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Côte d’Ivoire : Attentat manqué contre Guillaume Soro

Publié le lundi 2 juillet 2007 à 08h28min

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Le Premier ministre de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro a échappé à « un attentat » le 29 juin 2007 à Bouaké. Malgré ce soubresaut, le processus de paix, engagé dans le cadre de l’Accord politique de Ouagadougou, est en marche.

Vendredi 29 juin 2007 « les ennemis de la paix » ont surgi à Bouaké où l’avion du chef de gouvernement ivoirien devrait se poser. Selon les témoignages recueillis auprès des passagers du Fokker 100 à bord duquel se trouvait M. Soro et une trentaine de personnes, trois roquettes ont touché l’appareil.

Une a touché le côté de l’avion où était assis la sécurité rapprochée du Premier ministre. Une autre à touché le côté où se trouvait les membres du protocole. La troisième roquette a touché la soute de l’avion où sont placés les bagages. « L’avion roulait sur la piste d’atterrissage lorsque les tirs ont commencé. Les tirs des roquettes du type RPG 7 ont touché l’avion, tuant du coup trois personnes avec beaucoup de blessés. Il y avait des tirs partout », a raconté un journaliste qui était du voyage, Siratigui Konaté.

Quatre personnes ont été tuées lors de cette attaque qui a fait au total onze blessés.
Parmi les morts, figurent deux éléments de la sécurité rapprochée du Premier ministre Soro. Il s’agit notamment du lieutenant Drissa Ouattara dit « Delta », chef de la sécurité du Premier ministre et du caporal Issaka Diomandé dit « Coul ».

Les deux membres du protocole qui sont morts sont, Issoufou Chérif et M.Doumbia. Parmi les blessés, figurent les plus proches collaborateurs de Soro dont son conseiller en communication, Alain Michel Lobognon, son directeur du protocole, Souleymane Kamagaté Koné dit « Soul to Soul », son conseiller juridique, Me. Fakhy Koné et son aide du camp, le lieutenant Jean Baptiste Kouamé. Un autre membre de la sécurité rapprochée a été touchée, il s’agit du caporal Ponon. Des hommes de médias notamment le cameraman de M. Soro, Laciné Cissé dit « Palenfo », a été évacué à Yamoussoukro, son état est jugé critique.

Deux photographes, Mlles Nadia Touré et Jeanne Françoise Coulibaly ont été également touchées tout comme le journaliste de la Radiotélévision ivoirienne (RTI, Chaîne 1), Lambert Kouakou Kouadio. L’adjudant Soumahoro Kadou, le pilote de l’avion est également blessé tout comme Issa Doumbia.

La plupart des blessés ont reçu leurs premiers soins à l’infirmerie militaire des casques bleus et au Centre hospitalier universitaire de Bouaké avant d’être évacués sur Yamoussoukro et Abidjan où le Fokker a été retourné le même jour.

« Le Premier ministre (Soro) se porte bien. Son moral n’est pas entamé. Tout va bien », a rassuré Alain Lobognon, son directeur de communication, samedi depuis l’hôpital où il recevait encore des soins.
Malgré l’attaque dont il a été victime, le Premier ministre Soro qui est sorti indemne a présidé la cérémonie solennelle d’installation des magistrats pour laquelle il se rendait à Bouaké ce vendredi noir.

Assaillants inconnus

Au total quinze magistrats doivent être redéployés dans la zone Centre, Nord et Ouest de la Côte d’Ivoire occupée par les FN dans le cadre du redéploiement de l’administration prévue par l’Accord du 4 mars. Ces magistrats installés vendredi par M. Soro permettront le démarrages des audiences foraines qui doivent aboutir à l’identification des populations..

« Le Premier ministre maintient son programme. Des gens veulent empêcher le retour de la paix mais rien n’y fera », a déclaré le porte-parole des FN, Sidiki Konaté.
Quand aux assaillants, aucune information n’est disponible pour le moment. Ni leur identité ni leur appartenance n’a été déclinée. « Nous avons procédé à des arrestations mais le ratissage se poursuit. Nos hommes (militaires) continuent de chercher les auteurs et vous aurez les informations en temps opportun », a poursuivi M. Konaté.

