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Banque du Sud : Enjeux et défis

Publié le lundi 11 juin 2007 à 04h15min

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L’idée de création d’une Banque du Sud semble finalement prendre corps après des années de gestation au sein du mouvement altermondialiste. Elle est pertinente car elle résulte de nombreuses années de frustration et surtout de non-développement constatés dans la plupart des pays appartenant à l’hémisphère sud. Toutefois des dispositions doivent être prises afin d’éviter les travers des autres expériences menées dans les pays du Sud.

Une Banque du Sud, c’est le fruit de mûres réflexions entre les nombreux militants de la société civile et leurs multiples partenaires, réflexions développées lors du Forum social mondial de Nairobi au Kenya, et du Forum social mondial polycentrique de Bamako, etc.. En effet, pour les mouvements sociaux africains et le mouvement altermondialiste dans son ensemble, l’enjeu est de taille : faire du slogan "un autre monde est possible" une réalité en cherchant à relever les grands défis d’aujourd’hui et de demain.

D’où l’importance de réflexions portant sur des thèmes comme l’audit de la dette des pays du Sud, la construction d’une nouvelle architecture internationale, la création d’une Banque du Sud, la dette écologique. Parmi ceux chargés de mener ces réflexions, on compte le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM, réseau international qui a son secrétariat international siégeant à Liège en Belgique.

A l’évidence, malgré des décennies de coopération multiforme entre pays du Nord et du Sud, de nombreux problèmes perdurent : outre la paupérisation et la dégradation continue de l’environnement qui tenaillent nos pays, l’exploitation, la corruption, les détournements, l’impunité sous toutes ses formes, le non respect des droits humains sévisent sous nos républiques bananières.

Face à la combattivité de la société civile et de l’opposition politique qui exigent plus de contrôle, de transparence et de défense de l’intérêt général, les pouvoirs publics dont beaucoup sont hypocrites, se révèlent impuissants parce que la plupart sont inféodés au système international dont ils profitent eux-mêmes. Nul n’ignore le poids immense des dettes et autres obligations que des pouvoirs corrompus ont contractées au nom des générations présentes et futures auprès des pays de l’Ouest, de leurs contribuables et de leurs institutions.

Malheureusement, plusieurs de ces fonds sont constamment détournés de leurs destinations premières, dilapidés ou réorientés vers les paradis fiscaux et autres comptes occultes en Occident. Dans l’impunité la plus totale et avec la complicité de grandes institutions qui ne favorisent généralement pas le rapatriement de ces ressources. Il s’agit pourtant de biens appartenant en fait aux peuples qui auront à les rembourser et non aux dirigeants mafieux et leurs proches qui se lèchent les babines.

Dès lors, la rupture apparaît chaque jour comme inévitable. Après une cinquantaine d’années de coopération multilatérale, rien ne semble vraiment marcher et avec le mouvement altermondialiste, on tend à tourner dos à certaines grandes institutions internationales.

C’est que l’idéologie libérale est le fondement des grandes instances mondiales, comme l’OMC ou le FMI. Et suivant le "Consensus de Washington", un accord tacite du "Fonds Monétaire International" (FMI) et de la "Banque mondiale" (BM), ces institutions accordent des aides financières aux pays en développement à une seule condition : dans leur politique de développement., ces pays doivent absolument réduire l’intervention de l’Etat.

En effet, pour ces institutions internationales, le développement s’opère uniquement dans le cadre d’échanges marchands de nature privée, dans un marché mondial libéralisé, autrement dit sans entraves. Par contre, pour le mouvement altermondialiste, par leur supranationalité, ces grandes institutions échappent à toute légitimité démocratique. L’idéologie libérale qui les sous-tend est aussi la seule enseignée dans les grandes écoles où aucune autre vision n’est étudiée. Seule logique des grandes entreprises et du capitalisme, elle tend donc à devenir la seule référence des gouvernements, de droite comme de gauche. Les altermondialistes déplorent que le libéralisme soit généralement présenté comme une loi naturelle. Il devient donc intouchable, échappe aux aléas électoraux du jeu démocratique.

Dans leur entendement, le "Consensus de Washington" n’a pas pour objectif le développement économique des pays pauvres. Mais plutôt la constitution d’un marché mondial. Il s’agit alors du "terrain de jeu favori d’un capitalisme financier tout puissant".

Des dégâts occasionnés par cette politique dans les pays pauvres, notamment en Afrique, on retient : les inégalités qui ont fortement progressé, cependant que régressaient les protections sociales, l’éducation et même l’espérance de vie. En mettant en application les mesures préconisées par la "Banque mondiale", plusieurs de nos pays ont adopté et mis en oeuvre des restrictions budgétaires. Les effets dans ce cas sont immédiats : récession, développement futur compromis à cause principalement de la réduction des dépenses de santé et d’éducation.

Lorsque dans les années 1990, les critiques se sont intensifiées et multipliées, le "Consensus de Washington" s’est mué en "Bonne gouvernance". Toutefois, le fond néolibéral est démeuré le même, assujettissant tout au marché, et remettant en cause les services publics et la protection sociale.

En cherchant à créer une Banque du Sud, le mouvement altermondialiste cherche donc à prendre à contrepied la mondialisation néolibérale. Mais quelle qu’elle soit, la future Banque du Sud devra se départir de certaines habitudes et observer un minimum de principes et d’éthique. Une banque qui fonctionne de manière rigoureuse, après adoption de règles de principes claires, spécifiques et agissant dans la transparence, sans intrusion politicienne.

Une Banque du Sud, pourquoi pas ? L’expérience vaut la peine d’être tentée car il existe de réelles compétences dans les pays du Sud. Mais nos pays ont surtout besoin d’une banque flexible dans sa gestion, accessible aux plus démunis, à des taux acceptables, et qui dispose de garanties certaines. Il est souhaitable que la future banque soit suffisamment décentralisée, qu’elle favorise la micro-finance pour un développement endogène optimal.

Et dans le respect de sa propre logique, la Banque du Sud devrait pouvoir contribuer à jeter les bases d’une future OMC du Sud.

Le Pays

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