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Nigeria : Le retour des vieux démons

Publié le jeudi 13 mai 2004 à 08h51min

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Le 2 mai dernier, des affrontements inter-religieux ont fait plus de cent morts à Yalouan, localité du centre du Nigeria. Des victimes essentiellement musulmanes, ce qui n’a pas plu aux dirigeants de cette communauté religieuse qui l’ont fait bruyamment savoir au président Olesegun Obasanjo, en lui enjoignant d’éclaircir cette affaire sous-huitaine.

Le géant Ouest-africain renoue avec ses turpitudes "politico-ethnico-religieuses" qui ont laissé des traces indélébiles dans son histoire.

"Nous donnons huit jours au président Obasanjo pour punir les coupables des massacres du 2 mai. Autrement...". Le collège des Ulémas (guides spirituels musulmans) par la voix de son porte-parole Omar Kabbo n’est pas passé par quatre chemins pour dire son sentiment sur ces tragiques événements et la suite qu’il entend leur donner, pour peu que le pouvoir ne sorte pas de sa "léthargie". Une suite grosse de dangers pour la paix sociale si tant est qu’on a eu un "avant-goût" à travers la chasse aux chrétiens organisée à Kano (capitale du Nord musulman) pour venger les victimes du 2 mai.

Conscient que le fait ethnique et religieux intervient pour beaucoup dans l’équilibre social, le président Obasanjo a du reste embouché la même trompette que les imams courroucés, en affirmant que les meneurs des événements du 2 mai seront "châtiés" à la hauteur de leurs actes. Obasanjo a donc choisi de désamorcer cette bombe sociale en gestation, même si l’on est en droit de se demander si cette position pleine de sagesse va éviter au pays un nouveau bain de sang.

la quête perpétuelle de démocratie

En effet, derrière ces troubles socio-politiques récurrents (Zamfara, Sokoto au Nord, Wari, Yeloua dans le Sud et le Centre, sans oublier la révolte des Ogonis en 1995) se cache le "mal-être" démocratique d’un pays, qui n’a pas réussi à faire son osmose depuis son indépendance politique. On note à cet effet le manque de discernement à la myopie politique et à l’incurie des juntes militaires qui se sont succédé dans les pays et dont le régime Abacha fut un "concentré" parfait. Sorti de cette longue nuit à la suite d’élections libres et démocratiques intervenues à la fin de la décennie 90, le Nigeria n’a pas pour autant enterré tous ses démons. Deux raisons qui s’imbriquent peuvent expliquer cet état de fait. Il y a d’abord le fait que l’élection d’Olessegun Obasanjo à la tête de l’Etat, a mis fin au règne jusque-là incontesté des musulmans du Nord.

Ceux-ci ont toujours contrôlé l’appareil d’Etat par le biais de leurs fils haut-gradés de l’année. Le sudiste Obasanjo avait mis fin à cette "fatalité" en 1977, mais son départ précipité du pouvoir deux années plus tard, traduisait toute la difficulté de briser l’ordre ancien. Si Obasanjo a pu refaire surface une décennie et demie plus tard, c’est parce que le Nord par l’intermédiaire de Babanguida puis d’Abacha avait "grillé" ses cartes et était contraint de passer la main. Pour ne pas être totalement hors-jeu les faiseurs de rois avaient cependant pris la précaution d’envoyer le "docile" Obasanjo au Palais d’Aso Rock.

Et c’est là qu’intervient la deuxième raison de cette instabilité politique, Obasanjo ayant fait montre d’esprit d’indépendance dès sa prise qui est manifestée à travers les poursuites judiciaires lancées contre les héritiers de Sani Abacha alors que ce dernier est toujours une "icône" pour ses frères du Nord. Autre grief contre le président, sa volonté de vider tout le contentieux politico-judiciaire du pays, qui met en cause essentiellement l’état-major militaire. Il n’en fallait pas plus pour que la "résistance" s’organise, et l’institution de la Charia ( la loi islamique) dans les principautés du Nord, doit-être comprise comme la première manifestation de cette défiance de l’autorité de l’Etat.

Une attitude qui a "contaminé" les autres communautés ethniques avec les troubles sociaux qui ont ensanglanté le "Niger-State" et le plateau central ces derniers mois. Obasanjo est donc assis sur un volcan en ébullition et il ne doit sa survie politique qu’à son flair et à sa connaissance pointue du landerneau politique nigérian. Pour autant, le pays n’en continue pas moins de se fragiliser au grand désespoir de ses fils mais aussi pour l’Ouest-africain au regard de l’impulsion qu’il aurait dû donner, au développement de la région.

Boubacar SY
Sidwaya

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