LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Incarcération de journalistes maliens : ATT n’avait pas besoin de ça

Publié le vendredi 22 juin 2007 à 07h58min

PARTAGER :                          

Amdaou Toumani Touré

« La Maîtresse du président », un sujet d’exercice littéraire sur les frasques d’un président d’une république imaginaire, a été donné par un professeur (Bassirou Kassim Minta) à ses élèves du lycée Nanaïssa Santara, à Bamako, pour être traité sous forme de contraction de texte puis de dissertation.

Seydina Oumar Diarra (SOD), journaliste au quotidien privé « Info-Matin », pour avoir repris cette histoire dans la presse, en ne manquant pas de désapprouver ledit sujet, qu’il trouve sans aucun apport pédagogique pour les élèves et comme pouvant même inciter à la débauche, a été interpellé et incarcéré le jeudi 14 juin dernier sur ordre du procureur de la République près le Tribunal de première instance de la commune III, Sombé Thèra, sur sa propre initiative, dit-on.

Le magistrat reproche au journaliste d’avoir offensé le chef de l’Etat dans son article, accompagné de caricatures, intitulé « Lycée Nanaïssa Santara, la maîtresse du président de la République », paru dans l’édition d’Info-Matin du vendredi 1er juin 2007.

Quatre directeurs de publication de journaux proches de l’opposition, pour avoir repris et commenté le fameux texte, et l’enseignant en question, sont également derrière les barreaux sous le même chef d’inculpation. Selon la loi malienne, les journalistes encourent six mois à cinq ans de prison et une amende de 50 000 à 600 000 francs cfa ou l’une des deux peines.

Les associations et organisations professionnelles des médias du Mali désapprouvent totalement l’ « arrestation arbitraire de SOD et de ses compagnons ». Le lundi 18 juin dernier, elles ont organisé une marche le matin en direction de la Maison d’arrêt de Bamako où elle s’est terminée par un sit-in, en signe de solidarité avec les prisonniers. Les journaux ont aussi décidé, le même jour, de la publication de l’article incriminé.

Sur la situation, les conseils du journaliste Diarra, Mes Mamadou Konaté et Moussa Keïta, et également l’ensemble des organisations et associations professionnelles de la presse malienne, ont tenu une assemblée générale vendredi 15 juin 2007 à la Maison de la presse. Pour eux, « les autorités veulent museler la presse à travers l’interpellation puis l’incarcération du journaliste ».

Les associations et organisations professionnelles de la presse estiment que les procédures suivies pour incarcérer le journaliste Seydina Oumar Diarra et ses coaccusés n’ont pas respecté les clauses de la loi régissant la presse et les délits de presse. Et Me Konaté d’ajouter qu’« ils sont allés sur la procédure du droit commun ». Cette affaire au Mali ne peut pas laisser les observateurs de la scène politique indifférents.

Amadou Toumani Touré (ATT), en faisant interpeller puis incarcérer les journalistes, cela à travers la personne du procureur de la République, agit-il ainsi parce qu’étant à son dernier mandat, il veut enfin révéler son vrai visage à la face du monde ? Etait-ce vraiment nécessaire d’embastiller de pauvres pisse-copies, même si c’est toujours mieux de les poursuivre que de les tuer ?

Ce n’est pas si sûr. ATT n’avait vraiment pas besoin de ça. Toutefois, il faut reconnaître que parfois, certains scribouillards manquent terriblement du sens de la responsabilité. Le journaliste n’est pas un superhomme, et ne doit pas raconter n’importe quoi qui puisse porter atteinte à la vie privée de ses concitoyens, lesquels ont les mêmes droits que lui.

Ce n’est pas parce qu’on est de la presse qu’on ne peut pas être emprisonné. Si on outrepasse les règles édictées par la déontologie et l’éthique de la profession, on tombe immanquablement sous le coup de la loi. La dépénalisation des délits de presse est aujourd’hui sur toutes les lèvres, mais un article qui est conçu dans l’intention de nuire ne peut qu’être condamné.

