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Smockey : Un poète du bitume

Publié le jeudi 12 avril 2007 à 07h37min

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Smockey

Smockey est un artiste burkinabé très connu dans le mouvement Rap africain. Arrangeur, producteur et distributeur avec sa structure Abazon, il a contribué à donner au mouvement sa notoriété. Avec Didier Awadi, il en est même la locomotive en Afrique. Il est compositeur de textes à succès. C’est aux procédés d’écriture de ses chansons que nous nous sommes intéressé.

De Serges Bambara alias Smockey, on sait presque tout du parcours atypique. Comment ce jeune homme a plaqué une carrière émergente et pépère de maître-queux et de rappeur en France pour revenir au Pays de ses pères au moment où tous les jeunes burkinabé rêvent de faire son parcours à rebours. Comment à force de travail, il a réussi à sortir le Rap de l’underground, à l’imposer comme genre musical majeur et à faire de Ouaga, la plaque tournante du Rap africain grâce à son Studio Abazon.

On sait aussi qu’il est celui qui a lancé le concept de Boys Band de vacances avec le Gouvernement pour promouvoir la musique burkinabé dans les night-clubs et cela a donné naissance à des groupes comme le Pouvoir ou la Cour Suprême. On connaît son engagement social, son refus d’emboucher la trompette de la flagornerie et son ironie caustique qui met le doigt sur les plaies de la « mal gouvernance » et des lourdeurs de la tradition.

En somme, on connaît l’homme engagé, l’arrangeur de talent et le critique acerbe ; mais le prosateur, le chercheur de phrases qui écrit des textes très accrocheurs est passé sous silence. D’ailleurs le choix de l’artiste d’apparaître sur son dernier opus, un stylo à la main, pensif devant une feuille blanche, participe, peut-être inconsciemment, du désir de revendiquer un statut de poète du bitume.

La poésie semble, en effet, avoir déserté les sphères aseptisées de l’intelligentsia pour se réfugier dans les textes psalmodiés par les rappeurs et les slameurs. Par quels procédés spécifiques orchestre-t-il son écriture ? Quels sont ses modèles littéraires et politiques ? Et la résolution de l’énigme : pourquoi ce jeune homme, qui dit n’avoir jamais brillé à l’école, se révèle un destin de premier de classe tant tout ce qu’il entreprend est couronné de succès ? Aussi avons-nous pensé que seule une rencontre avec l’homme permettrait d’apporter des réponses à nos interrogations.

Face à Smockey, il y a deux choses qui vous frappent et révèlent, mieux que toute investigation de psy, la personnalité de l’artiste : son regard et sa voix. « Les yeux sont le reflet de l’âme » n’est pas un aphorisme de pure vacuité quand on l’applique à Smockey. Ses yeux sont un foyer incandescent où se consume quelque forte passion quand il parle de son métier ou des hommes qu’il admire. On se dit alors que rien de mesquin ni de bas ne peut traverser ce regard sans être pulvérisé par la flamme qui y brûle. S’y lit aussi une certaine fraternité pour les hommes de toutes conditions.

N’a-t-il pas écrit en exergue sur l’album Zamana : « J’ai foi en ce que l’homme s’améliore » ? Quant à sa voix, elle est puissante. Il est des voix qui naissent dans la gorge, d’autres qui partent du ventre. Celle de Smockey est si enracinée et si solidement arrimée à la moindre parcelle de son corps de Colosse de Rhodes. Elle n’est pas une partie de l’homme, elle est l’homme. De sorte qu’elle le manifeste dans son entièreté.

Ainsi donc, à entendre cette voix, on comprend ses engagements. Smockey est un concentré de volonté et de défi. S’il avait été soldat, prêtre ou sportif, il aurait été conquérant ou fondateur d’Eglise ou chasseur de records. Mais il récuse la casquette de Chef du mouvement Rap. Ni maître ni disciple ; juste homme de devoir habité par la hantise de vivre inutilement.

