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André Bayala, directeur général de la SONAR : "L’assurance est la gestion rationnelle de la solidarité africaine"

Publié le vendredi 30 mars 2007 à 07h25min

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André Bayala

Pour certains Burkinabè, l’assurance est un produit de luxe réservé à une certaine élite. Mais André Bayala, le directeur général de la Société nationale d’assurance et de réassurance (SONAR) n’est pas de cet avis : "Contracter une assurance est une question de responsabilité", dit-il.

Le directeur général de la SONAR estime que l’assurance n’est rien d’autre qu’une gestion rationnelle de la solidarité africaine. Dans cet entretien, il parle également de la création des premières compagnies d’assurance dans notre pays, la procédure de dédommagement des sinistrés, les types d’assurances...

Sidwaya (S.) : Comment fonctionne le principe de l’assurance ?

André BAYALA (A.B.), directeur général de la SONAR : L’assurance est née parce que les hommes courent des risques. Et le jour où le risque se produit, on n’est jamais sûr d’être en mesure d’y faire face. L’assurance consiste à créer une communauté au sein de laquelle on fait des cotisations pour que le moment venu, cette masse de cotisations puisse servir à assister la personne qui en a besoin. En fait, l’assurance n’est rien d’autre qu’une gestion rationnelle de la solidarité africaine. Si je sors par exemple avec ma voiture, je suis susceptible de renverser quelqu’un dans la rue.

Si je n’arrive pas à éviter l’accident, il faut limiter au moins les conséquences économiques de l’accident. D’où l’importance de l’assurance. Ma maison peut faire l’objet d’un incendie, pourtant, il n’est pas évident qu’au moment de l’incendie, j’ai suffisamment de moyens pour la reconstruire. Alors je souscris une assurance pour que la communauté des souscripteurs m’aide à remettre ma maison sur pied en cas d’incendie. Le principe de l’assurance est un principe de prévoyance. On sait qu’on pourrait avoir des problèmes à un moment ou à un autre et on s’apprête pour y faire face.

S. : De quelle année date la création des premières compagnies d’assurance du Burkina Faso ?

A.B. : La SONAR est la première compagnie d’assurance créée par l’Etat en 1974 en reprenant le portefeuille des agents généraux européens qui opéraient sur notre territoire. Il s’agit essentiellement de l’UAP qui avait une représentation ici, du GAN, des AGF, des mutuelles du Mans, du Groupement Français des assurances (GFA).

Ce sont ces compagnies qui opéraient dans notre pays avant la création de la SONAR, en accompagnant leurs clients européens qui étaient en Afrique. En 1974, l’Etat a créé une société d’économie mixte en reprenant le portefeuille de tous ces opérateurs. Dans cette nouvelle société, la part de l’Etat s’élevait à 51% contre 49% pour les opérateurs.

S. : Comment se présente de nos jours le milieu des assurances au Burkina Faso ?

A.B. : Aujourd’hui, le milieu des assurances s’est énormément agrandi. Nous sommes six (6) groupes d’opérateurs dont six sociétés IARD (Incendie-Accident-Risques divers) encore appelées "sociétés dommages" et quatre (4) "sociétés vie". Les "sociétés dommages" sont aussi appelées sociétés accidents, dont l’objet essentiel est de réparer les dégâts causés aux personnes et à leurs biens.
Les "sociétés vie", quant à elles, opèrent dans des domaines liés à la vie humaine.

S. : Comment expliquez-vous le fait qu’il faille souvent attendre des années après des sinistres avant de bénéficier du dédommagement de l’assurance ?

A.B. : Vous me l’apprenez ! A la SONAR, on n’attend pas des années avant de bénéficier d’une indemnisation. Il y a des gens qui, dans le même mois de leurs accidents, sont indemnisés.
Mais quand l’indemnisation met du temps à venir, ce n’est pas toujours l’assureur qui est en faute.

Lorsqu’une maison prend feu et que le propriétaire est assuré, il faut bien le dédommager. Nous avons dans ce cas, besoin de nous assurer que celui-ci a souscrit une assurance incendie, qu’il s’agit bien de sa maison qui a brûlé afin d’évaluer les dégâts. Dans une telle situation, si le sinistré a tous ses documents en règle, le problème sera résolu en très peu de temps. C’est le cas également pour les accidents de la circulation. Lorsque vous heurtez un usager et que vous abîmez son véhicule, il vous suffit de nous transmettre le constat de police.

Si vous êtes assuré pour votre responsabilité, la personne sera indemnisée une fois établi le montant réel du dommage subi. Si lui-même est assuré en dommages par exemple, sans même attendre de savoir si vous êtes responsable de l’accident ou pas, il sera indemnisé. En réalité, la rapidité de l’indemnisation est fonction de plusieurs facteurs.

Lorsqu’il s’agit de dommages matériels, ça peut aller très vite grâce à une franche et bonne coopération du client pour évaluer les dégâts. En matière de blessures corporelles, le problème est plus compliqué. Dans un premier temps, on va seulement rembourser les soins et l’hospitalisation. L’indemnisation de l’ensemble des préjudices subis interviendra après la guérison de l’accidenté.

Or, cette guérison peut prendre quelques mois, voire plusieurs années. Par conséquent, il peut y avoir une longue période d’attente avant le versement des indemnisations.

S. : Comment expliquez-vous le fait que certains avocats empochent souvent le gain de l’assurance au détriment de la victime ?

A.B. : Je ne pense pas que cela soit un phénomène général chez tous les avocats. Il arrive effectivement que certains avocats détournent les indemnités destinées aux victimes, de même qu’il peut arriver qu’un gestionnaire de fonds détourne de l’argent. Dans toute société, il y a un certain nombre d’impondérables qui tient du caractère de certaines personnes. Mais je sais qu’au niveau du barreau, ils essaient de faire en sorte que la profession de l’avocat soit revalorisée surtout sur le plan de l’honnêteté et de la rigueur.

Le problème n’est pas tant qu’il y ait des brebis galeuses dans une profession, le plus important c’est de voir comment cette profession s’organise pour faire face à cette question.
On aimerait que tout le monde soit honnête, mais il faut prendre les hommes tels qu’ils sont et essayer de limiter les dégâts.

S. : Un particulier, à travers son agence "secours voyageurs" s’était proposé d’assurer les voyageurs dans les différentes gares. Pourquoi cette idée a-t-elle été combattue par les compagnies d’assurance ?

A. B. : L’assurance est une profession extrêmement réglementée. Un assureur avant d’opérer doit avoir un agrément. Cet agrément est délivré par l’Etat burkinabè sur la base d’un avis de la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA) dont le siège est à Libreville, au Gabon. Toute personne désireuse de faire de l’assurance doit constituer un dossier conformément aux exigences de la réglementation.

Lesquelles exigences sont consignées dans un code que l’on appelle le code CIMA. Le dossier doit être ensuite transmis au ministère des Finances qui l’étudie et l’envoie à Libreville auprès de la Commission régionale de contrôle des assurances. La commission, à son tour, réunit ses douze (12) membres et convoque le promoteur pour examiner le dossier sur le plan technique, réglementaire et sur le plan de l’intérêt des assurés. C’est au terme de toutes ces procédures que l’agrément est accordé.

Ce n’est donc pas parce que je sais que les voyageurs encourent des risques que je vais m’acheter une table, m’installer dans une gare et commencer à percevoir des primes que je n’ai pas étudiées.
Avant d’arrêter le prix d’un risque, il faut avoir un minimum de formation, il faut être en mesure de savoir faire des calculs actuariels.

Qu’est-ce qui vous dit que la somme de cent (100) francs CFA qui était perçue sur chaque voyageur suffirait le moment venu à indemniser chacun d’eux ? Un assureur n’est pas maître de la gestion des fonds que lui versent les clients. Nous n’avons pas le droit de placer cet argent n’importe où. Le code CIMA est très clair : l’assureur ne peut mettre que X% en immobilier, X% en actions, X% en obligations et X% dans les banques. Et lorsqu’on excède ces pourcentages prédéfinis, vous êtes sanctionné en vertu de ce que nous appelons la règle de la dispersion. Si vous avez tout votre argent dans une banque par exemple, et qu’elle tombe en faillite, votre entreprise s’écroule.

l’argent que nous collectons ne nous appartient pas. C’est une cagnotte de l’ensemble des assurés qui doit être gérée avec rigueur pour que le jour du sinistre, nous puissions procéder aux indemnisations. Notre concitoyen qui a d’excellentes idées et qui s’est installé dans une gare ne connaît pas tout cela. Si on le laissait faire, à un moment donné, il aura une masse d’argent et il se croira riche. Il est capable d’en faire ce qu’il veut étant donné qu’il n’a pas d’agrément et que par conséquent, nul ne peut le contrôler.