Selon les témoignages, trois groupes armés de fusils d’assaut Kalachnikov et de lance-roquettes RPG 7 postés aux abords de l’aéroport de Bouaké ont ouvert le feu sur l’avion qui transportait M. Soro et sa délégation. Une réunion de tous les responsables politiques et militaires des FN a été convoquée le même jour à Bouaké où les hommes du commandant Issaka Ouattara, dit « Ouattao » ont pris le contrôle de la ville. « Les tirs se sont arrêtés une heure après l’attaque. Bouaké est devenue calme. Naturellement, les militaires sont en alerte maximum », a indiqué samedi le journaliste Siratigui Konaté qui travaille au service de presse des FN.

Après l’attaque, le président du Faso a immédiatement condamné un « acte particulièrement odieux » qui vise à compromettre l’application de l’Accord de Ouagadougou. Appelant le Premier ministre Soro, le président de la République, Laurent Gbagbo et tous les acteurs politiques ivoiriens à poursuivre leurs efforts pour le retour d’une paix durable dans leur pays, Blaise Compaoré a « redit sa disponibilité à accompagner la Côte d’Ivoire pour le règlement de la crise ».

De son côté, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a condamné, dans un communiqué, un « acte ignoble » tout comme l’Union africaine (UA), la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Conseil de sécurité et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. La France qui dispose de trois mille (3000) hommes sur place a fermement condamné un « lâche attentat ».

De son côté, le président ivoirien a appelé les Ivoiriens à rester dans la veine de la paix amorcée depuis l’Accord de Ouagadougou.
« Depuis l’Accord de Ouagadougou, nous avons fait en quatre mois ce que nous n’avons pu faire en quatre ans », s’est-il réjoui félicitant la sérénité avec laquelle son Premier ministre a traversé ces événéments.

« Il m’a appelé et il m’a dit : « Président, on continue », a confié Laurent Gbagbo lors d’une conférence de presse à Abidjan. Il a cependant reporté son voyage historique prévu le 5 juillet prochain à Bouaké où devraient se rendre les présidents ghanéen John Aggyekum Kufuor, président en exercice de l’UA, le président Sud-Africain, Thabo Mbéki, ancien médiateur dans la crise ivoirienne et le facilitateur, le président burkinabè, Blaise Compaoré, président en exercice de la CEDEAO.
Malgré ce soubresaut, le processus de paix est en marche. Inexorablement.

Romaric Ollo HIEN


Le film de l’attentat vécu par un journaliste ivoirien à bord du Fokker 100

L’envoyé spécial du quotidien Le Nouveau Réveil, Diarrassouba Sory qui se trouvait dans l’avion, raconte l’attaque. A la seconde près. Récit d’une journée qui a connu quatre morts selon le bilan officiel.

Quelle était l`ambiance à l`aéroport et dans l`avion avant le décollage ?

Les journalistes embarquent à bord du Fokker 100 de la République de Côte d`Ivoire. Ce sont les envoyés spéciaux des quotidiens Le Nouveau
Réveil, Notre Voie, Le Patriote, 24Heures , Le Front, Soir Info, L`Inter, Le Matin d`Abidjan, TV Notre Patrie, la télévision des Forces nouvelles et la RTI. Dans l`avion, Alain Lobognon (le directeur de communication de M. Soro) salue les journalistes. Il s`est étonné, en plaisantant qu`il n`y avait pas assez de journalistes pour une aussi importante cérémonie. A sa suite, Méité Sindou, porte-parole du Premier ministre, adresse ses salutations aux journalistes et demande à chacun de se présenter.

A quelle heure le PM et sa suite sont montés dans l`avion ?

9h 50, le Premier ministre, Guillaume Soro, le ministre du Tourisme et porte-parole des FN, Konaté Sidiki et Kamagaté Souleymane dit « Soul to Soul », directeur de protocole de Soro et d`autres personnalités montent à bord de l’avion. Ils prennent tous place dans la première classe. L’avion peut enfin décoller. Mais avant, le commandant de bord souhaite la bienvenue au Premier ministre et à sa suite. Il annonce que le voyage va durer 40 minutes. Et demande à chaque voyageur d`attacher sa ceinture. Tout en précisant que le vol est un vol non fumeur.

A quelle heure avez-vous décollé ?

Le décollage a été effectif à 9H52 précises. Quelques instants seulement après, des croissants et des canettes sont distribués à tous pour le petit déjeuner. Des reporters de TV Notre Patrie, devisent bruyamment à l’arrière.

