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Maliens de France : Le plus dur, c’est de rentrer au pays

Publié le jeudi 19 avril 2007 à 07h28min

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Nombreux sont les Maliens qui vivent difficilement en France et aimeraient rentrer au pays. Mais ils se sentent pris au piège. Leurs familles, ignorantes de leur sort, voire indifférentes, ne veulent pas entendre parler de leur retour. Reportage à Paris et Bamako.

"C’est très facile de venir en France. Le plus difficile c’est de savoir comment retourner au pays." Hamidou, la quarantaine entamée, ne se fait plus d’illusions Cela fait bientôt vingt ans qu’il est en France. Le retour au bercail ? Il y pense tous les jours, mais il se heurte au refus obstiné des siens restés au pays car Hamidou est un soutien de taille pour ses parents à qui il envoie chaque mois 85 euros. Interrogé à Bamako, Bourama, son père, retraité, est catégorique.

"Je n’accepterai pas que mon fils revienne s’installer ici. Il a déjà trois frères au chômage qui n’apportent rien à la famille. Sans lui qu’est-ce qu’on allait devenir ? Il gagne le même salaire qu’un ministre malien. Est-ce qu’il peut obtenir ça ici ?".

Chauffeur-livreur dans un grand magasin, Hamidou touche effectivement un salaire net mensuel de 1 300 euros (852000 Fcfa) qui, vu du Mali, semble une fortune. Pourtant, il a du mal à boucler les fins de mois. Il paye 500 euros pour le studio qu’il loue dans le 11e arrondissement de Paris. Chaque mois, l’électricité lui coûte 80 euros, les frais de transport de ses deux enfants 60 euros.

Son téléphone, il l’a plafonné à 35 euros. Avec les 625 euros restants, environ 410 000 FCFA Hamidou a du mal à nourrir sa petite famille, assurer ses déplacements, s’habiller convenablement.
Pourtant, il fait partie des "heureux", ceux qui ont leurs papiers en règle et un boulot régulier. Mais, comme nombre de ses compatriotes, il préférerait rentrer au pays. "La France n’est pas faite pour nous", estime-t-il.

Pris au piège

Pour Amadou, électronicien, la France est "un piège aux animaux, un trou. Quand on y tombe, difficile de s’en sortir". Il a fait ses premiers pas à la Régie des chemins de fer du Mali avant de s’exiler en France en 2001, attiré par le miroir aux alouettes. Mais sans papiers, difficile de travailler. C’est après plusieurs stages sous une fausse identité qu’Amadou a décroché un emploi chez un grand constructeur français. Il n’a même pas cherché à régulariser sa situation. "Je n’ai pas besoin de papiers. Je n’aime pas la France, je compte retourner chez moi et former les jeunes. Tous ceux qui sont là veulent retourner au bercail. Mais comment ?", s’interroge-t-il.

Lui compte rentrer et ouvrir un atelier. Il espère réussir avec l’expérience acquise en France. Mais tout l’argent qu’il a économisé et envoyé au pays pour construire un logement a été dilapidé par ses frères. "Le travail ici n’est pas facile. On prend de l’argent sur le feu. Il faut se priver de tout pour pouvoir économiser", aimerait-il faire savoir à ses proches restés au Mali.

La plupart des émigrés n’arrivent pas à dire ou à faire comprendre à leur famille combien leur vie est dure et leurs sacrifices douloureux. C’est le cas d’Oumar, arrivé en France en 2004. Sans papiers, sans domicile, il erre entre petits boulots, travaille au noir et petites misères. Il fait un travail de vigile une semaine sur deux. "Certains patrons quand ils comprennent que tu n’as pas de papiers refusent de te payer !", s’indigne-t-il. À cause des tracasseries, des humiliations, du racisme sournois sur les lieux de travail, il regrette aujourd’hui d’avoir quitté le Mali, mais n’ose pas envisager de rentrer. Sa famille s’est cotisée pour payer les frais de son voyage et il est encore loin de pouvoir rembourser.

Ses parents n’ont aucune idée de ses déboires en France. "Tout notre espoir repose sur Oumar. Il nous envoie de temps en temps de l’argent et dès qu’il aura ses papiers il aura un bon boulot. Nous comptons sur lui", explique confiante sa mère Mariam qui ne peut imaginer un autre scénario.
La plupart de ceux qui viennent étudier en France tombent dans le même piège.

Poussés par leur famille, ils finissent par abandonner leurs études pour prendre un travail salarié et se retrouvent piégés sans pouvoir rentrer. Mady, qui prépare un master en gestion sociale et juridique du personnel, n’entend pas traîner sur les bords de la Seine. "C’est une perte de temps pour nous. L’immigration, c’est pour des gens qui n’ont pas d’instruction, qui n’ont pas d’issue", confie-t-il.

Massaoudé Coulibaly ne le démentira pas. Il a dirigé pendant dix ans le foyer Bara a Montreuil, en banlieue parisienne, où logent essentiellement des Maliens. "J’ai vu des jeunes qui avaient bien démarré à Bamako venir échouer ici. J’ai orienté certains sur l’aide au retour. La France aujourd’hui, c’est la catastrophe, il n’y a pas d’emploi ici, actuellement, il y a un docteur qui dort dans le réfectoire.."

Fousséni TRAORE
Syfia

L’Hebdo

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