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Importations : Les dessous du blocage de l’attribution du marché

Publié le mardi 4 mai 2004 à 06h48min

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Cela fait déjà deux semaines que la presse nationale a du grain à moudre et pas n’importe lequel. Elle a levé un lièvre dans le buisson bien touffu de la Commission d’attribution des marchés du ministère des Finances et du Budget chargée du traitement de l’appel d’offres international du Programme de vérification des importations (PVI).

Les articles se succèdent et font tous état d’une forte puanteur de corruption ou, du moins, de pratiques contraires à l’orthodoxie de l’attribution des marchés au Burkina. L’intérêt du sujet se passe de commentaire et a aiguisé notre sens de l’investigation pour faire la genèse de cet appel d’offres dont la gestion n’honore pas l’administration burkinabè. Genèse des faits et les interrogations qu’ils suscitent.

Le Programme de vérification des importations (PVI) est adopté par le Burkina en 1991. Ce programme entre dans le cadre de la stabilisation de l’économie nationale et sa mise en œuvre devra permettre l’optimisation des recettes douanières, le contrôle de la qualité , de la quantité et des prix des marchandises importées avant leur expédition, la modernisation et le renforcement des capacités de l’administration, le transfert du savoir-faire et des technologies et la formation des agents de l’administration. Objectifs bien nobles.

Il faut donc préciser que ce n’est pas la première fois que l’administration burkinabè à travers une commission d’attribution de marchés est appelée à analyser des offres et à attribuer un marché relatif au PVI. Alors pourquoi y a-t-il blocage cette fois-ci faisant couler tant d’encre et de salive ? Pour répondre à cette première interrogation , laissons parler les faits qui sont sacrés.

L’histoire de cet appel d’offres international remonte à octobre 2003. En effet, le 15 octobre 2003, l’appel d’offres international n° 2003-00745/MFB/SG/ DEP est lancé. Quatre sociétés sont soumissionnaires : Intertek Testing Service(ITS) LTD, Cotecna Inspection SA, Bivac International et Société Générale de Surveillance (SGS) SA. Comme la pratique l’exige , une commission est mise sur pied pour analyser les offres des soumissionnaires. Le 27 novembre 2003 , à l’ouverture des offres techniques, deux soumissionnaires : Cotecna et ITS émettent des réserves sur la validité du certificat de non faillite de SGS délivré par le cabinet d’audit Deloitte & Touche qui est son réviseur externe, au motif que ce document n’a pas été délivré par l’autorité compétente.

Appelée à se défendre, SGS, par courrier en date du 27 novembre transmis au DEP du ministère des Finances et du Budget, justifie la validité de son certificat de non faillite. Selon SGS, ce document avait été jugé valable lors des appels d’offres de 1996 et 2000 et mieux, ses offres avaient été retenues les mieux disantes. Comment peut-on expliquer qu’une pièce jugée valable redevienne non valable alors que les termes de référence sont identiques ? Question à la commission.

Cotecna argumente ses réserves vis-à-vis du document de son concurrent et demande expressément la mise à l’écart de la SGS. Ne devrait-elle pas être frappée par l’article 20 de la pièce n° 2 ( instructions aux candidats) qui stipule que " …. Tout effort d’un candidat pour influencer l’administration… aura pour résultat de faire écarter sa proposition ".

La commission d’attribution se réfère au Bureau de la coopération suisse au Burkina qui donne une lecture défavorable du droit suisse à la SGS. En riposte, SGS va plus loin et saisit l’Office fédéral de la justice suisse qui, selon elle, est l’organe suprême et seule autorité nationale compétente en matière d’interprétation de la législation suisse sur les faillites.

L’interprétation du droit par cet office est favorable à SGS qui désormais entend rester dans la compétition dans le cadre de cet appel d’offres international. Que faire ? Qui a raison ? Faut-il accepter le certificat de non faillite de SGS comme lors des appels d’offres de 1996 et 2000 ? Ou faut-il le rejeter ?