A quelle heure avez-vous atterri ?

Le commandant de bord a annoncé à 10H18 que l’appareil était à 10 petites minutes de Bouaké. Il a précisé que le temps est couvert et que la température est de 26 degrés. Une dizaine de minutes après, le Fokker 100 amorce son atterrissage.

A cet instant précis que s`est-il passé ?

Après un atterrissage réussi, l`avion avance sur le tarmac tout doucement. Brusquement, une forte détonation se fait enttendre. Puis une deuxième. D`autres coups de feu suivent. L`appareillage vole en éclats dans l`avion. A notre gauche, le confrère Palenfo Lanciné perd du sang. Beaucoup de sang, au visage. Il est grièvement atteint. Un côté de son crâne est ouvert. Un peu plus en arrière, la photographe Jeanne Françoise Coulibaly du CICG est atteinte au visage. Blessée par les éclats et les débris des vitres. L’avion se remplit de fumée. S`en suit un cafouillage monstre et un désordre indescriptible. Un membre de l’équipage est également atteint. Il a le crâne ouvert. Tous les occupants se couchent. Quelques instants après, tous se précipitent vers la sortie sur ordre de quelqu’un. Au passage, dans la classe VIP, nous constatons trois personnes assises sur la banquette. Elles sont toutes mortes. La tête pour certains broyées.

Le Premier ministre Guillaume Soro, était-il dans l’avion ?

Le Premier ministre Guillaume Soro, Konaté Sidiki et les autres personnalités étaient déjà descendus de l’avion. Partout dans l`avion, c’était l`horreur. Du sang et des morceaux de cerveau. Tout le monde descend en courant. Rapidement, les soldats des FN montent la garde, kalachnikovs au poing. Les journalistes sont invités à courir et à s`engouffrer dans un minicar. On voit des soldats des Forces nouvelles aussi. Le mini car quitte l`aéroport en trombe, suivi de quelques véhicules des FN chargés de soldats en armes. Les journalistes sont conduits au secrétariat général des FN et « internés » dans une villa. Là, on constate qu`un caméraman de la RTI, Lambert Kouassi est touché au doigt. Son ongle est cassé.

Comment s`est fait le transfert des blessés dans les centres de santé ?

Le ministre Konaté Sidiki qui, à 11h 23, est venu chercher les journalistes blessés pour les conduire au camp de la Force Licorne pour les soins. Il apprend aux journalistes que Méité Sindou et Alain Lobognon également blessés s`y trouvent déjà.
A 11h 43, Jean Baptiste Kouamé, aide de camp de Soro, est aperçu dans la cour du secrétariat général. Blessé, il porte un bandeau à l’épaule gauche et à la main gauche. Le minicar ramène les bagages qui étaient restés dans l`avion.

Que vous a-t-on dit après ?

Mlle Kadja Dorcass du service communication de la primature vient prendre des nouvelles des journalistes. Elle leur apprend qu’ils ont été attaqués au RPG7 et que le Premier ministre va bien et qu’il est à son bureau au secrétariat général. L`attente est longue et les commentaires vont bon train.
Konaté Sidiki arrive et invite les journalistes à un déjeuner en la résidence du secrétariat général.

Avez-vous vu vous-même le PM, (...) à Bouaké ?

Non. Je ne l`ai pas vu. Nous n`avons pas d`informations précises sur lui.

Propos retranscrits par Yves M. ABIET


Fritures sur la ligne
Qui l’eut cru ? L’avion de Guillaume Soro attaqué à Bouaké, fief des Forces nouvelles, le fait n’est pas loin de paraître surréaliste. A l’analyse cependant, il peut se « comprendre » (?) l’Accord politique inter-ivorien de Ouagadougou, n’ayant pas emporté, on s’en doute, l’adhésion de tout le monde en Côte d’Ivoire. Voilà le premier cercle des commanditaires présumés de cet acte auxquels il convient d’ajouter peut-être, tous les galonnés dont les grades sont actuellement menacés. Bien sûr, cela est le fait des politiques mais, faut-il le rappeler, en temps de guerre, ceux-ci ne sont que des leaders de nom, les vrais dépositaires du pouvoir étant les militaires.