Vous voyez les illusions de ces pauvres voyageurs qui, le moment venu se croiraient assurés alors qu’ils ne le seraient pas ! C’est bon d’avoir de bonnes idées, mais il faut les appliquer dans le cadre de la réglementation en vigueur dans notre pays.

S. : Lors d’une assemblée générale de la FANAF, le ministre burkinabè des Finances, sous un ton ironique a fait observer que lors d’une signature d’un contrat d’assurance, il faut plutôt s’intéresser aux écritures en petits caractères. Est-ce à dire que les contrats d’assurance sont en quelque sorte un marché de dupe ?

A.B. : En réalité, c’est une anecdote. Tout le monde dit que les assureurs rédigent leurs contrats en tous petits caractères pour éviter que les clients ne perçoivent clairement certaines clauses. Comme l’assureur connaît bien ce qu’il a écrit, il va ressortir après un sinistre, des exceptions afin de ne pas dédommager le client comme il se doit.

C’est une anecdote dépassée ! Depuis l’entrée en vigueur du code CIMA, obligation est faite aux assureurs de rédiger leurs contrats en caractères apparents et les exclusions doivent être en caractères très apparents. Quel que soit le caractère utilisé, une chose est certaine : le client a droit à l’information. Il peut, s’il ne comprend pas, demander à l’assureur de lui expliquer les termes du contrat.

Nous avons une obligation d’information. Le problème vient du fait que les clients n’ont souvent pas le temps de lire eux-mêmes le contrat. Ils ont juste besoin d’une attestation pour montrer aux policiers qu’ils sont en règle. Il y a plusieurs manières de s’assurer et il faut que les gens prennent le temps de se faire expliquer toutes les clauses de leur contrat. Les contrats d’assurance sont très précis et c’est le client qui choisit contre quel risque il veut s’assurer.

Pour le cas de la responsabilité civile automobile, un client qui souscrit une telle assurance et qui, manque de pot, fait un accident qui endommage sa voiture et celle de l’autre, n’aura pas gain de cause pour ce qui concerne les réparations de sa propre voiture. En effet, lorsque celui-ci ira voir son assureur, on lui fera savoir qu’il a contracté une assurance qui couvre sa responsabilité civile. Cela veut dire en clair que celui à qui vous avez causé les dommages aura des réparations mais pas vous-même. C’est ainsi que les assureurs sont taxés de voleurs. Les clients doivent bien spécifier les contrats auxquels ils veulent souscrire.

Si le client veut par exemple couvrir les dégâts qu’il subit, il y a d’autres types de produits pour cela, parmi lesquels un qui est accessible à tout le monde et que nous appelons "Top Auto Moto". Ce produit permet de choisir une fourchette de montant de réparation en vous disant par exemple que vous êtes susceptible d’endommager votre voiture.

Vous pouvez par exemple demander que jusqu’à concurrence de 500 000 à un million de FCFA, la SONAR vous donne un coup de main. En ce moment, le problème de votre dédommagement ne se pose plus. Si vous êtes assuré en "Top Auto Moto" , en cas d’accident, que vous ayez tort ou raison, ce n’est pas notre problème. Nous vous couvrons. Par contre, si vous n’êtes assuré qu’en responsabilité civile, ne demandez pas qu’on répare les dégâts que vous même avez subis.

S. : Comment se fait-il que l’argent déposé par un particulier en banque puisse être saisi contrairement à l’argent qui est confié à une société d’assurance ?

A.B. : "L’assurance vie" est insaisissable. C’est une cotisation que vous avez faite pour vos vieux jours. Tant que vous êtes assuré à la SONAR-VIE, votre banque n’a pas le droit, ni un autre créancier de venir saisir cela, même si vous lui devez de l’argent. Elle ne devient saisissable que le jour où nous vous la versons et que vous la déposez dans une banque. Tant que vous cotisez, c’est de la prévoyance qui est protégée par la loi. L’assurance vie, voyez-vous, est très importante pour une économie. C’est une épargne qui est constituée pour le long terme. Pendant qu’elle est disponible chez l’assureur, celui-ci la place dans une banque. La banque travaille avec cet argent et finance l’économie.

