LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

CEN-SAD : Une bouée de sauvetage percée pour Gbagbo

Publié le mardi 18 mai 2004 à 08h11min

PARTAGER :                          

La Communauté des Etats Sahélo-Sahariens ( CEN-SAD) a du
succès. Créée seulement en 1998, elle réunit aujourd’hui 22
membres. Mais cette percée fulgurante dans le monde des
organisations panafricaines pourrait être freinée par les
décisions imprévisibles de son leader, le colonel Moammar
Kadhafi.

Les frasques du président libyen pourraient, à la
longue, agacer, voire rebuter certains chefs d’Etat. Et les
millions de dollars qu’il injecte dans le fonctionnement de la
CEN-SAD, ne peuvent pas museler éternellement les membres
de l’organisation qui gardent encore un peu de dignité.
On ne peut en effet que s’étonner de la manière cavalière par
laquelle Laurent Gbagbo a adhéré à la CEN-SAD. Il lui a suffi
d’un voyage à Tripoli pour que le président ivoirien obtienne le
feu vert du guide qui, à Bamako, a montré qu’il est le vrai patron
de la CEN-SAD.

Pourtant, toute organisation qui se respecte a
des critères d’adhésion parmi lesquels figure certainement la
respectabilité du postulant. Ce levier devait être actionné dans
le cas de la Côte d’Ivoire. Ce pays, on le sait, vient de faire l’objet
d’une enquête de l’ONU qui s’est révélée fort accablante pour
Laurent Gbagbo.

En l’état actuel du processus enclenché par
l’ONU, la sagesse et la prudence auraient voulu que Gbagbo
soit placé dans le salon d’attente de la CEN-SAD. Tout juste,
peut-on l’accueillir en tant qu’observateur, le temps que l’ONU
achève son travail. Car il n’est pas exclu, au regard de la gravité
des faits, que le régime ivoirien soit sommé de se présenter
devant un tribunal. Or voilà que la CEN-SAD s’empresse d’ouvrir
les bras à Gbagbo, comme si elle voulait lui assurer sa
protection face à l’étau onusien qui se resserre.

L’adhésion de
la Côte d’Ivoire survient au mauvais moment. Son contentieux
avec l’ONU bat son plein et l’on ne saurait présager ce qu’il
adviendra au régime. Sans prêcher pour l’isolement total de
Gbagbo, le bon sens aurait dicté une conduite plus prudente à
la CEN-SAD. Mais tel n’est pas le cas, au grand dam des autres
membres de la communauté. Cette mainmise de Kadhafi et les
libertés qu’il se donne peuvent creuser la tombe de la CEN-SAD.
Toute adhésion devrait se faire sur une base concertée, à partir
de critères édictés et acceptés de tous, y compris les peuples.

Ce qui se passe à la CEN-SAD est loin de la démarche
démocratique en vigueur par exemple à l’Union européenne où
les peuples sont consultés pour des décisions majeures. Mais
comme dans bien d’autres organisations africaines, la
CEN-SAD se construit par le haut, sous la férule de son
principal bailleur de fonds. Et tant pis si le socle est bâti sur du
sable à cause du peu de cas fait à l’opinion des peuples.
Gbagbo semble bien se tirer d’affaire. Pour lui, peu importe
l’avis des citoyens de son pays et de la CEN-SAD. Avec l’onction
de Kadhafi et de la CEN-SAD, il se sent moins isolé et trouve un
certain appui sur le continent.

Mais il s’agit seulement d’un
apparent honneur retrouvé. Au sein même de la CEN-SAD, des
réserves vont sans doute se faire jour. Déjà, le très modéré
ATT a déclaré que la résolution de la crise incombe d’abord aux
protagonistes ivoiriens. Et que dire du président Compaoré qui,
en dépit des sourires de circonstance, garde un lourd
ressentiment vis-à-vis de Gbagbo. Et vice-versa.

Les
préalables posés par Blaise Compaoré il y a quelques mois,
pour un espoir de paix en Côte d’ivoire, à savoir les questions
de la nationalité, de l’éligibilité et du foncier rural, restent encore
en suspens.
Par ailleurs, l’ONU ne semble pas prête à abdiquer face aux
manoeuvres du régime ivoirien. Cette enquête et la suite qui lui
sera donnée participent de la crédibilité que l’ONU est en train
de retrouver, après toute la période sombre qu’elle vient de
traverser.

Elle doit donc aller jusqu’au bout de son action de
pacification de la Côte d’Ivoire, qui inclut à la fois l’intervention
militaire, l’aide au développement mais aussi la lutte contre
l’impunité à travers le jugement de tous les auteurs de tueries et
d’exactions. Autant d’éléments qui font croire que la CEN-SAD
ne peut pas sauver Gbagbo. Elle lui a juste offert un sursis
provisoire, une bouée de sauvetage percée qu’il lui faudra tôt ou
tard lâcher.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique