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Grève des médecins ivoiriens : Symptôme d’un pays malade

Publié le vendredi 14 septembre 2007 à 08h17min

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Les medecins ivoiriens sont en grève. Malgré l’appel du gouvernement, ils persistent et signent : la grève se poursuivra et sans service minimum. Les médecins attendent du gouvernement un décret revalorisant leur salaire. Et la dureté de leur mouvement témoigne à souhait de leur détermination à obtenir gain de cause.

La menace d’opérer des retenues sur le salaire des grévistes n’a apparemment pas fonctionné. Le gouvernement est en face d’un dilemme. La façon dont il va se sortir de cette crise sera un indicateur social et politique de sa capacité à gérer les conflits sociaux qui ne vont pas manquer de s’amonceler avec le retour progressif à une situation de paix. Maintenant que le crépitement des armes semble un souvenir lointain, l’Etat de droit reprend ses droits progressivement avec ses crises et conflits dont le solutionnement passe forcément par un dialogue social. La question est de savoir si cinq années de conflit n’ont pas définitivement tué les réflexes républicains.

Dans un pays coupé en deux et où l’économie de guerre n’a profité qu’aux seigneurs de guerre et à leurs milices, on se demande si les « « patriotes » et les « rebelles » d’hier, dans leurs nouveaux habits de colombes de la paix, sauront jouer leur partition de garant de l’intérêt général et de la paix sociale. Car rien ne garantit que ces individus qui ont mis le pays sous coupe réglée et se sont enrichis individuellement et impunément, soient prêts à de longues palabres républicaines pour satisfaire les revendications sociales. La filière café cacao dont les comptes des organismes de gestion ne sont pas au beau fixe et l’affaire des déchets toxiques sont autant de dossiers en suspens, marqués par une gestion peu orthodoxe des affaires de l’Etat.

Pourtant, c’est un passage obligé. Toutes les catégories professionnelles qui ont subi la guerre et qui ont continué à servir l’Etat, attendent elles aussi leur « effort de guerre ». Les militaires ont exigé le leur, pourquoi pas les autres.

Gbagbo et Soro ont du pain sur la planche et ont intérêt à jouer franc et à être solidaires pour que le processus de réconciliation ne soit pas pris en otage par des conflits sociaux majeurs.

C’est pour cette raison que le durcissement de ton du gouvernement dans cette affaire et son immixtion dans la vie du syndicat, paraissent dangereux. On commence à suspecter des ministres d’être derrière la grogne.

Certains journaux n’hésitent pas à taxer les grévistes de « rebelles en blouse blanche » déniant toute légitimité aux travailleurs de la santé. C’est une des menaces qui pèsent sur le processus de paix et sur la cohésion du gouvernement Soro : que derrière toute crise qui surviendrait, on désigne un bouc émissaire au lieu de chercher à la résoudre sereinement.

Les médecins clament leur bonne foi en pointant la responsabilité sur le gouvernement qui tarde à résoudre leurs problèmes. De fait, chaque camp prend les usagers des services de santé à témoin, mettant l’accent sur l’absence de service minimum dans les hôpitaux et ses conséquences sur les malades.

L’extrémisme des hommes en blouse peut paraître comme un manquement à leur serment, mais il faut reconnaître également leur droit à lutter pour obtenir de bonnes conditions de travail afin de mieux servir les patients. Le risque est grand, comme c’est le cas dans de nombreux pays africains, de les voir émigrer dans le privé où ils sont mieux rémunérés et avec de bonnes conditions de travail en plus. C’est pour cela qu’il faut éviter le durcissement inutile de la lutte et trouver rapidement et ensemble des solutions responsables et durables pour sauver l’essentiel. D’autant que le phénomène de la vie chère n’épargne personne, pas même les professeurs d’université qui menacent de descendre dans la rue.

Pendant qu’on annonce le début des foires foraines pour l’identification des ivoiriens, signe que le processus de paix avance, la gestion domestique de l’Etat rattrape déjà Gbagbo et Soro. Les vrais problèmes des ivoiriens sont déjà là. Gagner la paix et les élections, reste et demeure un enjeu politique pour les deux hommes, mais le plus dur sera de satisfaire la demande sociale et la fièvre actuelle en est déjà un avant-goût. Quel que soit le président élu, il aura difficilement un état de grâce.

Le Pays

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