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Agriculture : Le jojoba, l’or vert ?

Publié le lundi 13 août 2007 à 07h18min

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Comme à son habitude, le naturothérapeuthe Siaka Sy, quand il parle d’un sujet, prend le soin de bien se documenter. C’est ce qu’il fait ici à travers cet article sur une plante aux vertus multiples, le jojoba.

Nous avons lu avec un grand intérêt l’article intitulé le S.O.S DE L’ACA sur les difficultés de la filière coton. Dans une interview sur RFI le samedi 30 juin, le vice-président de l’ACA a même parlé de naufrage. Dès lors que l’on parle de naufrage, il faut trouver des bouées de sauvetage.

Ainsi, au moment où le gouvernement cherche des pistes pour amortir le choc de la déprime, pourquoi ne pas regarder du côté de l’or vert qui est l’appellation donnée au jojoba. Un document ECOSOC des Nations Unies (ECOSOC EESCWA/ID/2002WG.1/4 du 27 mai 2002DD) qualifie le JOJOBA d’or vert. Dans ce document de la Economic and Social Commission for Western Asia du 27 mai 2002 intitulé ’’JOJOBA THE GREEN GOLD HOPE FOR EGYPTIAN DESERT DEVELOPMENT’’, on parle de l’intérêt du jojoba tant pour la lutte contre la désertification, que pour sa place dans le développement économique de l’Egypte.

Nous pensons que pour le Burkina, le développement de la culture du jojoba présente un intérêt économique dans la mesure où hormis les plantes desquelles sont extraits les stupéfiants, aucun produit qui sort de terre ne rapporte autant que le jojoba. La valeur marchande telle que mentionnée dans le document pour le développement de la culture du jojoba est de $2400 par acre ( environ un demi-hectare. En gros $4800 par hectare. Effectivement, nous ne voyons pas une production agricole qui rapporte autant. La culture du jojoba peut élargir la gamme des cultures de rentes comme, le pois sucré, le paprika, l’anacarde...

C’est en janvier 1981 que nous avons entendu parler pour la première fois du jojoba à Philadelphie par un Arménien dénommé Cyrus K. Milikian. Cyrus K. Milikian était un ami du Dr Horton (le premier directeur général du Fonds de la CEDEAO et dont j’ai été le chef de cabinet de 1977-79)

Au cours d’une de nos discussions, il m’a demandé s’il y avait des zones arides au Burkina. Nous lui avons répondu par l’affirmative. Il m’a dit : "Pourquoi vous ne cultiverez pas le jojoba" ? C’était la première fois que j’entendais ce mot. Quand je lui ai demandé des informations sur le Jojoba, il a appelé le regretté Pr Dimitri Yermanos (le grand spécialiste à l’époque du jojoba). Dimitri Yermanos lui a envoyé un paquet d’informations pour moi.

A notre retour, nous avons transmis les informations que nous avons obtenues sur le jojoba au ministère de l’Agriculture. Un cadre du ministère à l’époque, M. Diemkouma Dominique a approfondi ses connaissances sur la question. Vingt-cinq ans après, en mars dernier, nous nous sommes rencontrés fortuitement. Nous avons parlé du jojoba, il m’a fait part des essais de culture jusqu’à la récolte des graines, qu’il a fait à l’époque et surtout de la méthode qu’il a trouvé pour en faciliter la germination.

Si à l’époque les appels du pied du PNUD pour susciter l’intérêt des pays sahéliens pour la culture du jojoba sont restés sans suite, nous pensons que le contexte actuel est favorable, avec la politique de développement des cultures de rente. Ainsi, on pourrait partir de ce qui a été fait à l’époque, surtout que certains acteurs sont toujours là.

Qu’est-ce que le jojoba ?

L’un des tout premiers écrits à mentionner le Jojoba est le journal du père Junipéro Serra. C’était au XVIIIe siècle, en 1769.

En 1789, c’est au tour du père jésuite Clavijero de publier la ‘’Storia della California’’. Dans ce livre est mentionnée l’utilisation du jojoba par les Indiens.

