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Gervais Koffi Djondo (SPCAR) : Pour une nouvelle présence africaine dans les airs

Publié le samedi 28 avril 2007 à 07h51min

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Gervais Koffi Djondo

Pour cette fois, “Rencontre” va à la rencontre d’un ancien ministre togolais. Cofondateur et président d’honneur du groupe Ecobank, Gervais Koffi Djondo veut créer une nouvelle Société de promotion d’une compagnie aérienne régionale (SPCAR) sur les cendres d’Air Afrique, disparue en 2002.

C’est un mordu du panafricanisme qui évoque ici son expérience de banquier tout en plaidant pour une présence plus forte et remarquée du continent sur le trafic aérien à travers une compagnie régionale.

Sidwaya (s) : Comment le groupe Ecobank est-il né ?

Gervais Koffi Djondo (G. K. D) : Le groupe Ecobank est une initiative d’hommes d’affaires Ouest africains. Il a été initié par la Fédération des chambres de commerce d’Afrique de l’Ouest. C’est le fruit d’une vision pertinente.

Pour faire face aux problèmes du développement de notre région, et en raison de l’absence d’institutions bancaires locales, il nous avait semblé nécessaire, d’une part, de nous regrouper, et, de l’autre, de mettre en place une banque. C’est ainsi qu’une dizaine d’entre nous ont dégagé les moyens financiers pour commander une étude à travers la société Eco-promotion afin d’évaluer la faisabilité du projet. L’étude de faisabilité s’est révélée concluante. En 1985, la maison-mère Ecobank Transnational Inc a donc pu voir le jour. Et, trois ans plus tard, en 1988, la première filiale du groupe, voyait le jour à Lomé (Togo).

Après Ecobank-Togo, suivront ensuite celles du Nigéria, du Ghana, du Bénin. C’est en 1997 que la 6e filiale, celle du Burkina, a vu le jour. Aujourd’hui, le groupe est présent dans 18 pays avec plus de 305 agences, un personnel de près de 6000 agents et des actionnaires issues de toutes les classes sociales estimés à près de 3500. Parti de la seule détermination de ses fondateurs, le groupe représente aujourd’hui l’image de l’intégration réelle de l’Afrique de l’Ouest.

Sa réussite contraste avec les lacunes en matière de libre circulation des personnes, des biens et services qui était la mission originelle de la CEDEAO. En plus, l’expansion géographique du groupe Ecobank vers l’Afrique du Centre, de l’Est et celle à la frontière de l’Afrique du Sud, montre qu’il est un véritable instrument pour le développement panafricain.

S. : Plus de 20 ans après, est-ce que le groupe a réussi d’après vous ?

G.K.D. : Oui, la banque a atteint ses objectifs. Il y a cependant du chemin à parcourir encore, car, à l’évidence, toute œuvre humaine a des limites. Il est difficile de réussir à 100 %. A cet égard, nous n’avons pas encore pu répondre suffisamment aux besoins de financements des petites entreprises même si, et c’est un progrès, Ecobank a signé un accord avec ACCION, l’une des plus grandes agences de micro-crédit au monde et aussi avec l’USAID, pour encourager le commerce intra-africain et avec le reste du monde. Il nous faut aller plus loin. Les gouvernements et institutions financières internationales sont nos alliés.

Ensemble, il nous faut mieux protéger les PME/PMI. Celles-ci ne peuvent pas payer les mêmes charges sociales que les grandes entreprises, surtout au moment où elles commencent leur existence. L’Etat et les autres acteurs de développement doivent les aider car de ces PME/PMI dépend la création des emplois. Contrairement à ce qu’on pense, les grandes entreprises sont moins en mesure de créer des emplois que les PME/PMI. L’Etat est là pour réguler, pour protéger, pour diriger, orienter, et faire un partenariat avec le secteur privé.

S. : L’Afrique a un taux de bancarisation faible (moins de 5 % dans l’espace CEDEAO), les taux d’intérêt sont élevés, l’accès au crédit demeure difficile. Que proposez-vous pour faciliter l’accès des populations à la banque ?

G.K.D. : C’est exact. Les taux d’intérêts et les difficultés à financer les PME sont de sérieux problèmes. Ensuite, il importe de diminuer les impôts qui tuent l’entreprise. A partir de là, les conditions des banques pourraient devenir plus souples permettant aux petites entreprises d’évoluer sereinement. Cela étant, il ne faut pas oublier qu’une banque se doit de se prémunir contre les risques auxquels elle fait face pour ne pas avoir à fermer ses portes et, ce faisant, et à créer plus de problèmes à l’Etat, à la communauté publique...

S. : Quelle est la contribution du groupe au développement économique et social dans l’espace CEDEAO et au Burkina en particulier ?

G.K.D. : Ecobank participe partout où elle est implantée au financement public. Nous participons à tous les grands projets privés ou publics. Nous avons révolutionné les transferts dans le domaine bancaire. Jadis, pour envoyer un chèque en Côte d’Ivoire, au Togo ou ailleurs, cela mettait des mois. Les banques étaient bureaucratiques et n’ouvraient jamais les week-ends (samedi et dimanche) bien que dans beaucoup de villes africaines les marchés se tiennent souvent les samedis.

En un mot, Ecobank n’a pas seulement contribué au développement économique et social des pays où elle est implantée ; elle a changé leur manière de voir l’action du développement. C’est une institution qui montre la voie là où elle s’installe, tout en faisant corps avec les communautés locales.

S : Pourquoi avoir créé en 1997 une fondation ?

