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Elections consulaires contestées : Un premier test pour Tertius

Publié le mercredi 20 juin 2007 à 07h28min

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Lanciné Diawara et Oumarou Kanazoé

C’est finalement de nos jours que la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat s’attelle au renouvellement de ses membres consulaires, initialement prévu pour se dérouler en 2006. Mieux vaut tard que jamais, a-t-on coutume de dire.

Cependant, le problème majeur qui hante certains acteurs de l’économie nationale à ce moment précis, ce n’est pas tant le retard que le non-respect du Mémento des élections consulaires qui est pourtant le texte régissant le processus électoral. Voyons ce que dit le document.

Pour ceux qui ne le savent pas, la CCIA-B a "une compétence nationale avec 85 membres, élus pour un mandat de 5 ans. Le président national de la CCIA-BF est élu parmi ceux-ci. La CCIA-BF, outre le siège, sis à Ouagadougou, est organisée en sections territoriales" qui sont Bobo-Dioulasso, Koupèla et Ouahigouya.

"Les organes de la CCIA-BF sont : 1. l’Assemblée plénière ; 2. le bureau consulaire ; 3. les commissions".

Celles-ci sont au nombre de sept pour la présente mandature : budget et comptes, sections territoriales, développement industriel, promotion du secteur privé, formation professionnelle, affaires juridiques et fiscales et élections consulaires. "Elles sont des organes d’études et de propositions qui préparent, avec l’appui des services techniques, tout le travail de base permettant à la CCIA-BF d’être véritablement le porte-parole des entreprises.

Elles sont présidées par des hommes d’affaires compétents, expérimentés, disponibles et dévoués". Le même mémento des élections consulaires contient les critères pour être électeur : "A l’ouverture du processus électoral consulaire... sont électeurs, aux termes de l’article 32, les personnes physiques, pour les entreprises individuelles, et les mandataires sociaux des personnes morales qui remplissent les conditions suivantes :
- être inscrit sur la liste électorale ;
- être inscrit au registre du commerce et du crédit mobilier et avoir exercé au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle au cours de laquelle ont lieu les élections consulaires ;
- résider effectivement sur le territoire national pour les étrangers ;
- être âgé de 18 ans au moins au 31 décembre de l’année précédant celle des élections ;
- être à jour de ses obligations fiscales et sociales...
- n’avoir pas été condamné à une peine de déchéance ou à une sanction susceptible d’entacher leur honorabilité ou à une interdiction d’exercer une activité commerciale".

Nous aurions voulu faire grâce aux lecteurs de ces longs extraits, mais leur importance pour la suite est telle que nous n’avons pas pu faire autrement.

Complaisance à l’endroit des grands, discrimination envers les petits

Nous l’avons vu, il faut, entre autres, "être à jour de ses obligations fiscales et sociales" pour être électeur. Mais selon des acteurs du secteur informel, cette condition aurait été en fait escamotée dans les faits et remplacée simplement par une déclaration sur l’honneur. Alors ils se posent deux questions essentielles :
- est-ce parce que les documents relatifs aux obligations fiscales et sociales ne sont pas à portée de main que la déclaration sur l’honneur les remplace ? Si oui, les "petits" estiment que l’administration fiscale et sociale étant assez proche des entreprises, il ne devrait pas être difficile de s’en procurer des doubles ou des duplicatas ;
- est-ce parce que quelques puissants ne peuvent ni élire ni être élus (si le critère est maintenu) qu’un moyen a été trouvé pour contourner des textes qu’eux-mêmes ont édictés ?

On le voit : dans les deux cas, l’explication ne tient pas la route si la manœuvre est avérée.

Cependant, non contents de violer leurs propres textes et de laisser ainsi les citoyens croire qu’ils doivent au Trésor public et à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), ces grands auraient poussé l’audace jusqu’à "brimer" le secteur informel.

Effectivement, en plus des conditions à remplir pour être électeur, il y a un formulaire à remplir afin d’être recensé. Sur ce formulaire, il y a quatre catégories professionnelles :

le commerce, l’industrie, les services et l’artisanat. Au niveau du commerce, des informations relatives au chiffre d’affaires sont demandées. Ainsi, il faut préciser la fourchette dans laquelle se situe le chiffre de l’entreprise commerciale de celui qui veut s’inscrire sur les listes électorales :
- supérieur ou égal à 1 000 000 000 F CFA pour le commerce de gros ;
- compris entre 100 000 000 et 1 000 000 000 F CFA pour le commerce de demi-gros ;
- compris entre 15 000 000 et 100 000 000 F CFA pour le commerce de détail ;
- inférieur à 15 000 000 F CFA pour le petit commerce.

C’est donc dire que même celui qui a un chiffre d’affaires de 1 000 F CFA pourrait s’inscrire sur les listes électorales s’il n’y avait pas la barrière de l’inscription sur le registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM).

Des acteurs du secteur informel (qui n’ont donc pas de numéro d’inscription sur le registre du commerce et du crédit mobilier), ayant appris que sur la base d’une déclaration sur l’honneur, des "grands" s’inscrivent sur les listes électorales, ont souhaité qu’une faveur (qui consiste à ne pas leur réclamer le n° du RCCM) leur soit accordée afin qu’ils puissent s’inscrire. Comme on pouvait s’y attendre, ils auraient été éconduits de façon irrespectueuse.

Si cela est avéré, on peut convenir que, certes, un manquement est moins grave que deux, mais en choisissant de tordre le cou aux textes qu’ils ont eux-mêmes rédigés, ils devaient s’attendre à ce que d’autres prennent prétexte de cela pour demander ou réclamer que ces textes ou d’autres soient bafoués dans leur propre intérêt. Surtout quand on sait que les "petits" échappent rarement au harcèlement, du reste justifié, du fisc.

Que fera Tertius Zongo ?

Si ce comportement des "grands" se confirme, il faut craindre que le Premier ministre Tertius Zongo ne prêche dans le désert. En effet, lors de la conférence de presse qu’il a donnée quarante-huit heures après sa nomination, il a pris beaucoup d’engagements, mais retenons ceux-ci, synthétisés dans l’Observateur paalga n°6905 du 13/06/07 :

"Il s’agira en fait, si la profession de foi de Tertius s’accomplit, de réaliser d’abord des performances économiques et sociales qui réduisent de manière significative l’incidence de la pauvreté, autrement dit une croissance plus équitable et plus solidaire, au lieu de ce développement solitaire qu’on observe dans ce pays ; ensuite d’apporter des réponses aux demandes sociales pressantes (sécurité, emploi, fraude, corruption, etc.).

Y parviendra-t-on avec de telles pratiques ? Il est permis d’en douter sauf si, dans la lancée du "primus inter pares", un mouvement général précédé et stimulé par des actions concrètes et des actes forts et ayant le soutien de tous ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir politique, social ou culturel se déclenche.

En attendant, ce qui se passe du côté de la CCIA-BF, qui est en fait devenue la Chambre de commerce, d’industrie et des services, pourrait constituer un premier test pour le volontariste Tertius Zongo dont c’est d’ailleurs la maison.

Z.K.

L’Observateur

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