Les noix leur servaient de nourriture tandis que l’huile servait pour l’alimentation. Cette huile est utilisée comme remède pour cicatriser les blessures, pour protéger la peau et les cheveux contre la sécheresse du désert (déshydratation).

La culture du jojoba fut d’abord développée en Californie où fut créée une coopérative distribuant ses graines aux adhérents.

Ce sont les Américains qui firent le plus de tests sur l’huile de jojoba, portant un intérêt à sa texture particulière.

Cela a permis à deux chercheurs de l’université d’Arizona, Foster et Greene, d’établir un parallèle entre les constances physico-chimiques de l’huile de jojoba et le blanc de baleine.

Cette étude était la bienvenue d’autant plus qu’en 1971 les Etats-Unis interdirent l’extermination des baleines. Le jojoba connut alors un grand boom.

En 1977, Khairi, élève du célèbre professeur Yermanos parvint à faire pousser le jojoba dans les zones arides d’Afrique.

Enfin en 1982, l’huile de jojoba obtient même un soutien de la part du gouvernement du Soudan et des Nations Unis. Ils se réunirent lors d’une conférence pour favoriser la culture du jojoba qui donne non seulement une huile très intéressante mais qui protège également les sols. Le Burkina a même participé à cette conférence.

Le nom indien du jojoba est ‘’Hohowi’’ qui est ensuite devenu jojoba en espagnol.

C’est un arbuste épais et touffu. Les branches les plus basses sont les plus développées et forment généralement une demi-sphère. Pendant la croissance, les branches les plus basses, donc les plus jeunes, disparaissent avec l’ombre produite par la plante. Elle peut atteindre 5 mètres de hauteur. C’est une plante à racine pivotante qui peut pénétrer de 15 à 25m ; cette racine principale assure l’ancrage et le stockage des réserves de la plante.

Ce système radicalaire du jojoba maintient une stabilisation des sols et freine la croissance de déserts dans le monde. Il procure également une résistance de la plante face à des conditions de grande sécheresse, à tel point que le jojoba peut résister un an et demi sans apport d’eau.

Les conditions idéales pour le développement de la plante sont une pluviométrie de l’ordre de 500-600 mm.Les feuilles sont de forme ovale, coriaces et velus sur les deux faces.

Les jeunes feuilles sont d’un vert doux ou gris puis deviennent jaune verdâtre.

Le jojoba est une espèce dioïque, c’est-à-dire que les fleurs mâles et femelles apparaissent sur des pieds séparés. Il y a autant de pieds mâles que de pieds femelles.

Les fleurs femelles sont isolées de couleur vert pâle ; les fleurs mâles sont jaunes, petites et disposées en grappe de capitules. La floraison débute en mars/avril. Le fruit est une capsule et il se développe en juillet/août.

C’est un arbuste des régions arides et semi-arides :

- Nord-ouest du Mexique (désert du Sonora, basse Californie)

- Sud-ouest des Etats-Unis d’Amérique (sud de l’Arizona, Californie - San Diego)

La culture du jojoba

Les facteurs influant sur la culture du jojoba.

La température :les seuils critiques de températures sont compris entre -5° et + 50°. Le jojoba tolère des variations thermiques très importantes.

Le sol : pour que la racine pivotante de la plante puisse se développer et capter l’humidité du sol, il faut que ce dernier soit profond.

La localisation des plantations

Le jojoba se développe d’un climat méditerranéen à tropical. Sa répartition géographique potentielle est donc vaste. Les cultures les plus importantes se situent au USA, Mexico, Costa Rica, Australie, Brésil et Paraguay. Des plantations commerciales existent en Argentine, Egypte, Israël, et au Pérou.

Les techniques de cultures

Il est possible de réaliser des plantations de jojoba grâce à trois techniques qui sont le semis, le bouturage et la culture de tissu.

Pour un rendement maximum...

La proportion optimale est de 75-80 % de pieds femelles et de 20-25 % de pieds mâles pour une densité de 2 200 à 2 800 pieds à l’hectare.

L’espacement entre les rangs doit être de plusieurs mètres de façon à ce que chaque plante bénéficie d’une quantité de lumière maximum non limitée par l’ombre provoquée par le plant voisin.

Le jojoba est fort résistant aux maladies et aux insectes mais il existe toutefois des microorganismes dévastateurs pour les cultures de jojoba tels que le Phymatotrichum omnivorum aux Etats-Unis et l’Heliotis punctigera en Australie.

La récolte, qu’elle soit manuelle ou mécanisée, doit se faire quand les graines sont presque mûres ou totalement mûres (même contenu en cire et en protéines) soit environ cinq mois après la floraison.

Les principales applications de l’huile de jojoba

Usages pharmaceutiques

Elle présente un intérêt par rapport aux antibiotiques. En effet, il a été démontré que des particules d’huile de jojoba pouvaient micro-encapsuler la pénicilline, ce qui permettrait l’administration orale de cet antibiotique.

De plus, cette huile inhibe l’activité du bacille responsable de la tuberculose.

Enfin, elle présente les propriétés d’un excellent antimousse. Elle est donc utilisée dans les milieux de fermentation pour la préparation des pénicillines ou des céphalosporines.

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne les applications pharmaceutiques, il faut noter que le ministère égyptien de la Santé reconnaît les propriétés médicinales ci-après de l’huile de jojoba :

• Anti-bactérienne,

• Anti-inflammatoire,

• Forte action cicatrisante,

• Forte pénétration cutanée,

• Puissant calmant,

Usages cosmétiques

L’huile de jojoba traite efficacement l’hypersécrétion séborrhéique et les pellicules. De plus, son application sur des lésions acnéiques régularise la sécrétion de sébum et tend ainsi à combattre l’acné.

Elle révèle aussi une action hydratante et adoucissante. Et enfin, elle est utilisée comme antioxydant pour protéger les formulations cosmétiques.

On l’utilise dans les shampoings, démêlants, lotions corporelles, crèmes, savons, etc.

Usages industriels

L’huile de jojoba a une utilisation industrielle pour améliorer la fonction lubrifiante des huiles des moteurs de voitures, d’avions, et autres machines industrielles. Comme additif, l’huile de jojoba améliore la qualité des peintures, des vernis, du plastique, de la cire, etc.

Rappelons que dans l’huile de moteur, l’huile de jojoba prévient l’oxydation, préserve la viscosité ; ce qui permet de rouler 20 000 km avant de vidanger.

Ainsi, avec les besoins énormes en jojoba de l’industrie de la lubrification, particulièrement pour les véhicules et les avions. Même si de grandes superficies à travers le monde étaient utilisées pour la culture de jojoba, l’huile produite ne serait pas suffisante pour satisfaire les différentes applications industrielles. La NASA est utilisateur d’huile de jojoba.

Le prix de la tonne de graine est de l’ordre de $4500 et le prix du gallon d’huile de l’ordre de $200. La culture est intéressante dans la mesure où la durée de vie du pied de jojoba est d’environ 100 ans et la pleine production au bout de la cinquième-huitième année.

La production mondiale actuellement est de l’ordre de 3500 tonnes par an. Les grandes zones de production sont ; Les USA, Mexico, l’Australie, le Brésil, le Paraguay. Des plantations commerciales existent également en Argentine, en Egypte, en Israël et au Pérou.

En 1999-2001 Israël a produit le tiers de la production mondiale de jojoba.

Le marché potentiel est estimé à environ 200 000 tonnes d’huiles par an pour une production annuelle moyenne de 3500 tonnes. L’industrie cosmétique est le principal marché de l’huile de jojoba soit environ 80%. L’autre grand utilisateur est l’industrie pharmaceutique. Pourquoi la production est loin de couvrir les besoins du marché ?

C’est principalement parce que c’est une culture des zones arides et semi-arides.

Par ailleurs la forte demande s’explique par le fait que l’huile de jojoba est un substitut de très haute qualité du blanc de baleine (sperme de baleine) dont la disponibilité est limitée à cause des restrictions sur la chasse aux baleines.

Pourquoi pas le jojoba ?

Pourquoi ne pas tenter la culture du jojoba au Burkina Faso dans le contexte de la crise du coton ? On peut dire qu’avec le jojoba, l’aridité des sols n’est plus une fatalité dans la mesure ou on peut y faire pousser quelque chose qui rapporte plus que ce qu’on récolte sur des sols dits fertiles.

