les autres chefs d’état aussi) passera, mais l’Afrique et le Zimbabwe resteront. Alors il vaut mieux tenir à l’unité de l’Afrique, qu’aux états d’âme de Mugabe ou de Gordon Brown de tout autre chef d’état européen ou africain.

    2- Il faut avoir à l’esprit qu’il existe toujours une tendance chez les européens à mettre l’Afrique en pièce au profit de leurs intérêts et de leur union. Par exemple l’UE souhaite un partenariat privilégié avec le Magreb ; elle veut signer les APE avec les pays ACP ; et quand il s’agit de l’Afrique entière elle préfère curieusement parler de sommet UE/Afrique et non pas UE/UA. Cela semble n’être qu’une querelle de mot sans importance, mais je ne sais plus qui avait dit que "céder sur les mots, c’est céder sur les choses" car les mots ont un sens. S’il s’agissait de l’UA il ne serait plus question de savoir si tel ou tel président a le droit de faire partie de la délégation. Alors aux africains de faire comprendre que ce n’est pas à l’UE de dire si le Zimbabwe fait partie de l’Afrique où pas. L’Afrique est une réalité objectivement déterminée et non pas un club d’amis sous le modèle francophonie ou Commonwealth d’où l’on exclu les pécheurs publiques et les têtes de turc.

    3- Au Zimbabwe, il y a un dictateur et mais plusieurs coupables. Mugabe est un dictateur (et pas le seul en Afrique) qui ruine son peuple depuis bien longtemps, mais cela n’avait jamais gêné aucun premier ministre britannique et encore moins l’UE tant que les fermiers blancs régnaient en maître (financièrement) au profit de leur pays d’origine. Pour une fois que le dictateur se retourne contre ses complices, on comprend que ceux des africains soucieux du long terme ne soient pas pressés de l’arrêter, même si cela a un prix très élevé pour son peuple et les pays voisins. Il ne faut pas en vouloir aux européens de défendre leurs intérêts, mais il ne faut pas croire non plus que ce soit par pur humanisme désintéressé qu’ils prêchent la démocratie et les élections libres chez Robert Mugabe tout en isolant à l’asphyxie le Zimbawe et son peuple. Il faut travailler à libérer le peuple Zimbabwéen, mais pas pour le jeter dans les mains d’un nouveau diable de l’intérieur ou de l’extérieur.

  • Le 25 septembre 2007 à 03:03, par Sovi En réponse à : > Sommet Union européenne/Afrique : Le dictateur de la discorde

    Bien chers,
    Soyons sérieux, c’est aux européens de dire qui représentera le Zimbabwe à un sommet fut-il celui EU-Afrique ou aux Zimbabwéens de décider ? Noter que je ne suis pas un admirateur de papi Bob, mais vraiment ne trouvez-vous pas que ces occidentaux exagèrent ? Je reconnais et je dénonce les ratés du vieux de Hararé, mais quand même, demandons aux occidentaux de savoir agir avec tact et diplomatie. Que l’on veuille ou non, Mugabé est encore le chef de l’état du Zimbabwé, si Gordon ne veut pas assister à une réunion en présence de Mugabé c’est son affaire, pourquoi en fait-il une affaire publique au titre de pénaliser tout un continent. D’ailleurs n’ont-il pas leur responsabilité dans ce qui ce joue aujourd’hui au Zimb. Malheur à vous dirigents qui méprisés vos peuples (Boby y compris), mais de grâce occidentaux ayez au moins la lucidité. vous ne faites qu’aggraver la situation en agissant de la sorte. Que vous vouliez ou non Papi Bob est encore au pouvoir et il ne vous revien pas de dire qui représentera le Zimb au sommet EU-Afrique.
    Merci

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