Du Cap-Vert à l’Afrique du Sud en passant par le Zimbabwe et l’Angola, c’est toujours l’aile militaire des mouvements insurrectionnels qui a fini par avoir le contrôle du pouvoir. Cela doit donner des « idées » à certains du côte de Bouaké ou de Korhogo surtout que certains ont été peu visibles lors des négociations de l’Accord politique de Ouagadougou.

On est, du reste, mémoratif qu’avant d’accepter le poste de Premier ministre, Soro avait tenu un « conseil de guerre » à Bouaké à l’issue duquel il avait reçu l’aval des chefs militaires. Rétrospectivement et compte tenu de la durée de cette réunion (plus de 10 heures), on peut dire que ceux qui ne voulaient pas de cette occurrence étaient nombreux, à défaut d’être majoritaires.

Le travail « d’assainissement » s’avère donc plus difficile que prévu, surtout que les « insurgés » peuvent faire de la résistance. Aussi, la prolifération des armes en Côte d’Ivoire (les marchands d’armes sont une autre piste) et la porosité des frontières sont des atouts pour eux. C’est dire que le désengagement des troupes étrangères que l’on réclame urbi et orbi devrait se faire à doses homéopathiques pour éviter le chaos au pays.
Et maintenant ?

Mais, il n’y a pas que les « com-zones » et les officiers en sursis qui pourraient en vouloir à Guillaume Soro. L’aile dissidente de la rébellion constituée des fidèles du sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit IB « leader des « premières heures » des militaires rebelles et aujourd’hui en « réserve de la République » pourraient aussi tenter ce coup téméraire.

En sus de rendre justice à leur chef, ils auraient pu par ce biais, venger leurs frères d’armes tombés sur le champ de bataille au moment où la guerre des factions faisait fureur au sein des Forces nouvelles. Une guerre qui a coûté la vie à des pro-IB et qui a laissé des stigmates douloureuses au Nord. Les ennemis de Soro ne manquent donc pas et certains poussent le ridicule jusqu’à voir la main de Gbagbo derrière cet attentat. Une hypothèse farfelue si tant est que le président ivoirien n’a aucun intérêt pour l’heure à « neutraliser » son Premier ministre.

Et même si dans son entourage, certains ont des velléités « sorophage », ce n’est pas à Bouaké qu’ils pourront le « flinguer » avec des armes lourdes. « Mon Dieu, préservez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en occupe ! ». Cet adage doit trotter désormais dans la tête du Premier ministre ivoirien. Lequel ne devrait pas pour autant se décourager il n’a montré aucun signe dans ce sens) et continuer son tandem avec Gbagbo. Le processus de paix est à une étape cruciale, avec le redémarrage des audiences foraines, déterminant pour l’avènement de la paix en Côte d’Ivoire.

Soro amenait avec lui à Bouaké, les magistrats chargés de diriger celles-ci dans le Nord, ainsi que certains agents administratifs, chargés de redonner vie aux services publics du Nord. Il y a lieu de poursuivre avec persévérance sur le chemin de la paix, dusse-t-on pour cela marginaliser davantage les marginaux. Nul ne nous fera croire en effet que les tireurs fous de Bouaké sont majoritaires à l’heure actuelle en Côte d’Ivoire. La vague pacifiste qui a déferlé sur le pays après l’Accord de Ouagadougou n’est pas loin de ressembler à une lame de fond. Les espoirs et les attentes sont grands et le président Gbagbo ne cesse de clamer que la paix « est revenue en Côte d’Ivoire ».

Le problème, c’est que les guerres civiles sont longues à circoncire et se résolvent parfois au prix du sang de certains leaders. Jonas Savimbi en Angola, John Garrang (?) au Soudan, Sam Bockarie Alias Mosquito en Sierra-Léone....sont autant d’exemple illustratifs. Il est à souhaiter que la Côte d’Ivoire échappe à cette malédiction, car la disparition d’un leader comme Soro entraînerait ipso-facto, le chaos.

Ce n’est pas pour rien qu’il a été ciblé par les opposants à la paix. Lesquels ont contre eux toute la communauté internationale, le facilitateur Blaise Compaoré en tête. Lequel a « condamné » fermement cet attentat et a « exhorté » les Ivoiriens à « poursuivre » le chantier de la paix. Et comme pour lui faire chorus, Laurent Gbagbo a affirmé qu’on « n’assassine pas la paix ». Les Kamikazes du 29 juin seront payés pour le savoir.

Boubacar Sy

Sidwaya

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