LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Daouda Traoré (Laboratoire national de santé publique) : "Nous veillons à la santé des consommateurs"

Publié le mercredi 19 septembre 2007 à 07h53min

PARTAGER :                          

Daouda Traoré

Le Laboratoire national de santé publique a été créé pour assurer la sécurité sanitaire des populations par le contrôle de la qualité des produits. Longtemps confronté à un problème existentiel du fait de l’ambiguïté de son statut, le laboratoire, ces derniers temps, semble jouir d’une bonne santé et est plus que déterminé à œuvrer pour la santé des populations. Le directeur général du LNSP, Daouda Traoré se prononce entre autres sur ces questions dans cet entretien.

Sidwaya (S) : Quelles sont les missions et les attributions du Laboratoire national de santé publique (LNSP) ?

Daouda Traoré (D.T) : Le Laboratoire national de santé publique (LNSP) est un établissement public de l’Etat. Il est l’instrument de sécurité sanitaire du Burkina Faso. Il s’agit de la sécurité contre les risques d’origines alimentaires, médicamentaires mais aussi des risques provenant de l’eau, des boissons diverses susceptibles de menacer la santé de l’individu ou de la communauté.

Nous contrôlons également les tabacs et les cigarettes afin de vérifier leur conformité aux normes en vigueur. L’alcool et le tabac ne sont pas des produits alimentaires à proprement dits même s’ils sont d’usage et de consommation courants dans nos sociétés. Mais nous tenons à ce que leur fabrication se fasse selon les normes. Le Laboratoire dispose à ce jour d’un plateau technique d’appoint capable de réaliser n’importe quelle analyse. Nos interventions portent sur deux catégories de produits : les produits importés et ceux fabriqués localement. Pour la première catégorie, nous procédons par des prélèvements d’échantillons depuis les frontières d’entrée du pays pour des analyses. Le contrôle déclare le produit conforme ou non à la consommation. Le produit importé déclaré impropre n’est pas autorisé à entrer sur le territoire national.

Pour le produit fabriqué localement, nous procédons autrement. Le LNSP se déporte dans les fabriques, effectue des prélèvements qui sont ensuite analysés. Suite aux tests, les produits déclarés impropres sont retirés du marché, s’ils y sont déjà ou tout simplement interdits de vente. Au cas où le retrait s’avère inefficace, nous diffusons des communiqués par voix de presse pour alerter l’opinion. Un autre procédé consiste, comme l’autorisent nos textes, à aller faire des prélèvements de produits importés sur les aires de vente ou les rayons des supermarchés en vue de vérifier s’ils sont bien conservés et donc toujours propice à la consommation. Ceci découle du fait quelles conditions de stockage, de conservation, les manipulations de la clientèle peuvent détériorer des produits initialement de bonne qualité.

S : Ces derniers temps, on assiste à une prolifération de produits laitiers et d’autres types de produits alimentaires "Made in Burkina Faso". Certifiez-vous que ces produits sont de bonne qualité ?

D. T. : Il est difficile de prime abord de dire que tous ces produits alimentaires rencontrés sur le marché national sont de bonne qualité. Pour la simple raison qu’un producteur peut respecter aujourd’hui les normes de fabrication et ne pas le faire demain. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il nous faut effectuer en permanence des contrôles systématiques et inopinés. Pour le cas des produits laitiers, au début nous avions eu des rapports très tendus avec les acteurs de la filière. Mais, aujourd’hui, ils ont ou sont en train de comprendre le bien-fondé des contrôles du Laboratoire qui viennent comme une garantie pour eux. Nous travaillons de concert avec eux pour asseoir une production de qualité. La qualité des produits laitiers "Made in Burkina Faso" a fait un bond sensible au point que dans certains pays voisins, nos yaourts sont très prisés.

Ailleurs, les entreprises ont acquis le réflexe de se référer systématiquement à des structures comme la nôtre pour attirer l’attention de l’opinion sur la qualité de leurs productions. Hélas ! Ce n’est pas encore le cas dans notre pays où il arrive même que des consommateurs interviennent pour demander la clémence pour une entreprise reconnue coupable de mauvaises pratiques. C’est dommage ! . Cependant, nous ne désespérons pas car lorsque les associations de consommateurs seront mieux structurées, mieux organisées et plus représentatives, les différents fabricants de produits seront obligés de se soumettre aux contrôles.

S : De grands producteurs d’eau minérale se sont mutuellement accusés sur la qualité de leur produit. Qu’en est-il exactement ?

D.T. : Nous avons été saisi par "Laafi" qui se disait incriminé par "Jirma". Nous avons rassuré "Laafi" sur la bonne qualité de ses eaux. Je peux vous assurer que ce sont des grandes sociétés dont les produits ne souffrent d’aucune défaillance. Mais, il faut dire que certaines sociétés n’envoient pas toujours tous leurs échantillons ou ne s’acquittent pas des frais de contrôle. Lorsque nous publions nos rapports, nous indiquons aux consommateurs que telle ou telle société n’a pas soumis son eau au contrôle du Laboratoire quand bien même elle estime que son produit est de qualité. Cela peut pénaliser l’entreprise d’où la nécessité de se plier au contrôle.