L’assurance vie est le moyen le plus important de collecter de l’épargne pour le financement de l’économie. Le niveau de développement de l’assurance vie est fonction du niveau de développement d’un pays. Pour un pays comme le Burkina Faso, la masse totale de l’assurance vie, notamment le chiffre d’affaires de la vie est de l’ordre de 18% à 20% du total du chiffre d’affaires des assurances.

Ces mêmes ratios au niveau de la France, montrent que le chiffre d’affaires de l’assurance vie représente 70% du total du chiffre d’affaires des assurances. Ici les gens n’ont pas les moyens de s’assurer pour leurs vieux jours. Je pense que l’Etat a compris cela et conscient de l’importance de l’assurance vie pour l’économie, il a pris un certain nombre de mesures fiscales comme par exemple la défiscalisation de la prime payée en assurance vie et celle de l’indemnité de fin de carrière.

Chaque entreprise a le devoir de verser une indemnité de fin de carrière à chaque employé qui va à la retraite. Malheureusement, beaucoup de sociétés connaissent cette obligation, mais ne mettent pas l’argent de côté pour cela. La conséquence c’est qu’en cas de faillite de la société, les travailleurs ont des droits, mais qui restent théoriques puisqu’il n’y a pas d’argent pour les payer. Donc pour permettre aux sociétés de faire face à ces obligations importantes, l’Etat défiscalise l’indemnité de fin de carrière et donc les encourage à la transférer chez un assureur qui va la gérer dans les règles de l’art.

Le jour du départ à la retraite, on calcule le montant dû par l’assurance qu’on reverse à l’employé. Cette décision est déjà en vigueur dans certains pays voisins et c’est bien que le Burkina Faso suive leur exemple.

S. : On a souvent l’impression que les sociétés d’assurance s’entendent pour gruger le consommateur...

A.B. : Je ne connais pas un domaine plus concurrentiel que celui de l’assurance. Etre de mèche, c’est s’entendre sur les tarifs. Or, cela n’est pas possible. Même dans les tarifs réglementés en valeurs absolues, on trouve des sociétés qui proposent moins. La question du tarif en assurance est très importante.

Au moment où un client achète une assurance, l’assureur ne sait pas combien il va débourser en cas de sinistre pour le dédommager. Et s’il devait y avoir sinistres à plusieurs reprises, pendant la période que couvre l’assurance contractée, c’est l’assureur qui supporte le coût. Dans un tel cas de figure, pour une assurance contractée à 50 000 F CFA, l’assureur peut débourser plusieurs millions de francs CFA.

Nous avons connu des cas où la société d’assurance a déboursé jusqu’à trois cent (300) millions de F CFA pour faire face à des sinistres subis par un assuré qui a contracté une assurance de moins de 100 mille francs CFA.
Si l’assureur n’a pas suffisamment de compétences et n’est pas suffisamment expérimenté pour disposer de statistiques qui lui permettent de savoir que de tels sinistres interviennent à telles fréquences, il peut se retrouver face à des surprises.

La tentation d’avoir des clients peut amener un assureur à diminuer ses coûts, mais s’il n’a pas un « matelas financier » consistant, avec quoi va-t-il indemniser ses clients ? C’est pour cela qu’il ne faut pas juger un assureur sur le niveau bas ou élevé de ses tarifs. Il faut le juger plutôt sur sa promptitude à gérer les sinistres et sur sa surface financière. Dans le secteur, il y a effectivement une concurrence débridée.

Cependant, les ententes auxquelles vous faites allusion n’existent pas entre nous. L’entente qui existe entre nous consiste à faire en sorte que l’assurance s’installe dans nos cultures. Il faut que les populations sachent qu’il existe plusieurs types d’assurances qui les protègent eux-mêmes, leurs familles et leurs biens. C’est quand la masse des assurables sera très importante que le prix de l’assurance va baisser. C’est une question d’économie d’échelle.

S. : Comment expliquez-vous le boom dans le secteur de l’assurance, malgré une population faiblement assurée ?

A.B. : Quand on est à l’extérieur de la profession, on pense en effet que les sociétés d’assurance sont riches. C’est vrai qu’un assureur qui gère bien doit avoir de la trésorerie. Mais cette trésorerie ne lui appartient pas. Elle appartient à la masse des assurés. Par conséquent, elle doit être bien gérée pour que le jour du sinistre, l’assureur puisse dédommager les victimes. Beaucoup de personnes se sont précipitées dans le secteur pensant y gagner facilement de l’argent. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que c’est un secteur très contrôlé. Je suis membre de la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA) depuis cinq (5) ans.

Tous les trois (3) mois, nous nous réunissons pour examiner la situation des compagnies d’assurance sur la base d’un rapport de contrôle dressé par les commissaires contrôleurs de la CIMA qui ont un statut de fonctionnaire international. Pour le contrôle d’une compagnie d’assurance, on procède à une comparaison entre la masse de ses actifs et celle de ses engagements. Si les engagements sont supérieurs aux actifs, on vous intime un ordre de recapitalisation immédiate. Nous partons du principe selon lequel toute compagnie d’assurance peut cesser ses activités à tout moment.

Une compagnie d’assurance bien gérée doit être capable à tout moment, de faire face au remboursement de ses assurés. Si tel n’est pas le cas, on oblige la compagnie à une recapitalisation. Au cas où la compagnie est incapable de procéder à une recapitalisation, on met en place une administration provisoire. Et la société sera liquidée si l’administration provisoire n’arrive pas à redresser la barre.

Aujourd’hui, bon nombre de compagnies d’assurance en Afrique (aucun au Burkina Faso), sont sous administration provisoire. Cette apparence de richesse que les gens croient voir dans les compagnies d’assurance peut être effectivement illusoire. Une société d’assurance ne peut vraiment dire qu’elle est riche qu’après des années d’accumulation. La SONAR n’est pas riche, elle a des actifs suffisants pour tenir ses engagements. C’est cela qu’on demande à une compagnie d’assurance.

A la SONAR, nous avons des actifs suffisants parce qu’au cours de notre existence, nous avons toujours choisi l’option de la prudence et de la responsabilité.

S. : La réassurance reste de nos jours un domaine toujours aux mains des grandes compagnies internationales. Que faire pour que les compagnies nationales puissent s’imposer dans ce domaine ?

A.B : Une compagnie d’assurance doit être bien capitalisée. Il lui faut avoir suffisamment d’actifs pour faire face à ses engagements. Pour créer une compagnie d’assurance, il faut au minimum cinq cent (500) millions de F CFA. Cette somme est jugée insuffisante de nos jours. Une réflexion est en cours pour voir dans quelle mesure cette somme peut être portée à un (1) ou deux (2) milliards de FCFA. Une compagnie d’assurance dans nos pays a comme cadre d’activité un seul pays. Alors qu’une compagnie de réassurance doit avoir la capacité de dépasser le cadre d’un seul pays.

Son champ d’action s’étend partout dans le monde. En plus, les critères demandés à une telle compagnie sont plus importants. Pour être crédible au niveau international, il faut passer par la notation internationale. Il existe des agences de notation qui viennent vérifier comment la compagnie est gérée, qu’est-ce qu’elle a comme actif, quelles sont ses capacités à faire face à ses engagements, etc. Tout cela demande énormément d’argent.

C’est la raison pour laquelle, les Etats africains ont décidé de créer des compagnies de réassurance en unissant leurs forces. Deux (2) compagnies ont alors été créées. La CICARE qui regroupe tous les pays francophones et dont le siège social est à Lomé, au Togo. La deuxième compagnie est AFRICARE (Société africaine de réassurance) qui regroupe une quarantaine de pays africains et plus de cent (100) compagnies d’assurance ; son siège social est à Lagos, au Nigéria.

Aujourd’hui, ces deux compagnies évoluent dans le monde entier. Je crois que la question pour un assureur n’est pas tant de devenir un réassureur, que d’être un bon assureur et d’avoir un bon réassureur qui intervient pour l’aider à réparer les sinistres quand ils se produisent.
Prenons le cas par exemple de la réassurance du marché Rood Woko. Les réassureurs avaient attiré l’attention sur le caractère non assurable de Rood Woko.

