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Produits laitiers : Le prix en ébullition

Publié le mercredi 4 juillet 2007 à 06h42min

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Le prix du lait s’envole sur le marché mondial. L’offre a diminué, alors que la demande ne cesse de croître. L’Afrique paye plein pot : aujourd’hui, le coût de ses importations augmente et la production locale, longtemps concurrencée par le lait importé, n’est pas encore prête à prendre le relais.

La FAO a confirmé début juin ce qui paraissait encore inimaginable voici un an : "Les prix des produits laitiers atteignent actuellement des niveaux historiques", en hausse de 46 % depuis novembre 2006. Ce qui se traduit déjà sur les marchés locaux en Afrique. Au Sénégal, le sac de 25 kg de lait en poudre se vend entre 60 000 et 65 000 FCFA (près de 100£), soit une fois et demie le prix du troisième trimestre 2006. Et les importateurs ont du mal à trouver des fournisseurs.

La hausse pourrait dès lors se poursuivre, d’autant plus que "les stocks disponibles sur le marché sénégalais sont très en- deçà des niveaux habituels (environ 600 tonnes au mois d’avril 2007 contre 3 000 t habituellement)", selon les propos de Mme Maïmouna Diop, chef de la Division de la consommation et de la sécurité des consommateurs, au quotidien Walfadjri.

Au Mali aussi, les stocks sont bas. 160 t de lait en poudre début juin (contre quelque 800 t en août 2006), selon le gouvernement. Dans les capitales régionales comme Mopti, Kidal et Tombouctou, l’augmentation du prix va de 50 à 400 Fcfa (de 7 à 60 centimes d’£). Le Maroc, qui produit annuellement 1 ,4 milliard de litres de lait court un risque de pénurie dès ces mois de juin et juillet, indique Ahmed Ouayach, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural. Le prix de la tonne de lait en poudre y est déjà passé de 1 900 à plus de 3 000 € en quelques mois.

Un effet ciseaux

A l’autre bout du continent, à l’île Maurice, à cause de ces fluctuations de prix, les importateurs de lait en poudre commandent en moins grandes quantités et n’ont plus de stocks massifs.

Pourtant, depuis douze ans, la production mondiale de lait n’avait cessé d’augmenter, de plus de 20 %. Les principaux producteurs étaient, outre l’Union européenne, l’Inde et la Chine, l’Océanie, le Brésil et l’Argentine et les États-Unis. Mais ces derniers mois, production et exportations ont baissé, et les prix augmentent. Les analystes, dont la FAO, convergent sur les causes de cette évolution.

D’abord, la sécheresse en Australie (qui entraîne une baisse des exportations de la Nouvelle-Zélande), puis la taxe à l’exportation de 2000 $ US par tonne décidée par l’Argentine, la suspension des exportations indiennes pour satisfaire son marché interne et enfin, la diminution des subventions à la production et à l’exportation du lait des pays européens. L’offre des principaux produits laitiers échangés (la poudre de lait et le beurre) a diminué, alors que la demande mondiale, elle, a augmenté de 5 %. Résultat : sur le marché international, la tonne de poudre de lait écrémé européenne se vendait 2615 dollars il y a un an, mais 4890 dollars début juin.

Les pays importateurs, au premier rang desquels l’Afrique, sont donc frappés de plein fouet. Plusieurs d’entre eux ont pris des mesures, généralement ponctuelles. Le Maroc a supprimé la taxe à l’importation, l’Algérie a décidé de subventionner le lait vendu dans le pays pour que son prix reste accessible, Maurice a demandé un apport spécial à l’Inde et confié la commercialisation à une société d’État... Mais ces mesures ne valent qu’à court terme, alors que la faiblesse de l’offre risque de durer, tout comme la hausse de la demande. Au lendemain de... la Journée mondiale du lait, célébrée le 1er juin dernier, le quotidien malien L’Essor rappelait que "dans les pays en développement, on prévoit une hausse de la demande de 25 % d’ici à 2025", principalement en raison de l’urbanisation croissante.

