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Guillaume Soro réussira-t-il à la tête du gouvernement ivoirien ?

Publié le lundi 30 avril 2007 à 07h44min

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Guillaume Soro

Ils ont mis le costume et la cravate. Ils ont la mine réjouie de ceux qui viennent de toucher le gros lot. Ils posent pour le photographe comme s’ils étaient là pour l’éternité. Dans Le Figaro de ce matin (lundi 9 avril 2007), Laurent Gbagbo et Guillaume Soro rient "à gorge déployée", la main dans la main, heureux sans doute de cette énorme facétie que représente la formation d’un gouvernement de 33 membres.

Simone Gbagbo, qui aime les symboliques religieuses, a sans doute fait remarquer que c’était l’âge du Christ à sa mort et à sa résurrection. Cela tombe bien : le nouveau gouvernement a été formé entre le Vendredi Saint et le Dimanche de Pâques ! Voilà donc que le point 4 de 1’’Accord de Ouagadougou est respecté. Le délai imparti était de cinq semaines après sa signature. Là encore tout est OK.

Un gouvernement pour quoi faire ? C’est l’Accord de Ouagadougou qui apporte la réponse. "Le gouvernement de transition travaillera dans un esprit de concertation permanente, de complémentarité et d’ouverture aux autres forces politiques de Côte d’Ivoire pour aboutir à la réunification de la Côte d’Ivoire, au désarmement et à l’organisation d’élections ouvertes, transparentes et démocratiques, tels que prévus dans les différents accords et résolutions relatifs à la sortie de crise". Prochaine étape (dans un délai d’une semaine) : la suppression de la Zone de Confiance et la mise en place des unités mixtes.

Le général Marcel Amoussou, commandant de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, a d’ores et déjà annoncé que les forces onusiennes (7.800 Casques bleus + 3.500 Français de Licorne) vont quitter leurs positions à compter du 16 avril 2007 cédant la place, progressivement, à des postes d’observation installés sur les axes d’infiltrations ; ces postes seront réduits de moitié tous les deux mois jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien (l’ensemble du chronogramme défini à Ouaga porte sur une période de dix mois).

N’allons pas trop vite en besogne, les ministres risqueraient de froisser leurs beaux costumes neufs. Disons d’emblée, pour éviter de perdre du temps, que ce gouvernement-là, pas plus que les précédents (ceux de Seydou Diarra puis de Charles Konan Banny), ne changera la face de la Côte d’Ivoire. Ne parlons pas de figuration pour les ministres ; pas même d’intermittents du spectacle : ils ont beaucoup d’appétit et certains d’entre eux, qui rempilent, l’ont déjà prouvé (ils sont loin d’être gavés).

Dans le contexte qui est, depuis plus de quatre ans, celui de la Côte d’Ivoire, on peut se poser la question de savoir à quoi vont servir les ministres du Tourisme, de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs, de la Famille, de la Solidarité et des Affaires sociales, de la Ville et de la salubrité urbaine, de la Culture et de la Francophonie, de la lutte contre le Sida, etc. Question idiote bien sûr puisqu’un gouvernement vise d’abord à faire plaisir aux uns et aux autres et à calmer les appétits des plus voraces.

Les questions liées à la nécessité et à la compétence ne sont pas à l’ordre du jour. Et ce n’est pas nouveau en Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny fonctionnait comme cela, Henri Konan Bédié aussi, puis Robert Gueï. Il n’y a sans doute que Gbagbo qui ait pensé, un certain temps (très limité), au début de son accession à la présidence de la République, qu’un ministre c’était là pour bosser (c’est ce que pensait aussi Alassane Ouattara quand il a été Premier ministre et cela lui a été beaucoup reproché !).

Il convient de remarquer d’ailleurs que ce gouvernement ne comporte pas de têtes d’affiche. Et ne traduit pas de grands bouleversements. Il y a 9 départs et 6 arrivées et quelques changements de dénomination et d’affectation. Rien de fondamental. Si ce n’est que Konan Banny était Premier ministre mais aussi ministre de l’Economie et des Finances et ministre de la Communication. Soro, quant à lui, n’est que Premier ministre, chef du gouvernement. Il y a, par ailleurs, 7 ministres des Forces nouvelles mais c’est le FPI, avec 9 ministres (hors mouvance présidentielle et société civile) et, surtout, des poids lourds, qui a la part belle.