Smockey a un discours fidèle à ses textes et à ses engagements. Par là, il est différent de beaucoup de rappeurs aux textes très engagés qui manifestent une conscience sociale ou politique très aiguë, mais aux discours si insipides que le soupçon qu’ils n’écriraient pas leurs textes et utiliseraient des nègres, pèse. A quelle source puise-t-il son inspiration ? Smockey avoue peu fréquenter les écrivains africains ; il ne connaît que les classiques étudiés au lycée. Pour les essayistes, il a lu Cheick Anta Diop, mais connaît peu l’œuvre du professeur Ki-Zerbo qu’il admire pourtant.

Son panthéon personnel n’est pas très différent de ceux de sa génération ; celui-ci accueille Thomas Sankara, Public ennemy, Malcolm X, Fidel Castro... Smockey est un créatif très visuel parce que le cinéma influence son écriture. Lui-même est un mordu du cinéma noir hollywoodien des années 30-50 et des films de Tarantino. Ses textes sont des historiettes qui peuvent être visualisées. Le recours au bruitage et aux dialogues dans ses chansons fait que leur mise en clip est très réussie.

On se rappelle le clip de « La part des ténèbres » avec une atmosphère très hitchcockienne qui révolutionna le film musical au Burkina et mit fin au modèle de l’époque qui mettait toujours l’artiste à côté d’un site touristique. Les textes ONG, Carton rouge, Elle avait de Zamana et I-Yamma, Juste 1, Pharma-scie de Code noir sont des scripts qui passent aisément en images.

Pour la thématique, Smockey explique ironiquement dans un de ses textes qu’il ne peut chanter « l’océan bleu, le ciel bleu ou les yeux bleus de Thérèse parce que le ciel est noir de gaz des motos, les yeux de Thérèse sont rougis par la poussière et il n y a encore pas de mer dans [son] quartier ».

Pour dire que son art parle de sa réalité sociale et se veut utile. Quand un thème s’impose à lui d’une façon ou d’une autre, il le porte jusqu’à mûrissement et ne couche rien sur le papier tant qu’il ne trouve pas la musique qui se prêterait à cette thématique. La musique, une fois trouvée, vient la recherche du refrain qui sied à cette musique et enfin la pêche aux couplets qui sertiront parfaitement la bande musicale.

Comme on le voit, ce procès d’écriture est peu courant ; la plupart des rappeurs trouvent d’abord un texte qu’ils habillent musicalement après. C’est un exercice très difficile qui consiste à chercher le mot juste au niveau du sens et de la sonorité, à réussir l’ordonnancement de ces mots dans une phrase qui s’emboîte sans dysharmonie entre deux beats.

Smockey construit ses textes comme un gamin déterminé assemble un puzzle ou un Lego. C’est en cela qu’il y a dans ses textes quelque chose qui rejoint la simplicité des comptines de l’enfance malgré le message fort qui interpelle l’adulte. Ce qui explique que le mélomane fredonne parfois ces refrains sans pour autant partager le message que véhiculent ses textes. Un message de plus en plus altermondialiste avec tous les risques d’enrégimentement qui guettent l’artiste.

Le secret du succès de Smockey se trouve peut-être dans la faculté de l’artiste « de garder dans sa main d’adulte celle de l’enfant qu’on a été », ainsi que le recommandait Cervantès. Et de toucher pour cela en chaque homme malgré sa carapace d’adulte, l’enfant qui s’y cache.

Barry Saidou Alceny

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 12 avril 2007 à 09:21 En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

    Tres bel article. Description realiste et reelle de l’artiste et admirable style du narrateur qui fait montre pertinente de la maitrise de la litterature classique. C’est emouvant de vous lire Monsieur. Chapeau a Vous et a Smockey que j’admire tant.

    • Le 12 avril 2007 à 10:48, par etienne minoungou En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

      bravo !! très bel article.j’admire cette belle plume d’un vrai journaliste culturel.c’est la deuxième fois que je suis frappé par votre manière et l’admirable culture générale que vous avez de parler de ce qui sans doute vous passionne avec clarté et pertinence : les arts.Merci.

