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Présidentielle malienne : Quelle gloire à tirer d’une victoire au premier tour ?

Publié le lundi 30 avril 2007 à 07h47min

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L’obsession du "Tako kélén" ou la victoire au premier tour du Président Amadou Toumani Touré du Mali, suscite bien des inquiétudes. Au-delà des élections présidentielles maliennes, elle semble en effet traduire la volonté des chefs d’État africains en exercice, à se succéder à eux-mêmes sans courir trop de risques.

Un tel scénario signifierait : ou la certitude de gagner au premier tour, avec tout ce que cela génère comme suspicions, ou le désarroi de se voir éconduire au second tour, face à une opposition alors nettement mieux organisée et solidaire. Ce serait alors une grave entorse à la marche de la démocratie, dont nos premiers dirigeants doivent pourtant demeurer les piliers et les promoteurs. Ne serait-ce qu’au nom de la Loi fondamentale qu’ils s’engagent toujours à servir.

En ce qui le concerne personnellement, le président ATT n’a pas tellement à souffrir de son bilan. Les élections maliennes ont encore fait la preuve que le processus démocratique se consolide jour après jour. Cette vitalité se trouve même au cœur de la campagne électorale : ses principaux collaborateurs dont le président de l’Assemblée et des membres du gouvernement, ne sont-ils pas devenus du jour au lendemain ses challengers face au même électorat ? Sous d’autres cieux en Afrique, on ne le permettrait pas.

Des reproches ont été faits au président sortant durant la campagne par ses adversaires demeurés très critiques. Notamment en rapport avec le système éducatif considéré comme en faillite. Toutefois, pour avoir accepté de l’accompagner durant l’exécution de son mandat, l’opposition demeure tout aussi comptable de ce bilan dont personne, à défaut de pouvoir s’en réjouir, ne devrait pourtant pas trop s’en plaindre.

Car ce bilan est avant tout le fruit d’une expérience dont toute l’Afrique devrait profiter. Il doit être situé dans son contexte. Travailler ensemble dans la paix et sur la base d’un consensus librement et largement choisi, n’est-ce pas justement ce vers quoi doivent tendre les énergies des élites africaines ? Ces dernières devraient toutefois travailler en symbiose avec la grande masse de nos populations laborieuses dont les aspirations devraient se trouver au centre des politiques de développement. Dans cette perpective, la société civile malienne devra davantage s’affirmer.

Quoi qu’il en soit, les acteurs politiques maliens auront apporté une contribution digne d’intérêt à l’avancée de la démocratie en Afrique. Cette expérience sera-t-elle reconduite aux lendemains des élections ? Rien n’est moins sûr, étant donné les déclarations enregistrées ici et là. Il semble bien que désomais, plus rien ne sera comme avant au pays de Sunjata Kéïta.

Si l’opposition partage son bilan, ATT échappe pourtant difficilement à la critique : le chef reste toujours le chef en Afrique. Il sera donc toujours tenu responsable des échecs relevés ici et là durant la campagne. Sans chercher à lui accorder de satisfecit, on peut, de manière générale, estimer cependant que le président Touré a tout de même su tirer son épingle du jeu. Au plan du respect des droits humains, il ne figure pas sur l’album des dirigeants voyoux.

Aux yeux de certains observateurs, sa gestion peut être considérée comme bonne. Il aura pour cela bénéficié du concours de la plupart des élites maliennes qui ont cherché à travailler sans contrainte aucune sur la base d’un consensus général. En cela, la résolution et le comportement des acteurs politiques maliens méritent d’être salués. Quelles que soient les limites de cette expérience, ils auront fait la preuve qu’avec un minimum de bonne volonté et de cohésion, de grandes choses sont toujours possibles sur ce continent.

En raison de la particularité et de la richesse de l’expérience malienne, le président ATT a donc besoin d’une fin de mandat honorable. C’est dire que les résultats issus de ce scrutin ne doivent laisser place à aucun doute. Cela, qu’il soit perdant ou gagnant au premier ou au second tour. A l’exemple de l’ancien président sénégalais Abdou Diouf, qui a accepté sa défaite et s’en est allé dignement en laissant place à l’actuel président Me Wade. Se faire battre à la loyale vaut certainement mieux que gagner sur des bases déloyales. Même si les exemples vécus tant au Niger qu’au Sénégal peuvent inciter à ne pas prendre le risque d’aller au second tour.

Mais agir ainsi pose d’emblée des problèmes de transparence, les opposants ayant beau jeu de contester les différents mécanismes mis en place et les hommes chargés d’en assurer la gestion : la non-pertinence de la loi électorale, la composition biaisée et la partialité des commissions électorales, le découpage du territoire en circonscriptions électorales scandaleuses, l’opacité qui entoure la gestion du fichier électoral, la mobilisation sans limites des ressources humaines, matérielles et financières de l’État, et les intimidations de toutes sortes. Ce sont autant d’avatars qui handicapent la marche du processus démocratique pourtant incontournable si l’Afrique tient à remporter la bataille du développement et à relever les défis de la mondialisation.

A contrario, l’exemple de la Mauritanie démontre qu’il est bien possible d’organiser des élections propres en Afrique. A condition toutefois de ne pas y participer. Si les "Tako kéléen" (victoire au premier tour) des présidents sortants doivent continuellement l’emporter sur les "Takapèrin" (terrasser) des opposants, il est à craindre d’incessants retours aux périodes d’exceptions, et donc les ruptures itératives du processus démocratique. Ce sempiternel retour à la case départ, nul ne le souhaite.

Peut-être faudrait-il pour cela, se résoudre à revoir les Constitutions en vigueur, afin de prévoir une période de transition durant laquelle les candidats seront placés sur le même pied d’égalité ? De même, il serait fort utile de revoir les textes, les mécanismes et leur fonctionnement afin de favoriser les candidatures indépendantes, d’impliquer davantage la société civile pour mieux assurer la transparence dans la gestion des ressources. La société civile et les partenaires techniques et financiers devraient y travailler. Sous peine de voir se multiplier les troubles et rébellions de toutes natures d’un bout à l’autre du continent.

Le Pays

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