Trop bas, trop haut

En bonne logique économique, la hausse des prix sur le marché mondial devrait favoriser la production locale. Mais, à court terme, en tout cas, ce n’est pas ce qui se passe. Une campagne lancée par des ONG européennes’ peu avant la hausse des prix relevait que la faiblesse des prix sur le marché mondial contrecarrait les investissements dans des filières locales de collecte, transformation, réfrigération, conservation et commercialisation du lait. Les producteurs, situés en monde rural sont confrontés à une série de difficultés qui les empêchent de répondre à la demande croissante des habitants des villes.

Une de ces difficultés est la faible productivité du cheptel local. Une vache laitière africaine produit, par an, environ 13 fois moins que sa collègue européenne, 16 fois moins qu’au Canada et 19 fois moins qu’une vache étatsunienne, où l’élevage est fortement mécanisé, explique l’ONG belge SOS Faim, se basant notamment sur une étude du GRET (Paris).

Conséquence. "En Afrique de l’Ouest et du Centre, la consommation de produits laitiers est satisfaite à plus de 50 % par les importations, cette proportion atteignant plus de 90 % dans les grandes villes", affirmait SOS Faim en 2006.

La hausse actuelle du prix va peut-être changer la donne, si des investissements sont réalisés pour produire en abondance un lait de qualité à un prix acceptable par les consommateurs des villes. Mais cela prendra du temps. En attendant, le continent est doublement pénalisé. Lorsque le prix mondial était bas, il dissuadait d’investir localement dans une filière laitière efficace. Et maintenant qu’il est haut, il renchérit les importations, qui n’ont pas d’alternative dans l’immédiat.

André Linard,
Syfia International

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 4 juillet 2007 à 11:51, par René MILLOGO En réponse à : > Produits laitiers : Le prix en ébullition

    Il est vrai que cette situation arrive de façon plus ou moins brusque. Elle pose des difficultés aux consommateurs habitués au lait moins cher venu d’europe et d’ailleur. Mais cela constitue une gifle pour nous gouvernants qui se laissent toujours surprendre. Une bonne politique agricole aurait pu permettre aux producteurs locaux de saisir la balle au bon. Tout compte fait, il est clair que la solution est d’outiller, de former au plan technique et commercial nos éleveurs et éleveuses afin d’éviter à moyen et long terme cette dépendance alimentaire.

    Aussi, il y a matière à se rejouir quelque part car la baisse des subventions en europe est un signe fort lancés à ceux et celles qui ne croient pas toujours aux résultats de nombreuses luttes menées par les vrais acteurs à la base. Nous ne nous rejouissons pas pour la hausse des prix, mais plutôt pour le début de justice rendue aux pauvres ’’femmes peulh" et pour le clin d’oeil aux gouvernants de nos états.

    Mais il faut rester vigilent car l’habitude de la facilité peut conduire nous gouvernants, au vu de la situation, à baisser et/ou éliminer les taxes à l’importation déjà dérisoires.

    Vigilence !

    • Le 4 juillet 2007 à 21:45 En réponse à : > Produits laitiers : Le prix en ébullition

      Bonjour. La hausse sur le marché mondial n’est pas brusque, bien au contraire !! Dépuis le début de l’année 2007, les spécialistes du secteurs laitiers l’avait déjà constaté sur le marché mondial et en parlaient. Mieux comme l’explique l’article, le phénomène était prévisible suite à la baisse de production en Austarlie et aux mésures de l’UE.
      Dans une contribution à un article sur fasonet.bf (agrobusiness : Monsieur Nassa, un éleveur moderne) en début ou fin Avril, j’attirais l’attention de nos gouvernants sur cette crise qui était prise à bras le corps dans certains pays africains.
      Malheuereusement, comme je l’avais dit aussi à l’époque, les politiques ménées jusque là par le gouvernement burkinabè concernant le sous-secteur laitier n’a pas les résultats escomptés parce que parfois mal formulées (exemple de l’importation des races brésiliennes qui inadaptées pour nos éleveuirs) ou pas assez volontariste.
      Sinon des projets à milliards existent dans cette filère (PDES SOUM, FARF, etc.) mais comme d’habitude l’argent ne vas pas là ou il faut.
      Je propserait comme début que que l’Etat suventionne sur dix ans des programmes d’inséminations artificielles chaque année, pour permettre à la grande masse des éleveurs d’élever le potentiel laitier de leurs animaux.

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