LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Québec : Le djembé africain rythme le monde des affaires

Publié le mardi 26 juin 2007 à 07h41min

PARTAGER :                          

Le traditionnel djembé africain fait une percée étonnante dans le monde québécois des affaires, où il est devenu un outil de cohésion d’équipe au sein de grandes et moyennes entreprises.

La scène a quelque chose de surréaliste. Une dizaine de consultants d’une agence gouvernementale, la plupart vêtus du traditionnel complet-cravate, sont réunis dans une salle de banquet fastueuse de Montréal. Assis à califourchon sur le bout de leur chaise, ils tiennent entre leurs jambes un... djembé africain.

Pour la plupart, c’est leur premier contact avec ce tambour en forme de calice, originaire d’Afrique de l’Ouest. En cette journée de séminaire, on est bien loin des habituels discours et prises de tête. Tout se passe plutôt dans le ventre et les bras quand les consultants battent le rythme, appris quelques minutes plus tôt. L’un d’eux l’a bien compris et ne tarde pas à nouer sa cravate... autour de sa tête ! Pour leurs 200 collègues qui font leur entrée après le dîner, la surprise est totale. D’abord un solo de tambour de leur patron, puis vient leur tour de recevoir un instrument.

Pam-Pam-Pam-Poum-Pam ! “Vous avez une heure pour apprendre les rythmes. Allez-vous en être capables ? Levez la main ceux qui pensent que non”, lance Louis Bellemare, de l’école de percussion Samajam, qui anime chaque année des dizaines de séances de Team building, un outil de plus en plus populaire au Québec pour assurer la cohésion d’équipe dans les grandes et moyennes entreprises. Si des mains se lèvent, il rappelle la mission et les valeurs de l’organisation, déterminées auparavant avec les cadres.

Sans tambour ni trompette, certains patrons trouvent l’exercice révélateur. Martial Vincent, vice-président d’une entreprise de télévision, a participé récemment à une séance : “Ceux qui n’ont pas su rallier l’équipe durant la journée ont quitté peu de temps après, dit-il. Cela nous avait déjà permis de voir qui était vraiment solidaire.”
Né dans les années 70 en Amérique du Nord, le Team building consiste à regrouper des collègues de travail et à leur donner un défi commun, sportif, ludique, technique ou artistique.

Retrouver le plaisir d’être ensemble

L’objectif est d’amener les salariés à partager un objectif unique : la réussite de l’entreprise. Des interventions de ce genre, Louis Bellemare en mène tambour battant plusieurs chaque semaine. Les groupes vont d’une douzaine d’employés à deux mille dans les grandes entreprises... C’est que, PME comme grandes sociétés souhaitent améliorer la communication, la performance, le leadership de leurs employés ou encore souder l’esprit d’équipe. Des dizaines d’entreprises comme la Banque de Montréal, le Cirque du Soleil ou les Caisses Des jardins se sont ainsi initiées aux secrets du tambour mandingue. A l’ère de la communication, les travailleurs n’ont paradoxalement jamais été aussi isolés, passant leurs journées rivés à l’ordinateur, souvent des écouteurs sur les oreilles.

L’expérience collective des percussions les ramènerait, sur un plan symbolique, à l’esprit du clan : “On a perdu le sens de la tribu, dit le fondateur de Samajam. Au travail, les gens mettent un masque. Avec le tambour, ils retrouvent le sentiment d’être ensemble. Durant l’intervention, ils reviennent à l’essentiel, au fait d’être ensemble pour réussir, créer quelque chose.”
Pour travailler une problématique précise, par exemple le transfert des connaissances, les gens sont divisés en deux groupes et apprennent des rythmes différents.

Puis le groupe Menuisiers musiciens

A transmet ce qu’il a appris au groupe B, et vice-versa. Danielle Naud, vice-présidente corporative chez Armoires Cuisines Action, une entreprise d’une centaine de personnes, a ainsi transformé ses menuisiers, livreurs et installateurs en musiciens, l’espace d’une journée. Après avoir expérimenté le « chaos », les employés ont dû définir un objectif commun et adopter chacun un instrument. “Les exercices ont permis de travailler la gestion du temps, le contrôle du stress, les capacités décisionnelles, explique-t-elle. Réussir ensemble ce qui semblait un impossible défi en début de journée, comme monter un spectacle, nous a réellement permis de consolider l’esprit d’équipe.”

L’expérience a laissé des traces, puisque les conflits internes se règlent désormais... à grands coups de tambour. Vincent Sabourin, professeur de Stratégie des affaires à l’Université du Québec à Montréal, se garde bien de battre le tambour, mettant plutôt un bémol sur cette activité : “Si un patron démontre de l’intérêt pour ses employés grâce à une activité de ce genre, cela peut créer des vibrations positives et augmenter la productivité. Mais il y a une limite à ça. Un gentil patron n’améliore pas nécessairement l’efficacité à long terme de son entreprise par ce moyen”.

Bien loin des rythmes liés à la vie traditionnelle africaine, le djembé s’est néanmoins trouvé en Amérique une nouvelle vocation utilitaire. Cheikh Anta Faye, un percussionniste récemment arrivé du Sénégal et qui anime des sessions de djembé, croit que l’exercice est concluant : “Ici, les gens sont plus individualistes. Mais à la fin de l’intervention, ils se parlent, ils sont heureux. Ce rapprochement peut aider dans le travail.”

Bianca JOUBERT
(Syfia International)

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 26 juin 2007 à 17:17, par Pythagore En réponse à : > Québec : Le djembé africain rythme le monde des affaires

    Là, c’est vraiment intéressant. Il s’agit d’une valorisation de cet instrument qui ne vient pas du Canada mais que les canadiens ont su adapter pour en tirer quelque chose d’utile pour eux. Encore une leçon pour nous qui considérons tout ce que nous avons comme sans valeur et sans intérêt. Oui il suffit que nous valorisions un tant soit peu notre culture et notre savoir faire, de toute façon le développement passe par là... et non par le simple coupé-coller sans rien comprendre, art dans lequel nous sommes passés maîtres.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Dédougou : Le festival des masques signe son retour
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel