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Nigeria : Le devoir d’exemplarité

Publié le mercredi 18 avril 2007 à 06h56min

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A moins d’une semaine de l’élection présidentielle au Nigeria, Aboubacar Atiku, vice-président fédéral sortant, vient d’être admis à la candidature suprême. D’abord adulé et pressenti pour remplacer le président Obasanjo constitutionnellement mis hors-jeu pour un autre mandat, puis renié par le même Obasanjo pour avoir, entre autres "péchés", exigé le respect strict des dispositions de la Constitution, et accusé de corruption, M. Atiku avait été exclu de la course à la présidence par le veto de la commission nationale électorale du Nigeria.

Alors que plus personne ne croyait à ce qui allait ressembler à un coup de théâtre, la Cour suprême vient de valider la candidature de celui qui avait fini par faire ombrage au président Obasanjo, au point de représenter à ses yeux, l’"ennemi" à abattre malgré leur commune appartenance au PDP. Par cet acte presque héroïque, voire téméraire sous nos tropiques, la justice nigériane, à son niveau le plus élevé, vient de marquer un coup. Elle vient en effet d’arracher une victoire en affirmant son indépendance.

La commission nationale électorale, visiblement aux ordres, ayant auparavant invalidé la candidature de Aboubacar Atiku. Cette même commission s’amendera-t-elle en acceptant la demande de report des votes d’une semaine ou deux, exprimée par Atiku en toute logique, eu égard au retard qu’il accuse par rapport à ses adversaires ? Ou bien s’entêtera-t-elle dans sa volonté manifeste d’écarter un candidat visiblement gênant pour le gouvernement actuel et son président ?

Ce serait franchement malheureux pour la démocratie au Nigeria, ce grand pays africain qui, sur plusieurs aspects, peut servir de locomotive pour toute la sous-région ouest-africaine. En effet, le Nigeria, tant sur les plans démographique (135 millions d’habitants), économique que politique, présente beaucoup d’atouts qui pourraient faire de lui un modèle positif pour le continent, et ce d’autant plus qu’il aspire à jouer - à juste raison - un rôle important sur la scène internationale à travers sa candidature au Conseil de sécurité de l’ONU.

Le Nigeria doit donner l’exemple en matière de démocratie pour toute l’Afrique noire, à l’instar de l’Afrique du Sud qui impose le respect à tous.

Comme par hasard, ces deux géants de l’Afrique sont anglophones, et la Justice, dimension déterminante de la démocratie, conserve et jouit d’une relative indépendance vis-à-vis de l’exécutif, fait rare dans les pays francophones.

La lutte contre la corruption, salutaire en soi, peut être dévoyée si elle est utilisée comme une arme malhonnête pour écarter des adversaires par de fausses accusations interposées. On se rappelle ce qui s’était passé en Afrique du Sud où l’accusation de corruption contre le vice-président Jacob Nzuma cachait mal l’intention de le disqualifier et de l’empêcher d’être candidat à la magistrature suprême. A force d’utiliser la noble et nécessaire lutte contre la corruption à des fins partisanes ou pour régler des comptes personnels, on finit par la banaliser et par protéger les vrais corrompus et corrupteurs.

Sur ce plan, le Nigeria a donné des leçons à toute l’Afrique et fait des émules, même si, jusque-là, c’est plus dans les intentions et déclarations que dans les faits. Mais les émules sont là : Bénin, Mali, Sénégal, etc. Encore faut-il qu’Abuja s’y maintienne avec conséquence et esprit de suite, ce qui passe par une indépendance réelle de la Justice : sans un pouvoir judiciaire indépendant, capable d’autosaisine de tout acte délictueux (comme c’est le cas aux USA), la lutte contre la grande corruption restera vaine, et, par conséquent, la lutte pour la démocratie et le développement aussi.

Sur d’autres plans encore, le Nigeria peut et doit donner le bel exemple : la gestion et le développement économiques. En la matière, on peut s’étonner de l’insuffisance de l’engagement de ce géant économique, de sa frilosité, voire de sa mollesse dans sa politique d’investissement tant à l’intérieur que dans la sous-région.

Et pourtant, il en a les moyens matériels, techniques, financiers et humains, à l’instar, par exemple, de la Libye ou des Etats du Nord dont beaucoup sont a priori moins nantis que lui. Le Nigeria ne joue pas concrètement, pour ses voisins africains, le rôle de locomotive qui pourrait être le sien.

C’est vrai que pour ce faire, et pour peser de tout son poids sur la scène internationale, il doit veiller à enraciner davantage la démocratie et la bonne gouvernance en son sein et travailler à ce que les retombées des investissements étrangers profitent au développement national et à la prospérité du peuple nigérian. L’histoire du pays, ses réalités et potentialités économiques, le niveau de culture scientifique et technique de son peuple, son gigantisme... le prédisposent, sans nul doute, à réussir ce défi.

Il dispose d’un capital qu’il doit éviter de brader par des considérations politiciennes et partisanes. Il doit se garder d’encourager les tendances au parti unique qui se manifestent chaque fois que, de manière frauduleuse, on tente de museler l’opposition et de bloquer l’alternance politique. L’hostilité nourrie contre Atiku participe de cette volonté.

Avec tous les risques d’une après-élection tumultueuse et violente impropre au développement de la démocratie. Or, pour mériter davantage de siéger au Conseil de sécurité de l’ONU, Abuja doit montrer sa capacité à conjurer les mauvais sorts qui l’assaillent de façon récurrente.

Le Pays

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