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Filière riz burkinabè : Le cri de cœur d’un acteur

Publié le jeudi 29 mars 2007 à 07h33min

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S’il y a une filière qui subit les conséquences négatives de la libéralisation du marché, c’est celle du riz national. La politique incitative et encourageante mise en place par le ministère de l’Agriculture a permis à nos paysans de jeter leur dévolu sur cette filière avec des résultats probants.

A cela quand s’ajoute l’aménagement de périmètres irrigués, on a bon espoir que le Burkina pourra à court terme s’auto suffire. Mais, le hic, c’est que l’invasion (le mot est faible) du marché par toutes sortes de riz venus de l’extérieur ne donne le sourire ni aux producteurs encore moins aux commerçants.

Il va donc falloir prendre des mesures rigoureuses pour sécuriser la filière et amener les Burkinabè à consommer leur riz, le riz national. C’est la conviction, pour ne pas dire le cri de cœur de M. OUEDRAOGO Ousmane, commerçant, qui ne vend que le riz national.

. Ousmane OUEDRAOGO vend uniquement le riz national. Sa boutique est située à la rue du commerce à Dapoya en face de la gare STGF. Pour un commerçant qui ne cherche que le profit cela peut paraître paradoxal dans la mesure où il a la possibilité comme la majorité des autres commerçants de vendre les autres riz, c’est-à-dire le riz venu de l’extérieur. Mais pourquoi M. OUEDRAOGO a choisi de vendre uniquement le riz national ? « Je pense que c’est pour encourager et aider nos paysans, sinon j’ai aussi la possibilité de vendre autres riz. Pour moi, il faut que l’on consomme à 100% notre riz, c’est pourquoi, je refuse de vendre les autres riz », déclare M. OUEDRAOGO.

Mais hélas, le constat est que les gens préfèrent se tourner vers le riz venu de l’extérieur qu’ils trouvent moins cher que celui produit sur place. Pour M. OUEDRAOGO, ce constat est exact, mais ce qu’on oublie ou qu’on fait semblant d’oublier, c’est que le riz venu de l’extérieur est de qualité douteuse qui peut avoir à terme des conséquences sur la santé de l’homme « en général, c’est du riz stocké pendant 5,6, voire plus de 10 ans et ces pays sont souvent obligés de renouveler ce stock.

On vide ce riz pour renouveler et c’est ce riz qu’on nous amène ici. Donc on ne saurait parler de qualité. Et ceux qui consomment ce riz savent, ils le savent très bien. Souvent dans ce riz, on voit des insectes et à cela si on ajoute les produits qu’on y met pour la conservation, on peut affirmer que ce n’est pas du riz de bonne qualité ».
Ceux qui consomment le riz venu de l’extérieur ont-ils donc décidé de « brader » leur santé ? Pas si sûr, dans la mesure où le riz national semble être plus cher, donc pas à la portée de tous.

Pauvreté oblige, on préfère donc ce qui apparaît comme moins cher.
« Le problème rencontré quand on vend le riz national, c’est le prix.

Les gens veulent bien le consommer, mais ils trouvent que c’est plus cher. Sur le marché, on peut avoir le riz de 25kg venu de l’extérieur à 6 000F et peut être un peu plus. Mais chez nous le riz national nous vendons le sac de 25kg à 7 000F, voire 7 500F... Ce que les gens ne savent pas c’est que un riz venu de l’extérieur s’il a moins de 5 ans, il sera plus cher que le riz national. C’est parce que le riz venu de l’extérieur est vieux (souvent plus de 10 ans) qu’il est moins cher. Et ceux qui le vendent le savent », reconnaît M. OUEDRAOGO.

Dans tous les cas, on remarque qu’en général la différence de prix entre le riz burkinabè et le riz venu de l’extérieur pour le 25kg oscille entre 1 000F et 1 500F CFA. Ce n’est pas peu. Mais est-ce pourtant qu’il faille hypothéquer notre santé en consommant du riz de qualité est douteuse ?

En principe, pour notre santé, le choix est clair c’est pourquoi, des mesures idoines doivent être prises. Et comme d’habitude on ne peut qu’interpeller l’Etat (ministère de l’Agriculture et ministère de Commerce). Quant aux consommateurs, des campagnes d’information et de sensibilisation s’imposent. Mais M. OUEDRAOGO a son idée : « Ce que je peux dire aux consommateurs, c’est que le riz national n’a pas de problème sur le plan santé. Ces dernières années les autorités font des efforts mais c’est pas assez. Il faut que l’Etat pense d’abord à financer d’une manière ou d’une autre le coût de production du riz national.

Les intrants coûtent très chers. Une tonne d’engrais vaut 300 000 FCFA. Les paysans ne s’en sortent donc pas. Il faut donc rendre le coût de production moins cher. Pour nous commerçants, on a des problèmes pour avoir des crédits en banque.

Enfin, il faut que l’Etat encourage les gens à consommer le riz national. Par exemple pendant les séminaires, les colloques, au lieu de préparer le riz venu de l’extérieur, l’Etat peut exiger le riz national. Si l’Etat veut, il peut changer la situation pour que les gens consomment le riz national... ».

Si ces dernières années, l’Etat encourage la production du riz à travers plusieurs initiatives, il doit savoir et il le sait, qu’après la production, il y a aussi la commercialisation. Pour ne pas décourager ceux qui produisent, il est important de revoir la donne en encourageant la consommation locale.

Rien ne sert de produire s’il n’y a pas de consommateurs : Il ne sert aussi à rien de récompenser les meilleurs producteurs de riz national si ceux-ci savent que leurs productions subiront les dures réalités du marché national de riz, marquées par la concurrence déloyale du riz importé.
On le sait, annuellement, le Burkina Faso importe du riz pour une valeur estimée à près de 30 milliards de FCFA. Ce qui veut dire qu’il y a déficit, donc il faut encourager la production nationale.

Mais, si cette « maigre » production nationale est délaissée au profit du riz venu de l’extérieur comment voulez-vous que les producteurs aient le courage et l’abnégation de continuer à produire, d’où le cri de cœur justifié de M. OUEDRAOGO Ousmane. Le comité interprofessionnel du riz du Burkina (CIR-B) et l’observatoire du riz du Burkina doivent se réveiller pour mener le combat de la consommation du riz national.

« L’élargissement des opportunités de créations de richesses », étant un des grands axes du programme du président du Faso, nul doute que les problèmes que rencontre la filière riz national trouveront des solutions, si tant est que l’agriculture reste le secteur dominant de l’activité économique nationale.

Par Ben Alex BEOGO

L’Opinion

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