Mais, on n’a pas voulu nous suivre. On a même voulu nous marcher dessus en disant que c’est nous qui demandions qu’on déguerpisse le marché. Nous, nous savions que le moindre sinistre dans le marché allait causer des dégâts énormes. Nous avons été agréablement surpris que le sinistre n’ait pas fait de victimes humaines. L’organisation était telle que même l’accès aux bouches d’incendie était impossible.

De même, les voies d’accès des sapeurs- pompiers étaient obstruées. Pour un assureur, si le risque devient certain, ce n’est plus un risque assurable. Si la SONAR décide d’assurer des entreprises comme la SONABEL, la SOFITEX... à elle toute seule, sous le prétexte que la prime est élevée, le jour où surviendrait un sinistre de grande importance, c’est sa faillite. L’argent qu’elle croyait avoir va être réinjecté en réparation du sinistre.

Pour éviter un tel scénario catastrophe, nous dispersons les risques. Une partie sera donnée à nos concurrents et ce qui dépasse nos fonds propres, nous le renvoyons aux réassureurs, lesquels ont une surface financière beaucoup plus importante. La SONAR a déjà payé des sinistres de plus d’un milliard sans pour autant être déstabilisée.

S. : A côté des compagnies d’assurance, il y a des sociétés qui font du courtage en assurance. Quels sont les rapports entre les sociétés d’assurance et les courtiers ?

A.B. : Le courtier est un commerçant dont la profession consiste à faire de l’intermédiation entre la société d’assurance et le client. Il discute avec le client, en fonction de son secteur d’activités, des risques qu’il encoure. Ensuite, il lui conseille un assureur à même de lui apporter la meilleure couverture possible.
En cas de sinistre, le courtier assiste le client pour négocier les indemnités auprès de l’assureur.

S. : Les "France au revoir" sont des voitures généralement jugées défaillantes en Europe. Pourquoi au Burkina Faso acceptez-vous d’assurer ces véhicules ?

A.B. : A partir du moment où ces véhicules sont en circulation et qu’ils sont susceptibles de créer des dégâts, il vaut mieux protéger les populations.
Après 5 ans d’âge, vous ne pouvez plus contracter une assurance tous risques pour votre automobile. C’est pour cette raison que la SONAR a mis en place un produit appelé "Top auto moto". C’est un produit intermédiaire entre la simple responsabilité civile et l’assurance dommage qu’on appelle communément tous risques.

La "Top auto moto" permet au contractant de demander à la SONAR une couverture dont il fixe le montant. Il peut par exemple souhaiter que la SONAR intervienne à hauteur de 200 000, 300 000, un million, deux millions, voire trois millions de francs CFA en cas d’accident pour supporter les frais.

S. : Qu’est-ce qui explique le fait que depuis un certain temps les sociétés d’assurance se réorganisent en deux volets à savoir le volet vie et le volet incendie, accident, risques divers (IARD) ?

A.B. : C’est le principe de la bonne gestion qui commande ces ajustements. L’assurance dommage ou l’assurance IARD couvre les dégâts matériels et les blessures corporelles. "L’assurance vie" est liée à la vie humaine. Si vous mélangez les questions d’accidents à celles d’épargne, de prévoyance et autres, la tentation peut être grande d’utiliser les économies des clients pour régler les sinistres matériels. Et cette facilité peut vous amener à ne plus accorder l’attention et la rigueur qu’il faut avoir pour une bonne gestion.
Pour éviter cela, le code CIMA, entré en vigueur en 1995, a décidé qu’il faille séparer les deux (2) entités à savoir l’assurance vie et l’assurance IARD.

S. : En tant que responsable d’une société d’assurance, membre de plusieurs structures régionales, internationales, qu’est-ce qui doit être entrepris par les Etats africains et par les populations pour que l’assurance joue pleinement son rôle dans le développement du pays ?

A.B. : Les assureurs, à mon avis, doivent mieux expliquer leur profession. C’est une profession très noble qui organise la solidarité. Avant, en cas de malheur, on pouvait compter sur sa famille et ses connaissances ou se remettre à Dieu. A présent, la situation est tout autre. Tout le monde a des problèmes. C’est en cela que les assureurs ont un rôle à jouer dans le sens de venir en aide aux populations.