Le ministère du Plan et du Développement avec le titre de ministre d’Etat reste confié à Paul Antoine Bouabré Bohoun, un "familier" de Gbagbo qui a été, par ailleurs, son ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances au lendemain de sa victoire et qui s’était fait remarquer par un "papier" prémonitoire dans Le Figaro du mardi 20 mai 2003 titré : "Côte d’Ivoire : l’espoir est permis (cf. LDD Côte d’Ivoire 078/Mardi 20 mai 2003) ; Bouabré Bohoun est là, incontestablement, non pas pour gérer le plan - qui n’existe pas - ni le développement - en panne - mais pour "marquer" Soro : il est le numéro deux du gouvernement et le seul ministre d’Etat.

L’Intérieur revient à Désiré Asségnini Tagro, conseiller spécial de Gbagbo, porte-parole de la présidence de la République et qui a dirigé, face à Soro, la délégation présidentielle lors de la négociation des Accords de Ouagadougou ; par le passé, Tagro avait été ministre de la Justice.

La Défense passe des mains de René Aphing-Kouassi (qui quitte le gouvernement) à celles de Michel N’Guessan Amani qui était auparavant ministre de l’Education nationale (où il est remplacé par Gilbert Bleu Laine, présenté comme appartenant à la "mouvance présidentielle ").

Si les ministères de souveraineté et de production (en tout premier lieu, Mines et Energie qui demeurent le domaine réservé de Léon-Emmanuel Monnet dont on sait le rôle dans "/ ’affaire du Probo Koala ") sont entre les mains des FPI, les Forces nouvelles se contentent de peu. Louis André Dacoury-Tabley, seule figure majeure de cette formation, n’est que le numéro 9 du gouvernement avec le portefeuille de la Solidarité et des Victimes de guerre, plus symbolique que stratégique.

Notons que Amadou Koné, ex-directeur de cabinet de Soro, obtient le ministère de l’Intégration africaine (ce qui en fera, en quelque sorte le missi dominici de Soro auprès des chefs d’Etat africains) et le poste de Porte-Parole du gouvernement. Sidiki Konaté, secrétaire général des Forces nouvelles, directeur de cabinet de Soro, obtient le Tourisme et l’Artisanat.

Le PDCI conserve les Affaires étrangères (mais qui peut penser que Youssouf Bakayoko jouera un quelconque rôle face à Gbagbo d’une part et à Soro d’autre part alors que la diplomatie ivoirienne est, depuis l’année 2000, aux ordres de la présidence de la République) mais également les Infrastructures économiques, la Santé et l’Hygiène publique, l’Industrie et la Promotion du secteur privé, la Jeunesse, les Sports et les Loisirs.

Le RDR a adopté la même stratégie que le PDCI : on garde les mêmes : Agriculture, Télécommunications et NTIC, Construction, Urbanisme et Habitat, Enseignement supérieur et Recherche scientifique, Famille, Solidarité et Affaires sociales. On le voit, rien de tactique ni même de stratégique.

Les "petits partis" - notamment ceux qui sont signataires de Marcoussis - MF A, PIT, UDF CI et UDCY, obtiennent chacun un strapontin gouvernemental. Il faut bien que tout le monde "bouffe". L’Economie et les Finances restent entre les mains de Koffi Charles Diby, un ancien de la BCEAO, histoire de ne pas trop froisser la susceptibilité de celui qui l’avait placé là, l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny.

Le ministère de la Communication revient à Ibrahim Sy Savane, considéré comme appartenant à la "société civile" mais proche de Ouattara. Originaire d’Odienné, journaliste à Fraternité Matin, le quotidien gouvernemental, avant d’y assurer des responsabilités commerciales (il en a été le patron, un temps, sous Gueï), il est l’auteur d’un roman, Au Rythme lent de la vie. A la Communication, il prend la suite de Konan Banny qui, malgré sa position de Premier ministre, y avait connu bien des difficultés pour limiter l’hégémonie de Gbagbo dans l’univers des médias.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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