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SOTRACO paye 24 millions pour avoir changer de directrice

Publié le samedi 15 septembre 2007 à 08h03min

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Décidément les mois d’août ne portent pas bonheur à la SOTRACO. Tenez, en août 2006, précisément le 24, les bus n’ont pas roulé dans la ville de Ouagadougou. C’était la première fois que cela arrivait dans la jeune mais déjà chaotique histoire de la société.

Et nous n’avions pas manqué en son temps de qualifier cette date d’historique pour la SOTRACO, question de parler comme dans le bon vieux temps de la Révolution d’Août. Voilà aussi qu’en août 2007, des nouvelles pas bonnes sortent de la maison verte de Somgandé.

En effet, il nous est revenu que le conseil d’administration en sa 15e séance tenue le 10 avril 2007 s’est engagé à verser à Mme Honorine Damiba/Goungounga, ex-directrice de SOTRACO, près de 24 millions de francs CFA pour réparer à l’amiable « le préjudice » lié à son remplacement à la tête de la SOTRACO. En termes clairs, SOTRACO va payer parce qu’elle a changé de directeur.

Un conseil d’administration complice ?

Le changement de directeur a été l’objet du point 3 du conseil d’administration du 10 avril 2007 : « après une délibération à huit clos par les administrateurs, la directrice générale et monsieur Lamine Yoda (son nom ne figure pourtant pas sur la liste de présence) sont invités à rejoindre la salle de réunion.

Le président du conseil d’administration a annoncé la décision du conseil de nommer monsieur Lamine Yoda comme directeur général et s’est félicité du travail abattu par Mme Honorine M. Damiba. Au nom des administrateurs, il lui a adressé ses félicitations, reconnaissance et satisfaction pour le travail accompli même s’il y a des insuffisances comme pour toute œuvre humaine.
Le président a informé Monsieur Yoda qu’il est directeur général pour compter d’aujourd’hui mais la nomination n’est pas la date de prise de fonction qui doit être précédée de passation de service. Dans une semaine, la directrice établira la situation des dossiers que monsieur Yoda examinera la semaine suivante. La prise de fonction interviendra le 02 mai 2007. Dans l’intervalle Monsieur Yoda assistera au conseil d’administration ».
Une lettre est par la suite envoyée le 2 mai à la directrice pour lui notifier officiellement la fin du contrat. En réaction à cette lettre l’ex-directrice parlera de « licenciement » et qu’un « effort doit être fait pour me permettre encore d’envisager l’avenir avec sérénité ».

On est en droit de se poser cette question : comment le conseiller juridique de la SOTRACO a-t-il pu mettre la boîte dans cette situation où on peut parler de licenciement abusif avec pour corollaire une grosse perte d’argent ? Même le citoyen lambda sait qu’il faut faire ces genres de choses au moins 03 mois à l’avance ? Même Ladji sait qu’il ne peut pas chasser son locataire qu’après un préavis de trois mois.

Près de 24 millions à débourser

La SOTRACO va donc debourser plus de deux dizaines de millions, après « de longues discussions et transactions » et « afin d’éviter une fâcheuse procédure ». Dans l’accord qui est intervenu entre le Président du conseil d’administration et l’ex-directrice, on peut remarquer que la SOTRACO accepte que les raisons évoquées pour changer de directeur ne « tiennent pas débout » pour parler comme monsieur tout le monde. A cause de cela, l’ex-directrice a subi un préjudice moral ; la SOTRACO a entaché la réputation professionnelle de Madame Damiba et cela peut nuire à sa réinsertion sociale et troubler ses conditions d’existence.

Et comme la SOTRACO reconnaît toutes ces erreurs, elle va payer des droits légaux, des droits négociés.
Les droits légaux vont coûter à la SOTRACO près de 7 millions. Ils regroupent non seulement les indemnités de fin de contrat mais aussi des indemnités compensatrices, de préavis de trois mois et de congés payés.
Quant aux droits négociés, la SOTRACO va répandre plus de 17 millions. Puisqu’ ici on prend en compte les dommages et intérêts (plus de 12 millions). On tient aussi compte des avantages en nature ; ainsi Mme recevra une dotation de plus de 2 millions en carburant et de plus de 2 millions en unités pour ses appels téléphoniques ; on lui dotera d’un téléphone portable.

