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Culture maraîchère à Ouahigouya : Finie la vente au rabais de la production !

Publié le vendredi 23 mars 2007 à 07h13min

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La culture maraîchère est pratiquée par une bonne partie de la population à Ouahigouya. Elle contribue en partie à la sécurité alimentaire et à la relance de l’économie locale.

Ces dernières années, les maraîchers autour de leurs associations et groupements, pour mieux rentabiliser la filière, multiplient les initiatives pour conquérir le marché extérieur. En témoigne l’organisation de la journée des maraîchers les 17 et 18 mars derniers sous le thème : « Améliorer les performances des filières agro-sylvo-pastorales pour mieux répondre aux exigences du marché ».

Selon une étude de l’observatoire pilote régional dans le cadre du Projet d’appui au renforcement de la gouvernance locale, économique (PRGE), le Yatenga produit plus de la moitié des produits maraîchers dans la région du Nord. Sur la période 2004-2005, sur une production de 88 847,4 tonnes, 69 590,4 tonnes ont été commercialisées, soit un chiffre d’affaires de plus d’un milliard 300 millions avec un revenu de 466 351 FCFA par producteur.

A en croire le président du comité d’organisation de la 4e édition des journées des maraîchers, et président de l’Association des maraîchers du Yatenga, El Hadj Salam Ouédraogo dit Docteur, la campagne maraîchère 2006-2007 qui s’achève, présente une situation provisoire de 10 000 tonnes d’oignons, 8 000 tonnes de pommes de terre, 260 tonnes de maïs et 500 tonnes de légumes divers. Comparée aux résultats de l’étude 2004-2005, la situation s’améliore progressivement, mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt.

Les producteurs vivent mille et un problèmes : problèmes de commercialisation, insuffisance d’eau, cherté des intrants, moyens archaïques de production. « Cette année, j’ai abandonné les travaux en mi-février après la vente de ma récolte de pommes de terre, le point d’eau où nous travaillons est complètement asséché », raconte Boukary Zoromé producteur à Gondologo, secteur n°14 de Ouahigouya. « A cause du manque d’eau, nous avons été contraints à récolter rapidement pour pouvoir vendre à temps » explique-t-il entouré de ses camarades. Les plus téméraires qui ont engagé la culture des tomates, regrettent présentement, car la retenue d’eau et les puits sont à sec.

Même son de cloche du côté des producteurs à côté du barrage Kanazoé secteur 13 de Ouahigouya. Malgré la bonne pluviométrie cette année, le barrage Kanazoé était rempli à moitié. Actuellement il ne reste plus qu’une petite flaque d’eau au milieu du barrage. « J’ai bien pu vendre la pomme de terre, et les oignons auparavant, maintenant j’ai entamé les tomates qui devraient être prêtes en juin où la vente est acceptable, malheureusement, l’eau du barrage est finie, deux de mes puits ont tari, mes plants de tomates risquent de sécher ici », raconte Salif Sawadogo, l’air très préoccupé.

A côté de lui, Issouf Traoré, est un privilégié, il travaille avec une moto-pompe. Actuellement il se préoccupe de ses planches de choux, tout en s’interrogeant sur leur bonne finition. Salam Ouédraogo dit Docteur ne dit pas autre chose : « Ces résultats provisoires de fin de campagne sont mitigés car à titre d’exemple les 10 000 tonnes d’oignons n’arrivent pas à couvrir la demande de 15 000 tonnes, un contrat entre les maraîchers et les partenaires commerciaux de la Côte d’Ivoire, du Togo, et du Ghana. Cela par manque de terre et d’eau suffisante pour l’exploitation maraîchère ».

Beaucoup de producteurs se replient sur eux-mêmes et ne maîtrisent pas le cours du marché. Ils naviguent à vue sous prétexte qu’ils ont été plusieurs fois recensés au cours des enquêtes, mais ils n’ont rien reçu comme soutien après. Ils soupçonnent donc les enquêteurs et les responsables d’association d’utiliser leurs noms pour se sucrer. Conséquence, beaucoup ne savaient pas que le marché des oignons est devenu porteur. Sont de ceux-là : Boukary Zoromé et sa bande.

Une lueur d’espoir

Malgré les problèmes d’eau, ils sont nombreux qui disent avoir engrangé des sommes consistantes avec la vente de la pomme de terre. « Bien que, j’ai été contraint d’arrêter très tôt cette année, j’ai mieux gagné que les années précédentes, le prix des produits n’a pas chuté cette année, même pendant la période d’abondance, le kg de la pomme de terre n’est pas descendu sous la barre de 200 FCFA », se réjouit Boukary. Cela n’est pas un fait du hasard.

Depuis l’année dernière, la société burkinabé des fruits et légumes SOBFEL, une structure créée après la célébration de la 8e journée des paysans à Kaya, tente d’aider les maraîchers du Yatenga à résoudre le problème de la commercialisation. Pour preuve l’année dernière, cette société a permis la commercialisation de 150 tonnes de pommes de terre et d’une centaine de tonnes d’oignons autour de Ouahigouya. « Nous sommes là cette année avec beaucoup plus de détermination et des opportunités à offrir », confie Sidiki Sanogo, directeur général de la SOBFEL.

Dans le cadre de sa politique de la relance de la filière fruits et légumes, la SOBFEL dispose d’un terminal fruitier à Bobo pour la commercialisation des mangues et des chambres froides réalisées dans la zone de l’aéroport de Ouagadougou, permettant de stocker l’oignon et la pomme de terre pour attendre des moments plus prospères pour la vente. Cerise sur le gâteau, depuis le 12 janvier 2007, une autre structure vient pour renforcer ce que faisait déjà la SOBFEL. Il s’agit du Programme d’appui aux filières Agro-sylvo-pastorales (PAFASP).

Selon le patron de l’antenne du Nord, regroupant le centre nord et le sahel, Michel Ouédraogo, la PAFASP vise la promotion d’un secteur privé agricole productif, compétitif, lié au marché intégrant les petits exploitants, les groupes vulnérables dans les filières de production, de transformation et de commercialisation. Pour le moment Michel Ouédraogo et son équipe ont entamé la phase de la sensibilisation.

Au cours d’un forum organisé par les maraîchers du Yatenga sous l’égide de la chambre régionale de l’agriculture, les responsables de ces deux structures ont étalé toutes leurs ambitions d’améliorer la compétitivité des filières ciblées (mangues, bétail, viande, oignons, volailles locales) sur les marchés nationaux, sous-régionaux et internationaux en vue de contribuer à une croissance agricole équitable au Burkina Faso.

Selon eux, la réussite de ces ambitions passe nécessairement par le renforcement des capacités des organisations professionnelles et interprofessionnelles, c’est pourquoi ils ont invité les maraîchers à éviter l’isolement. Conscient des difficultés qu’ont les maraîchers à acquérir des crédits dans les banques, le PAFASP compte dès le mois de juin, ouvrir le volet microcrédits aux producteurs. « C’est un projet très important et j’appelle tous les acteurs à se mobiliser pour l’accès aux différents financements », a soutenu Michel Ouédraogo, le responsable de l’antenne du Nord.

D’un coût global de 84,5 millions de dollars, le PAFASP financé avec l’appui de l’IDA Banque mondiale est prévu pour être exécuté en six (06) ans. Pour Sidiki Sanogo, avec le tandem SOBFEL/PAFASP, plus de retard dans le paiement après l’enlèvement des produits. Même les particuliers ou les individus sont accueillis à bras ouverts, il suffit de signer au départ de la production un cahier de charge précisant la quantité, les conditions de livraison, les prix, et les modalités de paiement.

L’engagement de l’Etat et de la coopération suisse

La coopération suisse a compris depuis longtemps, la nécessité de soutenir les maraîchers du Yatenga à sortir des sentiers battus, en témoigne le soutien apporté à la journée des maraîchers depuis la 1re édition de février 2003, l’appui pour l’utilisation du système d’irrigation goutte-à-goutte dans la culture maraîchère. Ainsi, pour donner l’opportunité aux maraîchers d’améliorer les rendements de leurs productions par l’adoption de nouveaux itinéraires techniques et la maîtrise de l’eau. La coopération suisse œuvre également pour l’organisation des circuits de distribution d’intrants non coton, la mise en relation entre les paysans et les paysannes et les organismes de crédit.

L’ensemble de toutes ces actions justifient le choix de Chrystel Ferret Balmer, représentante de la coopération suisse comme marraine de la 4e édition des journées du maraîcher et de l’éleveur les 17 et 18 mars 2007. Le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques a souligné le grand apport combien important de la culture maraîchère dans l’amélioration des conditions de vie des habitants au Yatenga.

Entre autres, elle est une alternative à l’exode massif des jeunes, une source de création d’emplois agricoles permanents, de revenus, une alternative à la sécurisation de la production alimentaire, et une source d’espoir dans la lutte contre la faim et la pauvreté. « A l’analyse des opportunités offertes, ces activités sont telles qu’il ne serait pas exagéré de se poser la question de savoir si une ville comme Ouahigouya aurait pu exister sans les barrages qui se trouvent aux alentours » s’interroge Salif Diallo.

Il a montré la ferme volonté du gouvernement de booster l’activité maraîchère au Yatenga par la multiplication des points d’eau. Ainsi, il y a la réhabilitation des barrages et des périmètres irrigués de Séguénéga, de Goïnré, Namissiguima, Koumbri. Sans oublier la réalisation à venir du barrage de Guitti. Aux maraîchers, le ministre de l’Agriculture a témoigné toute sa reconnaissance tout en faisant remarquer l’absolue nécessité de s’organiser davantage pour ancrer ces journées de maraîchers et de l’éleveur dans le paysage socio-économique de la région.

En tout cas, pour Salam Ouédraogo dit Docteur, il faut savoir saisir les opportunités. Donc, plus de place à l’amateurisme. Il faut produire en quantité, en qualité, maîtriser les coûts de production et la loi du marché. Les consommateurs locaux devront aussi comprendre la cherté des produits sur le marché, car désormais les producteurs entendent mieux profiter de la sueur de leur front.

Emery Albert Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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