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De l’OUA au gouvernement de l’Union : vers les Etats Unis d’Afrique

Publié le mardi 26 juin 2007 à 08h18min

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A quelques jours du sommet de l’Union africaine à Accra qui discutera de l’épineuse question de la réforme des institutions, l’ambassadeur Doulaye Corentin Ki, ancien directeur du Centre de gestion des conflits de l’OUA/UA,
ancien Responsable du Groupe de travail de l’UA sur le Darfour et actuellement Chef du Bureau de l’Union africaine à N’Djamena au Tchad nous propose une réfléxion très dense sur le sujet.

La Neuvième session de la Conférence des Chefs d’état et de gouvernement de l’Union africaine qui aura lieu à Accra du 1er au 3 juillet 2007 sera essentiellement consacrée à un « Grand débat sur le Gouvernement de l’Union africaine ».

Les éternels défenseurs des « Etats-Unis d’Afrique » y verront une opportunité nouvelle de repartir à la bataille pour une idée qu’ils estiment être la seule voie de sortie pour le continent africain s’il veut vraiment échapper à de son marasme économique, politique et social.

D’autres n’y voient qu’une des nombreuses lubies du Colonel Muhammar Kaddafi, Guide de la Révolution libyenne qui voudrait coûte que coûte assouvir son rêve de Leader d’une Afrique unifiée, d’une Afrique qu’il a finalement adopté au détriment d’une Ligue des Etats arabes qu’il trouve immobile et incapable de lui reconnaître la place importante que lui, Kaddafi, devrait y occuper.

Et pourtant, à bien y réfléchir, le grand débat sur le gouvernement de l’Union procède de la problématique qui a toujours agité les cercles politiques et intellectuels ainsi que les populations africaines en général sur la nécessité d’avoir une Afrique unie et unitaire si l’on veut résoudre un tant soit peu les problèmes politiques, sécuritaires et économiques qui se posent au continent.
Le projet de grand débat sur le gouvernement de l’Union n’est pas sorti du néant. L’idée est la continuation d’un long cheminement qui prend son origine dans la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1963 jusqu’à celle de l’Union africaine dont les principes ont été énoncés dans la Déclaration de Syrte du 9 septembre 1999 et qui a été concrétisé par son Acte Constitutif adopté à Lomé le 11 juillet de l’an 2000.

I. L’ORGANISATION DE L’UNITE AFRICAINE (OUA)

L’idée de la mise sur pied d’une organisation continentale africaine découle directement du Mouvement panafricaniste qui a commencé après la première guerre mondiale, notamment avec le premier Congrès Panafricaniste de Paris en 1919. Sans aller trop loin dans l’histoire, nous pouvons affirmer que la création de l’OUA, le 25 mai 1963, à Addis Abeba, et la signature de sa Charte, par 30 Chefs d’Etat africains, provient directement des idées panafricanistes de l’époque.

Il faut se rappeler que c’est avec déchirement que les dirigeants africains, divisés en révolutionnaires (groupe de Casablanca) et en modérés (groupe de Monrovia) ont accepté de taire leurs divergences pour l’union, avec des objectifs cependant limités, puisque les principes de souveraineté, de non ingérence et d’indépendance nationale étaient largement inscrits au frontispice de l’Organisation. On se souviendra d’ailleurs des débats enflammés entre le Dr. Kwamé Nkrumah, Léopold Sédar Senghor et Julius Nyerere lors de la création de cette organisation, sur le thème des Etats-Unis d’Afrique.

En effet, en poursuivant les objectifs de l’OUA, les Etats membres affirment et déclarent leur adhésion aux sept principes suivants : a) égalité souveraine de tous les Etats membres b) non intervention dans les affaires intérieures des autres Etats membres ; c) respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque membre ainsi que son droit inaliénable à une existence indépendante ; d) règlement pacifique des différents par la négociation, la médiation, la conciliation ou l’arbitrage ; e) condamnation sans réserve et sous toutes ses formes de l’assassinat politique ainsi que des activités subversives de la part des voisins ou de tout autre Etat ; f) engagement total pour la libération de tous les territoires africains encore sous dépendance ; g) affirmation d’une politique de non alignement vis à vis de tous les blocs. On voit donc ici, en filigrane, une méfiance de nombreux Etats vis-à-vis de tout abandon de souveraineté.

Cependant, les objectifs d’intégration sont aussi déjà clairement énoncés dans la Charte. Ce sont en particulier : a) la promotion de l’unité et la solidarité entre Etats membres ; b) la coordination et intensification de la coopération entre Etats membres et leurs efforts vers un mieux être des peuples africains ; c) l’éradication de toute forme de colonisation en Afrique ; e) la promotion de la coopération internationale dans le respect de la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pour être plus clairs, les Etats membres ont précisé leur intention de coordonner et d’harmoniser leurs politiques et leur coopération dans les domaines suivants en particulier : politique et diplomatique ; économique, y compris le domaine des transports et des communications ; éducation et culture ; santé, hygiène et nutrition ; science et technique et enfin : défense et sécurité.

Dans le cadre de l’unité d’action, les Chefs d’état ont donc prévu déjà dans la Charte, des Commissions chargées de secteurs particuliers : Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage afin de régler les différents entre Etats membres par des moyens pacifiques, Il est vrai que cette Commission n’a jamais fonctionné et a surtout fait place à des Comités ad hoc pour régler les conflits ; les Commissions spécialisées comprenant : la Commission économique et sociale ; la Commission pour l’Education, la Science, la Culture et la Santé et la Commission pour la défense qui ne cessera ses activités qu’en 1993.

Il y a lieu de noter ici que les dirigeants africains ont eu le courage, chaque fois que de besoin de montrer leur capacité à faire des réajustements dans la poursuite des objectifs d’intégration. Ainsi, lorsqu’un vide a été ressenti en ce qui concerne le problème du règlement des conflits dont la nature avait dramatiquement changée, passant de conflits inter-états aux conflits intra-états, les Chefs d’état ont décidé de mettre sur pied le Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits avec un Organe central chargé de prendre les décisions adéquates.

C’est ainsi aussi que dans le domaine économique, les Chefs d’état et de gouvernement ont adopté, en juin 1991 à Abuja, le Traité instituant la Communauté économique africaine (CEA) qui est entrée en vigueur en mai 1994. Comme on s’en souvient, le Traité d’Abuja prévoit la mise en place, au bout de 34 ans, c’est-à-dire à l’horizon 2025, d’un Marché commun africain. Un certain nombre d’étapes sont prévues dans le processus, particulièrement l’harmonisation des politiques nationales dans tous les domaines, l’instauration de zones régionales dans le cadre des CER, puis continentales de libre échange où sera assurée la liberté de mouvement des hommes, des biens et des capitaux.

A suivre

Ki Doulaye Corentin (Amb.)
Ancien Directeur du Centre de gestion des conflits de l’OUA/UA
Ancien Responsable du Groupe de travail de l’UA sur le Darfour.

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