Sans qu’aucune solution consensuelle ne soit trouvée par la commission à ce couac , d’autres difficultés viennent se greffer paralysant ou biaisant du même coup, le processus d’analyse des offres. En effet, il ressort de nos investigations que la garantie de soumission présentée par Bivac International a été libellée au nom du groupe Veritas. Alors cela n’est-il pas un motif suffisant pour écarter ce soumissionnaire ?

Plus grave, le feuilleton de cet appel d’offres allait connaître d’autres complications. La première commission technique composée conformément aux textes en la matière (des représentants de la douane , du Guichet unique du ministère du Commerce , de la DEP et de la Direction générale du Budget) aurait déposé son rapport le 3 décembre 2003, et les résultats seraient les suivants : ITS : 78 points, SGS : 77 points, Cotecna : 61 points et Bivac : 55 points. Le minimum requis étant à 70 points pour l’ouverture des offres financières, en principe seules ITS et SGS devraient poursuivre la compétition.

Mais ce ne fut pas le cas ; la commission d’attribution rejette ce rapport au double motif que travail technique est insuffisant et l’analyse de l’offre de SGS n’aurait pas dû être analysée selon le président de la commission d’attribution. Et la commission technique est renvoyée à revoir sa copie. Quelques jours après , cette commission technique rend son nouveau rapport presque identique au premier. Rejet de nouveau du rapport par la commission d’attribution et vote de la dissolution de cette commission technique.

Il fallait alors composer une nouvelle commission technique pour reprendre l’analyse des offres. La douane et le Guichet unique précisent ne pas pouvoir envoyer d’autres personnes que celles ayant participé à la première commission technique parce que les plus averties dans le suivi du PVI. Le DEP rejette la proposition de la douane et décide de recommencer le processus d’analyse des offres sans cette structure ; ce qui est contraire à la législation des marchés ;car on ne peut examiner les offres techniques sans le principal bénéficiaire qui est ici la douane. La nouvelle commission technique reprend les travaux d’analyse des offres et écarte le dossier de SGS. Les trois soumissionnaires restants obtiennent tous le minimum requis de 70 points pour l’ouverture des offres financières.

Les travaux de cette commission technique sont-ils crédibles sans la présence des services connaissant tous les rouages complexes du PVI ? Est-ce pour cette lacune que la douane a été de nouveau interpellée à réintégrer la commission technique et de ce fait, à valider les travaux ? N’ayant pas participé à l’analyse des offres techniques , la douane refuse naturellement de cautionner les travaux. La commission d’attribution décide malgré tout, d’ouvrir les offres financières le 8 janvier 2004.

SGS mandate un huissier pour assister à l’ouverture des offres financières et constater les anomalies éventuelles et réserves qui pourraient être évoquées. Le DEP oppose un refus à la présence du huissier. Seules les offres financières de Cotecna, ITS et Bivac sont ouvertes. L’offre financière de Cotecna lue en séance aurait été libellée en hors taxes, contrairement aux instructions aux candidats. En principe, la Cotecna de ce fait, est éliminée. Seules les offres de ITS et de Bivac ( à condition de ne pas tenir rigueur de la garantie de soumission établie au nom de Veritas) sont recevables.

Mais depuis lors pas de résultats. Il semblerait que la nouvelle commission technique a eu d’énormes difficultés à analyser les offres financières du fait de sa méconnaissance du dossier. Il semble bien que ce soit la raison pour laquelle le dossier a tant traîné avant d’être transmis à qui de droit. D’ailleurs, comment peut-on publier les résultats d’un tel cafouillage ? Au vu de l’importance du PVI et au regard de toutes les anomalies qui ont jalonné le processus de cet appel d’offres, quelle sera la décision finale des autorités qui ne lèserait pas les intérêts du Burkina ?

Aboubacar TRAORE
Sidwaya

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