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Fraude douanière : Le phénomène prend de l’ampleur

Publié le jeudi 16 août 2007 à 07h51min

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Les mauvaises pratiques dans le commerce sont des défis permanents pour les administrations des douanes qui doivent chaque jour revoir leur stratégies pour collecter le maximum de recettes au profit du Trésor public, tout en protégeant la santé des consommateurs.

Dans des pays comme le Burkina, il est fait appel à des structures techniques. Mais les mauvaises pratiques persistent, les fraudeurs ne manquant pas de s’adapter très vite aux changements opérés par les administrations douanières.

Est-il possible de pratiquer honnêtement le commerce et de trouver son compte ? Les avis sont partagés sur cette question, même si du côté des grandes sociétés, on pense n’avoir pas d’autres alternatives que le respect des règles et des normes édictées, en raison de l’image et du statut à défendre. Quoique là aussi, il y ait des choses à dire. Tenez, la SIFA a, par exemple, arrêté depuis un certain temps la production de la fameuse Yamaha V80 rouge.

Celles qui sont actuellement commercialisées sur le marché par la CFAO proviendraient de Chine. Nous avons du reste observé récemment plusieurs rotations de charretiers transportants ces motos de Ouaga inter aux locaux de la CFAO à Ouagadougou. La Yamaha V 80 rouge n’en est pas pour autant moins chère sur la place. Elle coûte autant que lorsqu’elle était assemblée par la SIFA. Qu’est-ce qui explique cette situation ? Nous avons tenté d’en savoir davantage auprès de la direction générale de CFAO, sans succès pour le moment.

Sans avoir essuyer un refus catégorique, notre demande d’interview traîne depuis début juillet. Le DG était en vacances nous a-t-on dit. Il reprenait en début août. Relancés, début août, ses services confirment son retour mais affirment qu’il n’est pas au bureau et qu’on nous rappellera. Est-ce le motif de l’interview qui fait traîner les choses ou s’agit-il d’un hasard de calendriers. Nous espérons être situé d’ici-là.
En attendant, revenons aux mauvaises pratiques dans le commerce qui, généralement, débute dès le site d’approvisionnement : Dubaï, Chine, France, Allemagne et USA...

M. O. a fait ses achats à Dubaï ou en Chine. Il a des choses à dire par rapport à ces marchés. D’abord, nous prévient-il, il n’y a pas réellement de confiance puisque vous devez être présent lorsque votre marchandise est fabriquée et conditionnée. Le risque est grand, dit-il, de recevoir après des marchandises pas conformes à la commande. Ensuite reconnaît-il, la transaction se déroule entièrement au noir, avec à la clé, des factures arrangées, histoire de bénéficier d’un tarif préférentiel à la douane. Les valeurs sont donc revues à la baisse et pour éviter de passer par l’Inspection de COTECNA, les quantités sont saucissonnées dès le port (Abidjan, Takoradi, Tema, Lomé ou Cotonou) avant leur mise en route pour le Burkina. Ici aussi intervient, selon notre interlocuteur, d’autres manipulations.

Certains produits peuvent en effet être réconditionnés comme s’ils avaient été fabriqué dans un pays de l’UEMOA, de sorte à tirer profit des avantages communautaires. Pour lui, ces pratiques sont courantes, sauf en cas de crédit documenté, c’est-à-dire que l’achat est réglé de banque à banque. La pression fiscale combinée à la pression douanière et la cherté du fret justifieraient d’après lui, ces pratiques.
Des pratiques que les douanes burkinabè traquent avec plus ou moins de bonheur.

"La protection de notre économie passe par la lutte contre la fraude", indique Jean S. Sam, chef du bureau des douanes de Bittou que nous avons rencontré en août 2006, lors du dossier "corridor" publié dans les colonnes de Sidwaya. Les statistiques observées entre 2003 et 2005, dit-il, sont révélatrices de la volonté des douanes de travailler à endiguer ce phénomène.