S : A combien s’élèvent les frais de contrôle ?

D.T. : Les frais sont très variables. Ils peuvent aller de 30 000 à 200 000 F CFA. Cela dépend des paramètres de contrôle. Faire des prélèvements dans un centre commercial ou dans un forage ne nécessite pas le même appareillage, idem pour les dangers. Pour le forage, il s’agira de vérifier les risques environnementaux comme la présence d’arsenic, de pesticides pouvant polluer la nappe phréatique.

S : Quels types de difficultés rencontrez-vous sur le terrain du contrôle des produits ?

D.T. : Dans la pratique, nous rencontrons des résistances multiples et multiformes venant d’acteurs divers comme les opérateurs économiques, les fabricants de produits agro-alimentaires. Cette attitude découle du fait que personne ne souhaite faire l’objet de contrôle. Aussi, les acteurs sus-cités perçoivent mal le fait que nos prestations soient payantes. Nous allons intensifier la sensibilisation et le marketing auprès d’eux pour expliquer le bien-fondé de nos activités. De cette façon, ils sauront qu’il est de leur intérêt de se soumettre aux contrôles. C’est le seul moyen pour les entreprises de se mettre à l’abri de tout soupçon et d’assurer le consommateur sur la bonne qualité de leurs produits.

A cela, s’ajoutent des opérateurs intervenant notamment dans le domaine de l’eau qui continuent de faire figurer sur leur emballage eau minérale que celle-ci est contrôlée par le LNSP alors qu’il n’en est rien. Nous sommes sur le point de réprimer ces mauvaises pratiques. Nous allons mener des actions vigoureuses pour assainir ce milieu étant donné que nous avons désormais la possibilité d’envoyer des équipes dans n’importe quelle contrée du pays pour effectuer des contrôles rapides et démasquer ceux qui procèdent à la production illicite de sachets d’eau.

S : Quels sont vos rapports avec l’inspection générale des affaires économiques, le ministère de la Santé, les associations de consommateurs ?

D.T. : Le Laboratoire travaille sous l’autorisation directe et technique du ministère de la Santé. Celui de l’Economie et de Finances assure notre tutelle financière. Mais, le Laboratoire entretient de très bons rapports avec l’Inspection générale des affaires économiques et d’autres ministères comme ceux de l’Agriculture, de l’Environnement et du Commerce. Nous allons d’ailleurs mettre en place un guichet unique de concert avec l’IGAE pour faciliter le contrôle de la qualité des produits par les deux structures tout en éloignant du demandeur les multiples, longues et complexes procédures. L’instauration du guichet unique va non seulement permettre de mieux protéger la santé des populations mais aussi de promouvoir l’économie nationale. Avec les associations de consommateurs, nous travaillons en parfaite symbiose soit pour fermer tel ou tel magasin soit pour démonter ou non de la qualité des produits. Il arrive même qu’elles nous envoient des échantillons pour analyse.

S : Une enquête parlementaire dont les résultats n’ont jamais été rendus publics avaient pourtant épinglé des sociétés pour mauvaise qualité de produits. Les vôtres seront-ils rendus publics ?

D.T. : Avant de déclarer un produit impropre à la consommation, nous procédons à une analyse approfondie d’échantillons représentatifs en raison de 10% unités. En d’autres termes, il est difficile de se prononcer sur la qualité d’un produit sous peine de poursuites judiciaires. C’est pour cela d’ailleurs que l’enquête parlementaire s’était interdite de donner des noms. Mais, nous reconnaissons que l’enquête parlementaire avait fait un travail formidable car ayant permis d’attirer l’attention des populations et des autorités sur les risques encourus par les consommateurs de certains produits. Les prélèvements soumis à l’analyse du LNSP par les parlementaires l’ont été sous le sceau de l’anonymat, il revenait donc aux députés de voir comment exploiter les résultats de nos analyses.

Autrement, en cas de risques élevés et de retraits inefficaces de lots sur le marché, au Laboratoire, nous avons le devoir d’alerter les populations. Nous l’avons déjà fait pour une purée de tomate. Malheureusement, nous avons été mal compris et accusé de mettre au chômage des ouvriers et de ternir l’image des entreprises burkinabè à l’extérieur. Notre démarche ne visait nullement cela. Il s’agissait seulement de tirer la sonnette d’alarme et d’inviter les consommateurs à observer un minimum de précautions telles que vérifier les dates de péremption lorsqu’ils se trouvent dans les rayons d’un supermarché ou d’une boutique.

S : Un supermarché de la place avait été mis en accusation par vos services pour vente de produits périmés. La justice n’a pas été de cet avis car le monsieur malgré le flagrant délit n’a pas été inquiété. Que s’est-il réellement passé ?

D.T. : C’est effectivement un cas difficile et épatant. L’opérateur en question procédait à des changements de dates sur les produits et à des trafics. Nous avons travaillé à déclencher une procédure en justice qui a abouti au jugement et à la relaxe de l’intéressé. Pour quelles raisons ? Je ne saurai répondre. Peut-être qu’il y a eu défaillance ou manque de concertation. Toujours est-il que, nous avons veillé à la destruction des produits concernés.

S : Voulez-vous dire que la justice ne s’est pas servie de conclusions de vos enquêtes ?

D.T. : Non ! mais il ne nous appartient pas de jouer au gendarme. Toutefois, nous avons mis les acteurs en contact avec les forces de l’ordre, la police. S’il en a été autrement, c’est dommage !

S : Que pensez-vous de la fraude et de la contrefaçon ?

D.T. : Ces pratiques tuent l’économie d’une nation, malmènent les entreprises respectueuses des textes en vigueur. Le gouvernement a bien fait de créer le LNSP dont la seule existence impose aux fraudeurs de s’auto-reguler. Cela permet de réduire de façon significative ce fléau. Désormais, les opérateurs économiques réfléchissent par deux fois avant d’importer un produit. Certains viennent par précaution demander conseil auprès de nos services pour s’assurer de la bonne qualité d’un produit avant de se lancer dans une affaire. Cela est déjà louable.

S : Des biscuits sont pourtant vendus partout dans les rues à 1 F, voire 25 F CFA. Allez-vous procéder à des contrôles inopinés sur ces produits ?

D.T. : Ah oui ! Les produits vendus dans les rues constituent pour nous une priorité. Nous allons investir les lieux publics, les boutiques notamment pour prélever, contrôler ces produits. Même les vendeurs ambulants ne seront pas épargnés. C’est une question de santé publique.

S. : Récemment des poupées chinoises au plomb et au mercure dangereux pour la santé des enfants ont été retirées à travers le monde. Prévoyez-vous quelque chose contre ces chinoiseries ici au Burkina Faso ?

D.T. : Le contrôle de ces types de produits n’est pas de notre ressort, quoique nos capacités, nos compétences sont en mesure de déceler leurs failles. Il nous suffit de connaître les normes auxquelles doivent répondre ces poupées pour vérifier si elles sont conformes ou pas. Il en est de même de la friperie qui peut causer des pathologies dermathologiques, respiratoires. Nous avons des compétences permettant de clarifier ces zones d’ombres pour peu qu’on fasse appel à nous.

S. : Quelles sont les clauses de la convention que le LNSP vient de signer avec le Maroc. ?

D.T. : Il s’agit d’un appui financier qui permettra de mettre en place une unité polyvalente de travaux pratiques en laboratoire. Celle-ci sera un centre de formation qui va développer nos compétences. Cette convention vient combler un déficit en ce sens qu’elle permettra de former les agents à la maîtrise de la manipulation des appareils, leur calibrage, les étalonnages et surtout à savoir quel élément contrôler pour tel ou tel produit prélevé... A termes, nous entendons ériger ce centre en pôle d’excellence dans la sous-région. Nous allons ouvrir également des formations de courtes durées. En principe, le bâtiment du centre sera achevé d’ici novembre-décembre 2007.

S. : Arrive-t-il qu’une société étrangère fasse recours au INSP ?

D.T. : Nous avons été souvent sollicité par le Togo, le Niger, la Côte d’Ivoire ou le Mali pour certaines analyses.

S. : Quels sont vos grands chantiers du moment ?

D.T. : Le grand défi que nous tenons à relever est que LNSP soit capable de procéder à des prélèvements à Bittou ou ailleurs, les acheminer ici et produire des résultats d’analyse en quatre ou cinq jours. Loin de faire étalage de notre pouvoir, le laboratoire doit jouer son rôle de facilitateur du commerce pour contribuer à l’essor de l’économie nationale. Pour cela, nous devons adopter une politique d’ouverture pour expliquer aux opérateurs économiques nos missions, leur inculquer des techniques simples de bonne conservation des produits dans les entrepôts ou les lieux de vente. Nous devons également améliorer les délais d’exécution des analyses, former le personnel pour qu’il soit au diapason de la technologie. Enfin, notre plan stratégique va dégager une vision pour les cinq prochaines années qui précise l’évolution du laboratoire, ses principaux défis et ses objectifs. Nous projetons mettre en place un numéro vert afin que les gens puissent s’adresser au laboratoire pour toute information sur telle ou telle situation.

S. : Quel message adressez-vous aux consommateurs ?

D.T. : Le Laboratoire national de santé publique (LNSP) veille à la santé des consommateurs. Par conséquent, ils doivent nous aider à le faire en étant vigilant. Même les produits certifiés par nos services peuvent au bout de la chaîne se détériorer dans le magasin. Le consommateur peut faire des contrôles organiques à travers l’odorat (il s’agit de sentir le produit) ou la vue pour voir si la boîte n’est pas bombée. Nous demandons aux uns et aux autres de nous aider par leurs informations afin que nous puissions intervenir promptement de façon spécifique pour lever les soupçons.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr
S. Nadoun COULIBALY

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)