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Retour d’Abidjan : Et pour conclure

Publié le vendredi 29 juin 2007 à 08h04min

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Tout au long de la semaine, il vous a été proposé le compte-rendu du bref mais ô combien enrichissant séjour de notre grand reporter à Abidjan. Pour terminer cette série d’articles qui, nous espérons, vous a plu, voici, en guise d’épilogue à l’odyssée ivoirienne, le sentiment du journaliste sur les chances d’aboutissement du dialogue direct.

« Tôt ou tard, le jour va se lever », chante le groupe ivoirien, actuellement en vogue, Espoir 2000. Ce joli refrain que d’aucuns considèrent comme un signe prémonitoire du retour de la paix au pays du « Vieux » suffit-il à justifier le succès retentissant de ses auteurs auprès des mélomanes longtemps plongés dans cette situation de ni paix ni guerre ?

Tout un peuple veut y croire. Tout un peuple se plaît à rêver de cette aube nouvelle. N’est-ce pas dans la nuit, en l’occurrence dans cette si longue nuit ivoirienne, qu’il est beau de rêver de la lumière ?

Après quelque cinq ans de partition géographique (Nord/Sud), identitaire (Ivoiriens de seconde zone/Ivoiriens de souche multiséculaire) voire religieuse (musulmans/chrétiens), la Côte d’Ivoire, ce pays à l’économie jadis très prospère, naguère terre d’émigration et Eldorado pour nombre de ressortissants de contrées voisines et même lointaines, est à deux pas de se réconcilier.

Pour avoir séjourné au bord de la lagune Ebrié, ne serait-ce que pendant une semaine, j’en suis revenu cette conviction toute faite : à ce stade du processus de paix, les protagonistes de cette crise sociopolitique sont capables du meilleur, mais aussi, hélas, du pire.

Après les multiples échecs de la communauté internationale (les accords de Linas-Marcoussis, Lomé, Accra I, II, et III, Pretoria I et II) à sauver le pays du péril de la guerre civile, voilà, tel par enchantement, le président Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, hier ennemis jurés, bras dessus bras dessous chez Blaise Compaoré.

Chez celui-là même que le pouvoir d’Abidjan accusait ouvertement d’intelligence avec les rebelles venus du Nord. Pour quelle raison ? Solliciter la bienveillante intervention du « frère et ami », du docteur...ès médiation, dans le dialogue direct ivoiro-ivoirien que les deux camps opposés ont décidé d’instaurer de leur propre chef. Ainsi ont pris forme les accords de Ouagadougou, signés le 4 mars 2007.

Certes dans son contenu, ce texte ne prévoit rien de nouveau à l’exception de la suppression de la zone de confiance (ligne de démarcation entre le Nord et le Sud sous le contrôle de 3500 soldats français et de 7800 Casques bleus).

Mais depuis leur signature, que d’avancées dans le processus de paix, initié, il faut lui reconnaître cela, par Gbagbo lui-même ! En guise de bonne foi des deux parties prenantes, les accords de Ouagadougou ont été assortis d’un chronogramme de mise en œuvre. Citons, entre autres :

la mise en place du centre de commandement intégré (démarrage prévu pour le lundi 19 mars) ;
la formation du gouvernement (prévue pour le lundi 9 avril) ;
la suppression de la zone de confiance et la mise en place des unités mixtes (prévues pour le lundi 16 avril) ;
le démantèlement des milices (prévu pour le lundi 23 avril) ;
le début des audiences foraines (prévu pour le lundi 23 avril) ;
les inscriptions sur la liste électorale et l’identification (démarrage prévu pour le mercredi 23 avril).

La locomotive de la paix accuse un sérieux retard

Mais à l’épreuve de la pratique, certaines décisions, dans le meilleur des cas, ont connu un retard dans leur application, et dans le pire des cas, demeurent toujours au stade théorique.

Conséquence, la machine n’est certes pas grippée, mais la locomotive peine à atteindre sa vitesse de croisière malgré l’habileté et l’expérience du mécanicien en chef, Blaise Compaoré, qui essaie tant bien que mal de ménager la chèvre et le chou.

A l’escale de Yamoussoukro, c’est-à-dire à la première réunion du Cadre permanent de concertation tenue le 12 juin dernier, le constat a été clair : le processus a pris un sérieux retard.

« Qui veut aller loin ménage sa monture », enseigne une maxime bien connue en Côte d’Ivoire. Les élections, initialement prévues dix mois après la signature des accords de Ouagadougou, sont repoussées au premier trimestre de 2008.

Aucun camp des protagonistes n’a trouvé à redire. Mieux, le Premier ministre Guillaume Soro, secrétaire général des Forces nouvelles, qui, naguère, trépignait de rage de voir prolonger sans cesse le mandat du président Gbagbo et repousser ipso facto les élections aux calendes grecques, fait preuve, désormais, de patience à toute épreuve.

« Ne faisons pas de fétichisme de dates », tranche-t-il définitif. Même son de cloche dans les autres états-majors des principales formations politiques de l’opposition. C’est dit et même chanté : « Découragement n’est pas ivoirien ».

Seule note dissonante à l’étape actuelle du dialogue direct interivoirien, le retour du haut représentant de l’ONU pour les élections (HRE), le Suisse Gérard Stoudmann, que le camp présidentiel abhorre au plus haut point.

En effet, pour certains caciques de la Refondation, dont l’avis n’est pas moins celui de l’enfant de Mama, ce retour est synonyme d’ingérence inacceptable de la communauté internationale dans les élections en Côte d’Ivoire « libre et souveraine ».

« La réunion de Yamoussoukro demande à l’ONU de garder ce poste [HRE] en l’état. Ce que n’avait pas prévu l’accord de Ouaga. Au-delà du viol qu’il vient de subir, c’est sa mort certaine que l’on vient de programmer à Yamoussoukro », telle était la prédiction macabre de Notre Voie, journal proche du FPI.

Mais pour l’opposition, la décision de recourir à l’« indésirable » Stoudmann s’explique par les velléités de fraudes électorales du parti au pouvoir, auquel Blaise est finalement parvenu à faire avaler la couleuvre.

Pour l’heure, cette discorde n’est qu’une tempête dans un verre d’eau. Reste à l’apaiser avant qu’elle ne s’étende à toute la lagune Ebrié. Mais comme annoncé plus haut, nos frères ivoiriens sont capables du meilleur. Pour peu qu’ils en aient la volonté, car si la confiance semble peu ou prou retrouvée, la méfiance, elle, n’est jamais loin dans le marigot politique ivoirien où les acteurs se marquent à la culotte.

Les trois grandes forces (PDCI, RDR, FPI) s’équivalant à peu près, la présidentielle va forcément se jouer dans un mouchoir de poche, et on comprend pourquoi personne ne veut faire de cadeau à l’autre.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 30 juin 2007 à 20:03, par internaute anonyme En réponse à : > Retour d’Abidjan : Et pour conclure

    Très belle analyse ! Reste maintenant à prier pour que les choses aboutissent cette fois-ci ! Que DIEU sauve la Côte d’Ivoire !

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