Avec près de 24 millions, l’ex-directrice s’engage à respecter un droit de réserve : elle ne dira rien à personne sur ce qu’elle sait de la SOTRACO et ne saisira pas l’inspection du travail ou la justice.
Avec près de 24 millions, l’ex-directrice peut aussi devenir actionnaire en s’adossant à une compagnie de transport ; et qui sait peut être que dans peu de temps, elle pourrait revenir dans la boîte ; ayant déjà été directrice, et pour changer un peu, on pourrait la revoir au poste de PCA.

Qui de la SOTRACO ou de l’ex-directrice est finalement victime ?

Prenant la parole au cours de la 15e réunion du conseil d’administration l’ex-directrice a « félicité monsieur Yoda et lui a assuré de son soutien puis a ajouté qu’avant son départ un audit soit réalisé pour faire la situation de la société à son remplaçant ».
Audit. Le mot est lancé. Mais à peine est-il lancé qu’un avocat de taille le balaya du revers de la main gauche. Effet, le compte rendu du conseil d’administration note ceci : « le président informe la directrice que les résultats financiers certifiés par les commissaires aux comptes sont présentés à tous les actionnaires qui auraient demandé un audit si besoin en était. Il a ajouté que l’audit est sans doute utile pour toute entreprise après un certain nombre d’années de fonctionnement, mais la présente passation a eu lieu dans un contexte où il n’ y a pas de problème particulier qui justifie la demande d’audit par les administrateurs ».
Ainsi donc d’après le Président du conseil d’administration le ciel de la gestion de l’ex-directrice est sans nuage.

Il faut donc en prendre acte de cette bonne nouvelle mais non sans rappeler certains faits :
Pourquoi la lettre 2005/011/MITH/CAB du ministre Issaka Lingani dénonçant l’enlèvement illégal de carburant par la société dans les installations de la SOTRACO ?
Vraisemblablement, cette société s’approvisionnait gracieusement avec du carburant subventionné avec l’argent du contribuable. Sinon, qui percevait les sous ? Précisons que cette société est représentée au conseil d’administration non seulement par monsieur ABUAGILA SAAD Ali mais surtout par monsieur Joseph Saaga OUEDRAOGO, le président dudit Conseil.

Pourquoi pendant longtemps, il n y avait pas de DAAF à la SOTRACO ?

Pourquoi et comment l’agence GUUDA s’est t-elle retrouvée à gérer les tickets pour la SOTRACO ?

Pourquoi six bus manquaient à l’appel pendant longtemps :
Rappelons pour la petite histoire que 250 millions avaient été débloqués pour acquérir 20 bus d’occasion ; on n’a pas les preuves d’un appel d’offre ; il n’ y a pas non plus les preuves de bon de commande. Pis, on aurait payé comptant. Et finalement seuls 14 bus dont l’âge varie entre 17 et 20 ans ont été livrés. La moitié de ces bus s’est vite retrouvée sur cale et ceux qui roulaient avalaient plus de 10 litres d’huile par jour. Où sont passés les 6 bus, ou leur équivalent estimé au moins à 75 millions ? Ce serait seulement en janvier 2007 que le dernier des six bus a rejoint la SOTRACO. Outre l’Etat, certains partenaires dans les manœuvres pour acheter les 20 bus ont été aussi mis dans les vapeurs ; en témoignent ces propos adressés en son temps à l’ex-directrice :
« « Madame, Nous avons été surpris Monsieur ... et moi d’apprendre que vous avez envoyé une autre société qui est passée par ... pour acheter les bus ... à ... avec Monsieur ...qui se trouve sur les lieux où nous vous avons conduit pour vous montrer ces bus. Ils ont fait croire à ... que c’était pour la Côte d’Ivoire alors que le jour de la réception Monsieur .... de la SOTRACO était sur le site.
Vous avez des manières cavalières de vous servir des fournisseurs. Vous donnez une très mauvaise image de votre entreprise, de votre personne et des hommes d’affaires du Burkina en général. Heureusement que vous faites partie d’un cas isolé car les hommes d’affaires au Burkina ne se sont jamais servi de moi de cette façon ».