Là, les journalistes maliens incarcérés ont peut-être failli. On n’ose pas leur jeter la première pierre, mais il serait aussi très hasardeux de vouloir leur donner le bon Dieu sans confession. Ce qui se passe au Mali voisin remet sur le tapis la question de la formation des journalistes.

Pour être efficaces et participer positivement à la diffusion de l’information, les hommes de médias doivent être au courant des prescriptions qui s’imposent à eux en tant que professionnels, pour éviter d’être souvent tentés par le sensationnel, allant jusqu’à fouiner dans la vie privée des autres.

Maître Konaté, au cours de l’assemblée générale dont il est question plus haut, a recommandé le calme et la sérénité aux médias maliens. Lui et son collègue Keïta ont indiqué à cette même occasion que d’autres avocats du Mali et de l’étranger se joindraient à eux pour obtenir la libération de SOD et de ses camarades le 26 juin prochain, date prévue pour leur procès. ATT, on le sait, est assez démocrate. Ce qui se passe présentement sur les bords du Djoliba est peut-être un simple rappel à l’ordre lancé au reste de la corporation.

D. Evariste Ouédraogo

L’Observateur Paalga


Le texte incriminé

"Une étudiante (Dily), prostituée économique, se retrouve dans une de ses escapades charnelles entre les griffes du président de la République jusqu’à ce que grossesse s’ensuive.

"Parmi la cour de ses nombreux courtisans, Dily préfère attribuer la grossesse au Don Juan de président de la République. Ce dernier, craignant pour son honorabilité, n’arrive pas à convaincre sa nouvelle conquête d’avorter même au prix d’une menace d’assassinat.

"Dily finit donc par accoucher et préfère, dans un premier temps, se battre pour la reconnaissance de l’enfant par M. le président que pour des fiançailles d’infortune.

"Malmenée par le géniteur présumé de son enfant, Dily interrompt une réunion du Conseil de ministres pour exposer la situation et plaider sa cause en présence de tous les membres du gouvernement.

"Elle trouve un écho favorable auprès du Premier ministre qui convainc son patron de reconnaître l’enfant. La question insolite et impromptue est vite évacuée et le président de la République n’a d’autres choix que de céder en promettant de demander la main de sa maîtresse".

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 22 juin 2007 à 13:13 En réponse à : > Incarcération de journalistes maliens : ATT n’avait pas besoin de ça

    Qui sait ?
    peut-être que ATT a quelque chose à cacher. Sinon, je trouve des poursuites non proportionnelles voire infondées

    • Le 25 juin 2007 à 20:27, par tidiane barry En réponse à : > Incarcération de journalistes maliens : ATT n’avait pas besoin de ça