N’oublions pas qu’il y a près de 25 ans, le PNUD avait perçu dans l’introduction de cette culture, une opportunité pour les pays sahéliens.

M. Dominique Diemkouma a même participé au séminaire de Khartoum. Il a par ailleurs effectué à ce que nous sachions un séjour à Calzio au Mexique où le jojoba pousse pratiquement à l’état naturel. Il a de très bonnes connaissances sur le jojoba pour éclairer les décideurs.

Au regard de sa valeur marchande, le jojoba peut être considéré comme le café/cacao du sahel. De toutes les façons, les champs d’application sont tellement larges, qu’il y a un intérêt certain à s’intéresser à la culture du jojoba dès lors que le sol s’y prête. S’il y a des soins à apporter, c’est peut- être au cours des trois, cinq premières années. Rappelons qu’on estime la durée de vie du pied de jojoba à environ 100 ans.

Nous pensons que les choses peuvent aller très vite dans la mesure où des techniciens burkinabé qui ont expérimenté la culture du jojoba et ont des connaissances sur la question sont encore là et peuvent être rassemblés autour de la question (ex. : M. Dominique Diemkouma, Directeur d’un projet de développement à Banfora et un technicien comme M. Ouédraogo Etienne). Ils ont démontré que le jojoba peut pousser au Burkina.

Il ne faut pas perdre de vue que la demande mondiale est loin d’être satisfaite. Si nos informations sont exactes, Taiwan qui est un partenaire privilégié du Burkina serait le plus grand importateur d’huile de jojoba pour entre autre son industrie cosmétique. Les feuilles et les tourteaux peuvent servir à l’alimentation du bétail.

S’il y a 25 ans, le jojoba n’a pas suscité un intérêt, l’environnement actuel de la lutte contre la pauvreté lui est favorable. Pourquoi pas le jojoba, l’or vert pour lutter contre la désertification, et procurer des revenues substantielles au monde rural, sans compter la balance commerciale ?

Siaka SY

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 2 septembre 2007 à 14:37, par solo En réponse à : > Agriculture : Le jojoba, l’or vert ?

    bonjour mr siaka sy.j ai lu votre article avec beaucoup interet et je voudrait quelque renseignent merci.

    _est ce qu on peut avoir une photo de la plante ?

    _comment se procurer des semence ?

    _quel region du burkina est-il favorable pour la culture du jojoba ?

    • Le 21 septembre 2007 à 15:20, par freddy MAHOUNGOU En réponse à : > Agriculture : Le jojoba, l’or vert ?

      Bonjour ! Mr Sy SIAKA
      En effectuant des recherches sur le JOJOBA(sur le web) , je suis tombé sur votre éxposer .
      Je vous remerci pour l’intérêt que vous portez pour le développement de notre pays, en diffusant de telles informations qui sont d’une grande importance.
      je souhaite savoir comment le cultiver ; comment en obtenir des semences et quelles sont les difficultés rencontrées dans la production de la culture.

  • Le 13 octobre 2016 à 07:28, par Alpha Mohamed En réponse à : Agriculture : Le jojoba, l’or vert ?

    Bonjour,

    Le blanc de baleine ou spermaceti n’est pas du sperme de baleine.

    C’est une substance grasse, de couleur blanche, composée de lipides et de triglycérides, que l’on trouve dans des cavités crâniennes de certains cétacés (cachalot, hyperodon, etc.).

  • Le 9 février 2019 à 08:23, par ZAFERA Régis Olivienne En réponse à : Agriculture : Le jojoba, l’or vert ?

    Bonjour Monsieur.

    Nous venons de découvrir votre article sur la culture du jojoba. Il est très, très intéressant. Car, Nous sommes sur une étude de développement pour la culture du jojoba sur le sud de Madagascar. Car, notre région est une zone semi-désertique avec un sol relativement sableux et, où le niveau de pluie est très bas. Donc, un ensoleillement parfait pour cette culture.
    Un point important, comment se procurer des plans et à quel prix ?
    Nous vous remercions de nous tenir informé.

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