"Si en 2003, le montant des amendes infligées aux contrevenants n’était que de 64 335 011 F CFA, ce chiffre est passé à 189 039 923 F CFA en 2005. Les marchandises saisies sont généralement les motos (72 unités en 2005), les produits pétroliers (78 233 litres en 2005), les pneus (4 679 unités en 2005), le sucre (130 650 kg en 2005), la cigarette (3 662 cartouches en 2005) et les piles (1 340 cartons en 2005)", explique l’Inspecteur Sam dont le bureau contribue pour plus 70% à la mobilisation des recettes douanières de la région douanière de l’Est. Les statistiques citées plus haut sont encourageantes mais force est de reconnaître que les bureaux de douanes peuvent faire mieux, si leurs difficultés étaient résolues.

En effet, si des efforts ont été faits pour équiper les bureaux en ordinateurs et autres moyens de communications performants comme la radio, permettant un traitement rapide des dossiers et un suivi des véhicules et des marchandises en transit, d’autres efforts doivent être fournis dans le domaine du logement et de l’armement. "Les armes et les munitions sont, non seulement en nombre insuffisant et celles en notre possession sont pour la plupart défectueuses", nous a confié un responsable de bureau frontalier de douane.

Et Jean S. Sam d’ajouter, "le problème de logement n’est pas propre à Bittou seulement, c’est une réalité dans tous les offices. La douane est présente parfois dans des localités où il n’ y a pas de maisons à louer. Dans ces conditions, il est très difficile d’accomplir convenablement sa mission. A Bittou, nous avons douze logements pour une cinquantaine d’agents. C’est mieux qu’ailleurs mais il y a encore des besoins à satisfaire".

Ceci explique-t-il, cette recrudescence de la fraude classique observée ces derniers temps qui consiste à passer par des sentiers détournés pour faire entrer toutes sortes de marchandises sur le territoire national ? Tout porte à le croire. Tenez ! nous assistions à un office dans une petite église de la région de Koupéla, lorsqu’un convoi de motos vint perturber notre recueillement. Il y aura au total une vingtaine de motos conduites par des jeunes en petits groupes à vive allure saluant au passage les participants au culte.

Ce jour-là, il semblerait que c’est notre insistance à les photographier qui a mis fin au convoi. Selon un habitant du village, de jour comme de nuit, ces convois passent mais dès qu’il y a quelque chose d’anormale, les passages s’arrêtent. Cela sous-entend une coordination de ces passages ainsi que l’utilisation de moyens de communication, probablement les cellulaires. Autres villes, autre passages intempestifs de motos fraudées : Ziniaré et Saaba où le flux est tout aussi important que les environs de Koupéla.

Et à chaque fois, que nous sortons notre appareil, les passages s’arrêtent.
"Nous en avons souvent attrapés pour non respect de stop ou défaut d’immatriculation mais n’étant pas douanier, notre rôle s’arrête là", laisse entendre un policier à Ziniaré. Celui-ci ajoute que le problème est que, souvent, certains transportent des substances illicites tels que les médicaments de la rue ou la drogue.

Dans ce cas, ils sont traduits, dit-il en justice mais prévient-il, dès que l’un deux est appréhendé, le convoi s’arrête pour ne repartir que lorsque la voie sera libre quand il ne change pas d’itinéraire. Un trafic qui alimente bien d’autres de tous genres : fausses cartes grises, fausses plaques d’immatriculation, contrefaçon de marque et qui font perdre plusieurs millions de F CFA à l’Etat burkinabè. Par exemple, une moto se dédouane autour de 100 000 F CFA.

Pour 100 motos passés en contrebande, l’Etat perd environ 10 000 000 de F CFA. Ce qui donnerait des montants de l’ordre du milliard au regard du phénomène actuellement. Outre les motos, les cigarettes sont concernées avec des marques comme Excellence et Hamilton dont les consommateurs ne savent plus à quel saint se vouer. "Il n’ y a que ça actuellement. Il est difficile de trouver une bonne Hamilton en ce moment, surtout auprès des détaillants.

C’est comme du crotin d’âne. ça rend malade et si ça continue, je vais cesser de fumer"...proteste un fumeur. Les douanes burkinabè ont de nouveaux responsables à la direction générale et à la coordination de la lutte contre la fraude. Nulle doute que lorsqu’ils prendront la mesure de leur mission, quelque chose sera entrepris pour protéger nos populations et notre économie.

Victorien SAWADOGO

Sidwaya

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