      Je vous écris en réaction aux articles parus dans l’observateur paalga et le pays du vendredi 22 juin 2007 et relatif à l’incarcération d’un journaliste malien suite à un article jugé diffamatoire qu’il aurait publié ; lequel article aurait été donné comme exercice à des élèves par un professeur.
      De prime abord je me joins à vous pour condamner cette arrestation qui à mon avis est sans fondement solide. (à moins que le journaliste n’ait directement fait allusion au président malien ; et dans ce cas la rigueur de la loi doit lui être appliquée sinon ce serait la porte ouverte à tous le abus. Il serait à mon sens difficile de défendre un pourfendeur d’honneur, fut il journaliste).
      Cependant l’objet principal de mon écrit réside dans le texte incriminé et les commentaires faits par les journalistes burkinabè. Si le journaliste de l’observateur condamne la teneur de l’article, celui du pays y voit un bel exemple de vertu pédagogique à inculquer à nos chers élèves.
      Pour ma part, j’abonde dans le sens de l’Observateur paalga. Le texte proposé est sans aucune valeur pédagogique car d’un laconisme déconcertant et ne convenant pas à des élèves du niveau concerné. En effet la contraction de texte suivie de discussion n’est proposé comme exercice qu’à partir du second cycle de l’enseignement secondaire, c’est-à-dire que la plupart des élèves concernés ont au moins dix -huit ans. Relisez donc ce texte et vous vous rendrez compte qu’il est tout juste bon pour des enfants de dix onze ans pour ce qui est de son style. Pour preuve chercher dans n’importe quelle bibliothèque un roman pour cette tranche d’âge et faites vous-même le rapport. En voici des exemples :
      -  les faits invraisemblables tels que l’irruption de la victime en salle du conseil des ministres,
      -  son exposé devant tous les ministres médusés,
      -  le soutien à elle apporté par le premier ministre.
      Aucun élève du niveau concerné ne croirait en la possibilité d’occurrence de tels faits. Même si nous sommes dans le domaine de la fiction, il y a quand même des lignes rouges à ne dépasser sinon on se fourvoie
      Quant au contenu il est, lui, digne de romans classés X.
      Je suspecte cet enseignant d’un autre age d’avoir concocter lui-même ce texte dans le but de satisfaire ses fantasmes libidinaux. En réalité le président en question n’est que ce borné d’enseignant qui profite de son emprise sur ses élèves pour assouvir des envies cachées et inavouables.
      Je le suspecte encore d’être un enseignant aux diplômes douteux car pour proposer un tel texte en tant que professeur de français il faut soit même avoir des lacunes graves à combler. Jugez en vous-même : un texte d une douzaine lignes (ne contenant aucun énoncé d’idée force si ce n’est la relation de sottises) que l’élève doit contracter et en tirer une citation pour discussion. Dites moi donc quel passage de ce texte se prête à un tel exercice ?
      Celui qu’il faut chasser du monde des enseignants est bien ce professeur soit complexé soit carrément dévergondé qui veut abuser de la candeur de ses élèves.
      Alors je demeure convaincu de la nullité, ou plutôt de la nocivité de ce texte pour des élèves.
      Tidiane BARRY
      Professeur
      Lycée départemental de Tougouri
      Email : tidiane.barry@gmail.com

      • Le 29 juin 2007 à 00:59 En réponse à : > Incarcération de journalistes maliens : ATT n’avait pas besoin de ça

        C’est vrai. un tel exercice est tire par les cheveux. mais ATT doit mieux s’expliquer car on dirait que c’est un theatre d’ ombres ou les seuls victimes sont bine nous.
        Mr. Le President, ton affaire- la n’est pas claire deeh. Attention quand meme a la mauvaise publicite car c’est "plus faibles ont l’ opinion avec eux", qu’ ils aient tort ou raison. Qu’ un Premier magistrat laisse faire sur des problemes aussi banals, ce n’es pas deja la bonne gouvernance. regarde a cote. Si Blaise qu’ on a finit avec les insultes devait ecouter la populace, il avait deja fini de transformer le BF en cimetiere.

  • Le 24 juin 2007 à 00:50, par KgB En réponse à : > Incarcération de journalistes maliens : ATT n’avait pas besoin de ça

    Soyons serieux : cet enseignant et ces journalistes ne meritent pas leurs titres. On ne peut pas eduquer des enfants avec un theme de ce genre. Quel est donc la lecon que les eleves ( et meme les adultes ) ont a retenir ici ? Il ne s’agit pas d’un musellement de la presse mais c’est une facon d’empecher des gens de pervertir des enfants et l’opinion nationale. Depuis "Mamadou et Bineta" en passant par "Doudou et Fatou", quelqu’un a t-il la bonne memoire pour nous rappeler un seul cas d’histoire d’infilite racontee en classe ?

    Biensur l’infidelite n’est pas un sujet tabou dans la presse, mais la publication de cette histoire-ci (sans tete ni queue) est bien punissable. Maintenant je ne connais pas les lois du Mali et je peux etre d’accord que les gens se battent sur la forme des arrestations au cas ou les procedures n’ont pas ete respectee. Le Mali a une belle democratie mais sa presse laisse a desirer ( elle n’a rien a voir avec celle du Benin ou du Senegal, les deux autres exemples de democraties francophones de la sous-region).

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique