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Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire : Le rapport embarrassant d’Amnesty international

Publié le mardi 20 mars 2007 à 07h38min

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Vraiment embarrassant, ce rapport d’Amnesty international sur les violences sexuelles exercées sur un nombre incroyable de femmes, de jeunes filles et de mineures durant la crise ivoirienne. Il tombe au moment où la paix s’installe doucement et, on l’espère, durablement chez nos frères et soeurs du Sud.

Mais il véhicule un tel dégoût qu’on a le sentiment qu’il est temps que les chefs d’État membres de l’Union africaine consacrent un sommet extraordinaire à cette problématique du viol des femmes et des mineures en temps de paix et, surtout, en temps de guerre.

Le rapport met en évidence la triste nature de l’humain : il sommeille en lui la bête immonde qu’il faut apprendre à détecter et à neutraliser avant qu’il ne soit trop tard. Amnesty international publie son document au moment où la Côte d’Ivoire se prépare à étendre la portée de la loi d’amnistie adoptée en 2003.

Les accords de Ouaga prévoient, il est vrai, l’adoption par voie d’ordonnance, d’une nouvelle loi d’amnistie couvrant les crimes et délits relatifs aux atteintes à la sûreté de l’Etat et liés aux troubles qui ont secoué la Côte d’Ivoire, et commis entre le 17 septembre 2000 et la date d’entrée en vigueur de ces accords. Toutefois, il est stipulé dans les nouveaux accords que cette amnistie est valable, "à l’exclusion des crimes économiques, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité."

Dès lors, la question se pose de savoir si oui ou non les viols doivent être inscrits au chapitre des crimes de guerre, s’ils peuvent et doivent survivre aux élections à venir. Il est à craindre en effet que le processus de paix une fois mis en branle, certains violeurs et leurs commanditaires se retrouvent investis de missions officielles susceptibles de consacrer de nouvelles formes d’impunité. D’où l’intérêt d’entreprendre cette autre croisade consistant à bien clarifier certains concepts des accords pour éviter que certaines failles profitent à certains individus.

Autrement dit, et comme souligné dans nos précédentes éditions, la signature des accords ne doit pas faire occulter certains dossiers. Des individus engagés ou pas dans le processus de paix, directement ou indirectement coupables de viols, doivent s’attendre à rendre des comptes. Aucune loi d’amnistie ne saurait couvrir de telles ignominies. Aussi faut-il prendre des dispositions pour éviter le blocage, l’occultation des dossiers, et agir de manière à rompre le silence des victimes.

Mais pourquoi tous ces viols durant les conflits ? Bien des raisons ont été avancées par les spécialistes : souci de se valoriser face à l’adversaire, volonté de lui briser le moral, influence des stupéfiants, entre autres... Certes, les viols sont quotidiennement subis par des femmes et des filles en temps de paix. En petit nombre pour ceux que l’on parvient à recenser.

Mais ils deviennent presque systématiques en cas de conflits et du côté de chacun des belligérants. En effet, pour se faire admettre dans le groupe, le combattant se voit imposer un rituel consistant souvent à violer femmes et jeunes filles des zones occupées. Le viol intervient généralement en public et, bien souvent, en présence des parents de la victime (mari, enfants, proches) ou d’autres individus.

Parfois, le soldat-violeur est sous l’emprise de drogues diverses. Des situations identiques ont été répertoriées dans la plupart des zones en conflit à travers le monde. En Afrique en particulier, partout où il y a eu des troubles, les violeurs se sont illustrés. De nombreuses femmes et des mineures figurent parmi les victimes de violences, notamment au Liberia, en Sierra Leone, en RDC, au Darfour, au Togo et, tout récemment, en Côte d’Ivoire.

Mais que diantre faire de ces violeurs de femmes ? D’abord, et même si l’entreprise s’avère difficile, il est nécessaire de prendre le temps qu’il faut pour bien identifier les auteurs de crimes aussi abominables, et quels qu’ils soient.

Que faire réellement pour mettre fin à ces abominations dans une Afrique où le citoyen assiste impuissant à l’agonie de la morale, à la généralisation de l’impunité ? Dans une Afrique qui perd continuellement ses repères, qui a mal à ses dirigeants et à ses systèmes judiciaires, et qui néglige la prise en compte du soutien psychosocial des victimes ?

Peut-être faut-il s’inspirer, une fois encore, du modèle sud-africain : vérité, justice et réconciliation. Mais aussi assurer la prise en charge, le soutien psychologique surtout et le suivi des victimes.

Les accords de Ouagadougou, c’est bon. Mais les acteurs doivent aussi savoir parler le même langage quant à la répression du viol de la femme et de la jeune fille. Sur ce sujet, pas de compromis possible. Il faut sévir. Pour l’exemple.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 mars 2007 à 12:58, par Nono Billy En réponse à : > Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire : Le rapport embarrassant d’Amnesty international

    Bravo, parfaitement d’accord avec l’article. Le problème du viol des femmes et jeunes filles doit être considéré à sa juste valeur. Il est inadmissible de laisser ces crimes impunis. Une législation doit être mise en place, et interprètée, aux niveaux international et national ! C’est un crime contre la moitié de l’humanité ! Mais comme toute loi ou application, cela nécessite un accompagnement, une campagne de sensibilisation, et instaurer la volonté de tolérance zéro à l’égard des coupables. Humilier une femme et la blesser physiquement et moralement, devant sa famille ou en public, provoquer des traumatismes et gacher des vies, de quelle gloire peut s’honorer les acteurs de ces actes ?
    L’article cite des exemples de viols systématiques en Afrique, n’oublions pas ceux commis pendant les guerres de l’ex-Yougoslavie.
    Au même titre que la torture les viols doivent être combattus (et dénoncés) sans relache !

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