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Immigration clandestine : Des esclaves volontaires !

Publié le lundi 13 août 2007 à 07h31min

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"Bako" ou "L’autre côté du fleuve, de la mer ou de l’océan" en bambara. Ce film prémonitoire du Guinéen Cheick Doukouré traitant de l’immigration clandestine des années 1970 reste toujours d’actualité. Il décrit hier comme aujourd’hui dans la réalité, la désillusion d’un jeune Africain.

Attiré par l’eldorado de l’Occident, français notamment, celui-ci a vu son espoir se transformer en souffrance, en cauchemar, en mort... Une tragédie lointaine mais si proche et si actuelle. Les îles Canaries, Mellila ou Ceuta en Espagne, Lampedousa en Italie ressemblent plus aux ports de débarquement des esclaves sur les côtes à Boston, aux Antilles, au Brésil ou au Mexique...

Les plages du golfe de Guinée (Sénégal ou Mauritanie), de la Libye ou de l’Algérie ont remplacé l’île de Gorée du Sénégal, El Mina du Ghana ou Ouiddah du Bénin, ces tristes comptoirs et douleureux souvenirs de la traite négrière. Les esclavagistes ne sont plus ces Européens dont la morale jadis voilée par les richesses du "nouveau monde", les Amériques, ont convoyé de force ou au gré de certains chefs traditionnels et au prix de pacotilles dans des navires de fortune, des Noirs enchaînés et cloîtrés dans des cales. Les nouveaux négriers sont des Africains eux-mêmes exploitant cyniquement l’incapacité à se développer de leur continent et le joug de la misère sur leurs compatriotes.

A des centaines de milliers de FCFA, jeunes et vieux fuyant le chômage, la famine et les conflits armés paient volontiers leur embarcation sur des pirogues espérant trouver meilleur au-delà des mers. Au prix du froid, de la frayeur, des naufrages et des rapatriements. Cette fugue volontaire ne semble pas interpeller la conscience des dirigeants des pays des fuyards.

Convaincus ou se réfugiant derrière leur serment de chef d’Etat que leurs actions participent réellement au bien-être de leurs concitoyens. Malgré la traque collective des pays européens pour stopper cet envahissement des fugitifs volontaires africains, en dépit des moyens mis à la disposition des Etats de débarquement pour redonner espoir sur place en Afrique et arrêter ces embarcations de la mort (environ 3 000 par an), le nombre des aventuriers désespérés ne cesse de s’accroître. Ils ne perçoivent leur "avenir radieux" qu’à l’autre côté de la mer.

Le commerce triangulaire s’est transformé en un voyage rectiligne (Afrique vers Europe) avec une appellation "soucieuse et inquiétante" pour la terre d’accueil : immigration clandestine. Sans être pourchassés dans la savane ou la forêt et sans être achetés, des Africains empruntent à leurs propres frais avec le soutien de leurs propres frères "passeurs", le chemin du calvaire "salvateur et périlleux" de l’espoir incertain.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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