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Le président de la BOAD :"Lorsque l’on produit du coton, c’est pour créer des emplois’’

Publié le vendredi 7 novembre 2003 à 12h16min

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Le président de la BOAD :

Le cours du coton sur le marché mondial connaît une hausse. Cette hausse est due au déficit de la production chinoise.

La campagne passée, les prix avaient connu une baisse importante due à la surabondance créée par les subventions américaines, asiatiques et européennes à leurs producteurs. Le Bénin le Burkina, le Mali, le Tchad se sont battus lors de la réunion ministérielle de Cancun et se battent contre ses subventions et demandent la prise de mesures compensatrices. Est-ce la seule solution ? C’est la question que Sidwaya a posée à M. Yayi Boni, président de la BOAD.

S. : Quelques semaines après l’échec de la conférence de Cancun, la question de la transformation du coton africain est plus que jamais d’actualité. La BOAD a mené une étude sur la transformation du coton en Afrique de l’Ouest. Que peut-on retenir ?

M. Yayi Boni, président de la Banque ouest-africaine de développement (Y.B) :
La BOAD en concertation avec les autres institutions et organes de l’UEMOA se sont senties interpelées par la nature des missions qui nous sont confiées et qui sont des rôles structurants d’aider les Etats à se donner une vision claire de l’espace communautaire. Un espace où seraient assurées la croissance, la prospérité et la prise en compte de la lancinante question de la lutte contre la pauvreté.

Il n’est pas possible de parler de réduction de la pauvreté en mettant de côté la filière cotonnière. Car elle nourrit de 10 à 15 millions de citoyens de l’Union. C’est pourquoi la BOAD et les autres institutions de l’UEMOA ont tenu à jouer leur rôle structurant en aidant les Etats à veiller à une meilleure valorisation de la filière.

Nous avons voulu faire en sorte que l’on trouve une solution aux problèmes des subventions des pays développés à leurs cotonculteurs. Sans cela, la production africaine est appelée à disparaître. Le marché mondial va être inondé par la surabondance de la production, nous assiterons à la baisse des cours, à la sous-rémunération des paysans africains et à la disparition de la production. La prise en compte de la suppression des subventions est fondamentale.

Est-ce qu’aujourd’hui nous avons les moyens d’obliger les Américains et les Européens à y mettre un terme. Nous avons le sentiment que l’Union européenne veut bouger. A défaut de supprimer ces subventions, notre souhait est qu’ils acceptent la mise en place d’un mécanisme de compensation des pertes. Qu’il s’appelle "Stabex’’ ou autre, il est impératif de trouver un mécanisme compensateur qui viendrait renforcer le pouvoir d’achat des cotonculteurs, facteurs de motivation.

En aval, c’est la nécessité de la transformation de notre coton. La seule sous-région au monde aujourd’hui à ne pas pouvoir faire la transformation est notre espace. L’Inde transforme son coton à 100%, l’Australie 140%, le Brésil 100%, l’Ile Maurice.... . Lorsque l’on produit du coton, c’est pour créer des emplois. Nous sommes à la phase du coton-fibre, c’est une évolution. Avant cela, c’était le coton-graine qu’on exportait.

On s’est battu pour soutenir les usines d’égrenage. La BOAD a une créance de l’ordre de plus de 30 milliards sur ces usines, outils industriels, pour accroître leurs capacités. Aujourd’hui, bon an, mal an, on a un millier de tonnes de coton-fibre par an dont on exporte près de 98% après quarante ans d’indépendance ; nous nous devons d’aller plus loin. C’est là où je me félicite du courage des chefs d’Etat qui se sont investis sur la question des subventions et leur impact sur notre production.

Le président Blaise Compaoré, à Genève, à La Havane, à Rio de Janeiro, à New-York, à Tokyo... a porté ce message partout où il est passé. Il nous appartient, nous institutions de traduire ce message en actions. La BOAD a déjà organisé deux ateliers. Le premier a porté sur la nécessité de trouver une réponse à l’impact de la subvention sur la production. Le second atelier a porté sur l’impératif d’aller à la transformation. Deux études ont servi de base aux travaux des ateliers.

