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Nigeria : Investiture sous haute tension

Publié le lundi 28 mai 2007 à 08h30min

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Ainsi, envers et contre tout, Umaru Musa Yar’Adua se fera investir comme nouveau président du Nigéria ce mardi 29 mai. L’homme semble sûr de lui, surtout après son rapide séjour diplomatique chez les amis et les voisins dont le Burkina Faso. Et pourtant : cette investiture intervient dans un contexte de tension et en plein quarantième anniversaire de la fameuse guerre de sécession de l’ex-Biafra.

Ce qui se passe dans ce pays de plus de 150 millions d’âmes ne saurait laisser indifférent. La démocratie y est en danger, et la société civile qui renferme les plus grands défenseurs des droits humains est de plus en plus ignorée. Cette inquiétude s’accroît au fur et à mesure que se développent des conditions de guérillas urbaines, de gangstérisme sans borne et de conflits religieux et ethniques absurdes.

Successeur imposé du Général Obasanjo, élu dans des conditions fort contestées, Yar’Adua se sentirait-il investi d’un destin messianique ? Il semble en tout cas n’avoir guère le temps de se laisser émouvoir par les clameurs qui fusent de partout. Tant pis si outre les opposants politiques, les travailleurs syndiqués, s’élèvent des voix de personnalités de haut calibre comme Wole Soyinka, le prix Nobel de littérature. Celui-ci recommande en vain la reprise de l’élection présidentielle dans des conditions de transparence réelle.

Contre toute attente, Umaru Musa Yar’Adua a préféré aller s’expliquer à l’extérieur comme si l’essentiel avait déjà été fait à l’intérieur, ou comme si lui et les siens maîtrisaient suffisamment la situation. Mais sa visite et son plaidoyer ont pu embarrasser plus d’un parmi ses hôtes. Qu’a-t-il pu bien dire à ses différents hôtes, sinon les rassurer ?

En tout cas, M. Yar’Adua semble revenu bien ragaillardi de sa petite tournée africaine. Et parce que le syndicat des chefs d’Etat demeure toujours aussi solidaire, il faut s’attendre à la présence à cette investiture de délégations qui voudront pouvoir bien compter demain sur l’appui de ce nouveau venu. Qui, en effet, voudrait s’attirer les foudres du futur leader d’un marché de plusieurs dizaines de millions de producteurs et de consommateurs ? Qui voudrait s’aliéner la sympathie d’une puissance militaire dont le concours pourrait un jour s’avérer salutaire ? Et combien sont-ils, ces dirigeants du continent dont l’élection ou le maintien au pouvoir seraient si différents de l’arrivée de M. Yar’Adua à la tête du Nigéria ?

On peut toutefois se demander pourquoi le Général Obasanjo n’a pas pris sur lui de faire cette tournée de sensibilisation. Sans doute aurait-il mieux introduit son infortuné successeur ? Sa responsabilité morale se trouve en tout cas aujourd’hui engagée, avec en arrière-fond la culture de l’intolérance, le refus de l’alternance, et les difficultés consécutives au rejet de la candidature de celui qui était jusqu’alors son successeur le mieux placé.

Ce qui se passe à Abuja consacre l’échec du régime Obasanjo qui a négligé de partir en beauté. Cela pourrait conduire tôt ou tard à requestionner le leadership nigérian en Afrique de l’Ouest, et sa légitimité s’il entend toujours représenter le continent aux Nations unies. Ceci, à un moment où l’Afrique du Sud semble marquer des points à l’approche du Mondial de 2010, lequel pourrait encore lui attirer davantage de sympathie. La démocratie nigériane n’avait certainement pas besoin de cette forme de turbulence et encore moins maintenant. Le mouvement contre l’investiture de M.Yar’Adua apparaît large et profond. Il mérite donc d’être pris en considération.

Le cas nigérian montre que le problème de la succession reste posé en Afrique où les dirigeants semblent avoir trouvé de nouvelles subtilités face aux vieilles recettes de tripatouillages de la Constitution. À contre-courant de l’histoire, sur un continent où la démocratie est en marche, on semble privilégier de plus en plus l’installation d’un fantoche qui viendra couvrir les arrières. Surtout quand on se sait compromis en matière de droits humains, de corruption, de mal gouvernance.

Au lieu de s’adonner à de telles formes de prestidigitations, les gouvernants devraient apprendre à mieux organiser les élections, les gérer de façon transparente et accepter l’alternance dans des conditions convenables. Mais, il faut en convenir : peu sont les dirigeants africains qui ont le sens de l’honneur et de la dignité, naguère si cher à nos ancêtres. Et s’ils sont nombreux à se prétendre adeptes de la démocratie libérale, dans les faits, rares sont encore ceux qui se soucient d’en respecter l’éthique.

A ce rythme, l’UA, l’UE, les Nations unies et tous les partenaires techniques et financiers n’ont qu’à bien se tenir : la table est mise pour les convives du retour à la case-départ. De plus en plus, on aura du mal à tourner les pages sombres des coups d’Etat, des risques de sécession, des violences et autres guérillas urbaines. Car, face aux dictatures camouflées et décadentes, à l’arrogance des pouvoirs établis sur des bases contestables, face à la corruption rampante, aux injustices de toutes natures, aux exactions multiples et à la pauvreté qui se généralise, le mouvement démocratique pourrait être amené à opposer une résistance de plus en plus vive.

Le Pays

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