G.K.D. : Parce que nous estimons que le développement ne se résume pas à l’intérêt économique. Il doit prendre en compte les préoccupations et les aspirations (santé, éducation, culture, etc.) de nos populations. Mais malgré ses efforts, la Fondation Ecobank ne peut pas faire tout, elle seule, dans ces domaines sociaux. C’est pourquoi, nous tendons la main aux autres institutions financières, africaines ou non, à se joindre à nous pour contribuer au développement de l’éducation, de la santé et de la culture.

En tant qu’instrument philanthropique du Groupe Ecobank, la Fondation, qui a été créée en 1997, a réellement démarré ses activités en 2005 avec un budget d’environ 200 000 dollars US (soit environ 100 millions de F CFA). Elle est déjà intervenue dans plusieurs pays, notamment au Burkina, au Mali, au Ghana, au Nigeria, au Bénin. Sa dernière intervention a lieu au FESPACO avec l’institution du Prix Sembène Ousmane-Ecobank, le soutien financier au comité d’organisation du FESPACO ainsi que le financement de l’un des colloques du FESPACO.

Cela a traduit le souci du groupe de s’associer à l’industrie cinématographique africaine, qui joue un rôle important dans le développement de nos sociétés, mais cet appui exprime notre volonté de récompenser, pour les proposer aux jeunes générations, des individualités aussi méritantes que Sembène Ousmane, l’un des pionniers du cinéma africain.

S. : Et encore...

G. K. D. : Notre vision est claire : nous voulons désormais célébrer les héros africains dans tous les domaines : de la science à la politique, de l’art à l’agriculture etc.

S. : Peut-on dire que vous êtes panafricaniste ?

G.K. D. : (Rires). Je l’ai toujours été. Tous ceux qui sont de ma génération l’ont été, et c’est pourquoi nous ne pouvons qu’encourager des projets intégrateurs comme le NEPAD auquel nous souhaitons une réussite malgré les difficultés qui jalonnent sa route...

S. : Est-ce ce souci panafricaniste qui vous a aussi incité à vouloir créer une compagnie régionale sur les cendres d’Air Afrique. Quand verra-t-elle le jour ?

G.K.D. : Nous avons pris cette initiative et trois institutions financières régionales (BIDC, BOAD et le Groupe Ecobank) ont accepté de nous soutenir dans le projet.

Des opérateurs privés sont aussi avec nous. Les études de faisabilité sont terminées et les derniers documents destinés à la mobilisation des financements et des partenaires stratégiques sont également prêts. La dernière réunion du conseil d’administration de la société, tenue le 27 février 2007, a examiné et adopté le business plan. La prochaine étape sera celle de la création de la compagnie, dans les mois à venir, et la mise en place de sa gouvernance (conseil d’administration, équipe de direction, etc.). Et le premier vol pourra décoller assez vite après tout cela....

S : Combien va-t-elle coûter ?

G.K.D. : Selon les études de faisabilité, le capital est important. Nous tablons sur 100 à 150 millions de dollars EU. Le projet est important, complexe et multisectoriel. C’est pourquoi, nous devons nous associer pour réussir ce pari.

S. : Comment comptez-vous faire face à la concurrence, étant donné qu’il est moins coûteux d’aller de Paris à New York en avion que Ouagadougou-Dakar pourtant moins distant ?

G.K.D. : L’analyse que vous faite a été la base de notre démarche. L’Afrique a les tarifs les plus chers au monde.
C’est dire que nous Africains nous payons le confort et les salaires, malgré notre pauvreté, des cadres des compagnies aériennes du Nord qui ont la quasi exclusivité des routes aériennes africaines. Il nous faut nous unir pour relever le défi qui nous est ainsi lancé, il ne faut jamais oublier que Air Afrique, qui fut la première compagnie multinationale africaine, a été laissée à son sort quand elle agonisait.

Quand à penser que les compagnies nationales peuvent seules faire face, cela participe d’une illusion dangereuse. Comme nous l’avons fait pour Ecobank, pour être plus fort sur le plan de la sécurité, de la gestion des moyens, de la performance des services, il nous faut nous unir. Il nous faut une compagnie communautaire forte qui ne va pas gêner les nationales avec lesquelles nous pourrons travailler côte à côte.

Notre objectif commun doit être de mieux satisfaire les populations africaines en leur offrant des services de qualité et sûrs, autant qu’accessibles dans le domaine du trafic aérien. Ne nous faisons cependant pas d’illusions : on ne nous facilitera pas la tâche ! Mais nous sommes prêts à aller jusqu’au bout du projet, comme nous l’avons fait, à l’époque, avec Ecobank.

S. : Pouvez-vous énumérer quelques-unes ?

G.K.D. : Ce n’est pas le moment. (Rires). Nous demandons simplement aux femmes et aux hommes africains lorsque le moment sera venu, de venir souscrire massivement au capital de la nouvelle compagnie. Et de s’identifier à elle. C’est aussi une manière de s’assurer que l’Afrique soit aussi présente dans la mondialisation.

Interview réalisée par S. Nadoun COULIBALY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 avril 2007 à 23:06 En réponse à : > Gervais Koffi Djondo (SPCAR) : Pour une nouvelle présence africaine dans les airs

    Merveilleux projet. Que Dieu vous conduise a bon port. Comme vous le dites, ils (le transport aerien de l’Occident qui vit aux depends de l’Afrique, tout en meprisant l’Afrique et les africains) ne vous laisseront pas la voie libre. Mais votre determination paiera. Air Afriq a peri a cause de la lachete et de la malgouvernance de nos dirigeants qui y puisaient comme dans une caverne d’ALi Baba. Uen si grande compagnie qui naitra et qui sera privee n’osera pas se gerer de maniere aaussi artiasnale et archaique. Nous Africain en occident seront enfin fiers de retrouver notre dignite bafouee par tant de racistes dans leurs pays dans dans leurs avoins. Dieu vous accompagne !

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