Mais cela n’est pas suffisant. Les populations ont également besoin du concours de l’Etat qui a un devoir de protection du citoyen. Connaissant l’intérêt de l’assurance dans la protection du citoyen, l’Etat intervient dans le secteur pour donner des orientations à suivre.

La responsabilité civile par exemple est une recommandation de l’Etat. Mais aujourd’hui, tout le monde reconnaît l’importance de cette assurance
L’Etat a estimé également dans les années 1990 que, lorsqu’on importe des marchandises au Burkina Faso, il faut que l’assurance soit prise au Burkina Faso. Cette année, une réglementation sera mise en place pour exiger que les gros chantiers soient assurés. Il faut bien que les personnes qui y travaillent soient protégées en cas d’accident.

Toutes ces mesures donnent de la matière aux assureurs. Au Burkina Faso, la prime d’assurance par tête d’habitant est de l’ordre de 1500 et 2000 F CFA.
Dans les pays développés, cela se chiffre à un, voire deux millions de F CFA par tête à cause des obligations de droits pour l’assurance. Il ne viendra à l’idée de personne dans les pays développés de ne pas assurer sa maison, sa famille, sa responsabilité...

Dans le processus de développement du pays, les assureurs, l’Etat, les populations,... chacun a un rôle à jouer. Les populations doivent jouer leurs rôles en contractant des assurances. A tout instant, on court des risques. Il faut donc mettre toutes les chances de son côté afin de ne pas se retrouver dans une situation sans issue.

S. : Quel est le poids de la SONAR sur le marché de l’assurance au Burkina Faso ?

A. B. : La SONAR est la première compagnie d’assurance au Burkina Faso sur plusieurs plans : ancienneté, chiffre d’affaires, actifs (montant des acquis et des provisions techniques), et personnel formé en assurance. Aujourd’hui, la SONAR représente 38% du marché de l’assurance au Burkina Faso.

Le pays compte une dizaine de compagnies d’assurance. Au niveau de l’IARD, on terminera cette année avec plus de 4 milliards de F CFA comme chiffre d’affaires, contre 1,4 milliard de F CFA au niveau de la vie. Ces chiffres font suite à un dégraissage volontaire que nous avons entrepris pour supprimer toutes les non valeurs, sans quoi, notre chiffre d’affaires serait plus élevé.

S. : Quel message avez-vous à l’endroit de ceux qui sont encore sceptiques quant à la nécessité de contracter une assurance ?

A. B. : A tous ceux qui n’ont pas encore perçu la nécessité de contracter une assurance, je dis ceci : contracter une assurance est une question de responsabilité. Il ne s’agit pas de la responsabilité des dommages, mais de la responsabilité des charges que nous avons pour nous-mêmes et pour notre famille. Ces différentes responsabilités peuvent se gérer à l’avance en contractant une assurance. Et il faut le faire. Les gens pensent très souvent que l’assurance coûte cher. Ce n’est pas vrai ! L’assurance est un produit que l’on choisi. C’est pour cela qu’il est difficile de comparer les prix de deux (2) compagnies d’assurance.

Les prix sont fonction des garanties qui sont proposées. En plus de cela, il y a la question de la prévoyance. Il faut mettre quelque chose de côté pour sa retraite par exemple. L’assureur a une capacité de gestion en raison de la masse d’argent collectée qui lui permet d’avoir auprès du système bancaire et dans le domaine des affaires, des opportunités de placement pour les sommes d’argent que vous lui confiez pour votre retraite. Donc en contractant une assurance retraite, le client n’aura pas une rupture aussi dramatique que cela entre sa vie active et celle de retraité. Il ne faut pas attendre d’être riche avant de s’assurer.

Il ne faut pas non plus attendre d’avoir un sinistre avant de s’assurer. Sachant que les risques existent, le mieux c’est de s’informer auprès des professionnels et de prendre des décisions en toute connaissance de cause, plutôt que de rester dans son coin sous le prétexte que l’assurance coûte cher.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Jolivet Emmaüs SIDIBE
Hamadou TOURE

Sidwaya

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