S. : Quelles stratégies pour cela ?

M.Y.B.
Nous disposons maintenant d’une stratégie que nous dénommons "agenda sous-régional 2000". Cet agenda comporte entre autres : un fonds de soutien avec pour mission de promouvoir la production ; donner le coton aux investisseurs sans pénaliser le paysan. Le deuxième élément est la création d’un fonds d’investissement sous-régional appelé à régler les problèmes de financement de la transformation du coton sur toute la ligne. Tout investisseur devrait pouvoir trouver dans ce fonds de quoi satisfaire ses attentes.

Le troisième élément est une table ronde sur la filière-coton. Il y a aussi la mise en place d’un programme régional de formation. Les métiers textiles nécessitent des capacités pointues. Dans ce cadre, l’ESITEX de Bamako sera réhabilitée pour former aux différents métiers spécialisés. Nous travaillons enfin sur les questions de normes.

Les marchés américain, européen... exigent des normes et nous y travaillons. Une stratégie de communication qui puisse présenter notre union comme une zone de paix, qui réunit les conditions pour attirer les investisseurs qu’ils soient locaux ou internationaux. Faire comme les pays asiatiques ou l’Ile Maurice qui ont réussi cette phase de transformation.

L’assainissement de l’environnement compris dans la stabilité politique, la paix, les situations fiscales juridique, judiciaire offrent des avantages qui font le bonheur de pays comme l’Ile Maurice. Elle a réussi à transformer son territoire en une zone d’industries textiles. Pour nous, l’Ile Maurice peut constituer un exemple. On peut le faire dans le contexte actuel de la compétition.

Dès lors que le paysan produit du coton, la meilleure manière de valoriser cette production, c’est d’installer en aval des usines textiles. Il s’ensuit la distribution des revenus, la valorisation des pouvoirs d’achat, la création des emplois, l’implication du producteur dans la gestion de la cité. Ceci rendra stable la sous-région, en quête de prospérité.

S. : Quels sont les obstacles à l’émergence d’une industrie textile ?

Y.B. :
Les obstacles existent. Mais il faut une volonté politique qui doit être déclinée en stratégies. Lorsque je rencontre aujourd’hui les chefs d’Etat de l’Union, chacun dit : allons à la transformation. Le président Blaise Compaoré que je viens de rencontrer a insisté là-dessus. Cette volonté politique est fondamentale et nous sommes sur la bonne voie.

Les autres difficultés sont liées aux facteurs de production. Il faut l’électricité moins chère. Beaucoup de pays connaissent les délestages. Il faut y remédier. L’eau est pour l’usine textile ce que le sang est pour l’organisme humain. Il faut régler la question de l’eau.
Notre chance est d’avoir un coton de qualité et le plus compétitif du monde. Nous avons un marché, l’espace UEMOA, 72 millions d’habitants et le marché international pour peu que tout le monde soit sincère.

Le coton que nous produisons est exporté vers l’Asie et nous revient sous forme de bazin et autres lingeries. Après quarante ans d’indépendance, nous devions pouvoir nous prendre en charge. Le marché existe. Le financement est disponible. La BOAD qui est une institution sous-régionale est prête à faire face à tout financement d’usine textile, pour peu qu’elle soit rentable.

Il faut que les investisseurs, les nôtres puissent se décider. Les investisseurs étrangers viennent pour les usines d’égrenage, et après cette phase, que faut-il faire ? Ils peuvent s’associer, plutôt que de dire : nous avons besoin d’une rentabilité immédiate. Nous voulons faire du long terme, nous voulons créer une zone de prospérité où seraient prises en compte les questions fondamentales de réduction de la pauvreté. Le financement est disponible et nous faisons la promotion d’un fonds d’investissement dédié au coton.
Nous allons organiser une table ronde où tous les partenaires au développement vont accepter de prendre en charge la filière coton.

L’échec de Cancun constitue-t-il alors une chance ?

M. Y.B. : Sur ce plan, c’est une chance parce que ça va accélérer notre degré de prise de conscience. Depuis Cancun, la BOAD est assaillie. On nous dit Monsieur le président, il faut qu’on aille dans la direction de la transformation de notre coton. Sur un autre plan, je refuse de dire que c’est une chance, car il faut préserver la production. S’il n’y a pas de production, que va t-on transformer ?

Nous avons prévu une réunion à Lomé pour faire la restitution de Cancun et se poser la question, qu’est-ce qu’on fait ? Il y a ensuite la nécessité de maintenir la pression sur la communauté internationale pour dire qu’il est impératif qu’on trouve une solution à la question du coton.

Entretien réalisé par Tiergou P. DABIRE
(Tiergou@hotmail.com )
Sidwaya

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