    • Le 12 avril 2007 à 12:05, par jean-luc En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

      Faire les éloges de smok parckil est l’un des pioniers du rap burkinabé ok ! mai je trouve que c’est abusé de parler de lui comme s’il etait la meillleure plume du rap burkinabé je suis désolé mais c’est pas vrai ! En tout cas je vois pas trop l’interet de cet article parckil nous apprends rien sauf que smoke na pas lu l’oeuvre de ki zerbo et j’espere que comme pour lui vous allez faire aussi les éloges de bois d’ébene,malcom,smarty,dudhn’j les moins médiatisés mais grands lyricsistes du rap burkinabé

      • Le 12 avril 2007 à 15:10 En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

        le un ,deux ,trois ,votez pour moi tres elementaire.

      • Le 12 avril 2007 à 17:17, par une lectrice En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

        Moi je ne sais pas trop si ce qu’il dit est vrai ou faux mais en tout cas j’ai aimé lire cet article si bien écrit. Je dirais l’artiste c’est plutôt vous ! Vous m’avez presque fait aimer Smoke que je chercherais désormais à bien écouter. chapeau !!!

        • Le 13 avril 2007 à 09:02 En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

          Le burkina a certainement de bons rappeurs, mais indéniablement smokey a les meilleurs textes, titillé je l’admet par smarty. j’ai tous ses albums à part le dernier (distance oblige) et quand je fais écouter les rappeurs burkinabè à mes amis d’autres pays, ils reconnaissent tous qu’il a l meilleur texte, mais que yeleen a les meilleures chansons (texte allié à la musique).Bon vent au rap burkinabè et coup de chapeau à smokey. SMK !

          • Le 21 avril 2007 à 12:35, par Mirko En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

            Amis burkinabés, vos rappeurs sont excellents : Yeleen, Faso Combat, et bien d’autres. Et puis au milieu des ce formidable vivier, apparaît l’OVNI Smockey, un magnifique artiste engagé et poète jusqu’au bout des mots.
            Je vis en Belgique et j’ai plaisir et fierté à faire écouter ce "dérangeur" de bonne conscience qui touche les coeurs, les âmes, l’intelligence et secoue les vieux cocotiers de la pensée universelle.

  • Le 16 avril 2007 à 13:53, par El Boobak 99 En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

    wè smockey c le boss du faso rap, mais a koi est il bon detr meilleur si c ceux ki st a letranger nariv pas a kiffer les derniers sons distance oblige. si on est bon il faut créer des structurs egalement pr faciliter la vie des patriotes a l’etranger. Ni le dernier opus de smockey, faso kombat n’ont été kiffés par des milliers de gars ki en st intéressé, alors cmt voulez vous kg donne mon avis, si c nest parler deux il ya deux ans or ils ont pourtant changer............ Merci a Allflows au moins ki nous aident avec les derniers clips. va sur www.elragomyboobak99.skyblog.com

    • Le 3 mai 2007 à 18:47, par lil’dace En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

      smockey c l meilleur o faso.il fè du vrè rap,pa com ceux ki font de la zig pour fere bouger les seuf.

  • Le 7 mai 2007 à 17:28, par panomnimbo En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

    c’est un bonheur de lire cet article completement à jour pour ce que l’on demande aux critiques, l’enjeu est tres important car il s’agit pour moi de la meilleure évaluation de l’homme Smokey au service des siens et de son job et cela se voit tellement avec le recule curturel de ceux qui cotoient la mixité culturelle pour le progrès. les griots de base ne font pas avancer le schmilblick !!
    merci pour cet article qui reconforte, les integres du faso ne peuvent que soutenir

  • Le 16 juillet 2007 à 14:34, par yassar diallo En réponse à : > Smockey : Un poète du bitume

    j’ais connus smokey sur RFI avec Claudy siar Mais j’ais beaucoup de repect pour lui.
    Si tous nos rappeurs etaient comme lui l’Afrique serait l’eldorado des occidentaux.
    j’aimerais avoir son code noir
    Yassar Diallo Guinée

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