Ne serait-ce que pour ces quatre points, le PCA et le conseil auraient dû accéder avec plaisir à la demande d’audit de la gestion de Madame Damiba/Goungounga M. Honorine avant la prise de service du nouveau directeur. A moins que ...

La SOTRACO rend de nombreux services aux citoyens de la ville de Ouagadougou, notamment en ce qui concerne le déplacement. Pour preuve, il n’y a qu’à voir les bus qui sont chaque fois pleins à craquer et les arrêts qui sont tout temps bruyants. En plus de cela, la SOTRACO fait vivre de nombreux citoyens à travers le personnel qu’elle emploie et rémunère, les garages, les fournitures diverses, etc.
Ne serait-ce que pour ces deux raisons, tout doit être fait pour que la boîte ne ferme pas. Si la Cour des comptes n’a pas paniqué après les gesticulations de Simon Compaoré, elle doit avoir du boulot à la maison des bus verts de Somgandé.

Bendré

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Vos commentaires

  • Le 15 septembre 2007 à 20:02, par sawa En réponse à : > SOTRACO paye 24 millions pour avoir changer de directrice

    Au niveau du developpement du Faso dans les choses les plus negatives, on a rattrapé l’Occident il y a bien longtemps :
    - En France, le patron d’Airbus, responsable de plusieurs millons de pertes dont la consequence a ete le licenciement de plusieurs milliers de salariés est parti avec un parachute doré de plusieurs millions d’Eros.

    - Au Faso, un patron (on s’en fout que ce soit un homme ou une femme), met en faillite la seul entreprise de transport en commun de la ville : Il veut partir avec 24 millions.

    Moi aussi je veux etre patron, faire tomber des entreprises et demander des millions pour le bon travail que j’ai fait !

    • Le 16 septembre 2007 à 11:01 En réponse à : > SOTRACO paye 24 millions pour avoir changer de directrice

      Sawa,

      En général, quand on ignore les dessous, les tenants et les aboutissants d’un dossier, il convient de se garder d’émettre des jugements de valeur et de faire des comparaisons anachroniques. Comparaison n’est pas raison, forcément !
      Cette dame est purement et simplement une véritable victime ; et la SOTRACO était en droit de réparer son préjudice comme cela s’est fait dans le cadre d’une négociation transactionnelle, laquelle suppose que chacune des parties a fait une concession réciproque en abandonnant une part conséquente de ses prétentions. C’est quelqu’un de très avisé qui vous a livré son éclairage afin que nul ignore. N’importe quel salarié, remercié dans ces conditions laconiques serait également en droit de bénéficier d’une telle indemnité qui est d’ailleurs minable à mes yeux pour une Directrice ayant cette expérience professionnelle. Sid bala, Ouaga.

  • Le 16 septembre 2007 à 20:36, par Le Critique En réponse à : > SOTRACO paye 24 millions pour avoir changer de directrice

    24 millions cadeau ! Celui qui accepte donner autant d’argent doit se dire que ca en vaut la peine. 20 bus, puis 14 et enfin 5 et demi... Cette affaire n’est pas claire. Le pire, c’est que ce sont les braves usagers du bus qui vont en patir. alors qu’on sait que les transports en commun sont une bouffée d’oxygène dans une ville de l’étendue de Ouagadougou. Tout ce qu’on demande c’est de pouvoir prendre le bus tranquillement et de manière ponctuel. A mon avis, il faudrait faire comme à Bamako ou à Abidjan et mettre en oeuvre un système de petit transporteur. Ca sera bien plus viable économiquement que de mettre en place des structures qui vont assurément attirer des rapaces en tout genre.

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