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La gomme arabique, une richesse mal exploitée ?

Publié le mardi 20 mars 2007 à 07h43min

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En 1996, Salif Diallo, ministre d’Etat, a conduit en personne une délégation d’une douzaine de techniciens au Tchad pour partager l’expérience de la gomme arabique dans ce pays. Il y a donc eu de l’argent pour une délégation, perdiems, logement, frais de déplacement.

J’ai l’impression que ceci était la partie la plus importante du projet. Ensuite, la formation des producteurs a été dispensée un peu en retard, même trop tard, et les producteurs n’ont pas pu l’appliquer cette année-là.

Il n’y a pas eu de suivi non plus car il n’y avait pas de moyens conséquents : il y avait des moyens pour payer le salaire d’un certain nombre de fonctionnaires, mais pas pour qu’ils puissent faire un travail de suivi qui aurait pu profiter aux paysans. Mieux aurait valu quelques fonctionnaires de moins et employer ces salaires pour aider les cultivateurs. Une telle affirmation est une vraie révolution car cela veut dire que le travail serait fait pour le bien des cultivateurs. Beaucoup de producteurs n’y croyaient déjà plus malgré tout.

Surtout, après avoir récolté leur gomme, ils ne savaient pas à qui et où la vendre. Il y a toujours eu un commerce traditionnel, car la gomme est employée dans beaucoup de ménages ; mais une quantité de gomme plus importante ne trouve pas d’acheteurs. Ne pensez pas qu’il s’agissait de milliers de tonnes. Avec la production d’une tonne de gomme, la vente était déjà impossible. On dit que le gouvernement ne s’est pas assez impliqué dans la filière. Je pense que le gouvernement a déjà gaspillé trop d’argent pour promouvoir cette filière.

Plusieurs études, des cartes de tout le pays avec les zones des acacias sénégals. On sait qu’il y a environ 15 000 000 arbres avec une possibilité de 4 500 tonnes de récolte de gomme arabique. L’Acacia Sénégal est utile dans la lutte contre la désertification, pousse facilement, est résistant contre la sécheresse et fournit la gomme arabique. La cellule pour la promotion de la gomme arabique a aujourd’hui encore un certain nombre de fonctionnaires.

Des dates-clés

1996 : le Premier ministre a lancé l’opération de promotion de la gomme à Boulsa. En 1996, l’Union européenne a déjà financé un projet surtout pour former des cadres forestiers et des producteurs de gomme, pour faire l’inventaire des peuplements naturels des acacias Sénégals, pour produire des plants et pour réaliser des plantations.

1997 : le Centre national de semences forestières s’est impliqué pour évaluer le potentiel de gomme. Encore en 1997, la Région Wallone de Belgique a appuyé financièrement la CNRST et le CNSF, deux centres burkinabé, dans la recherche de la problématique de la gomme. 17-7-1999 : un autre projet pour la promotion de la gomme arabique.

Il y a ensuite la Gomburki, une entreprise d’exportation de gomme. Il y a une association professionnelle des exportateurs de gomme arabique (APEGA). Il y a surtout la promesse de Salif Diallo que la gomme arabique, une bonne source de revenus, peut aider à sortir de la pauvreté, et quelqu’un a même dit que la gomme est notre cacao ou notre café.

Maintenant, la réalité. A Louda, il y a un groupement pour la promotion de la gomme : il plante de nouveaux pieds, entretient les arbres, les saigne, fait la récolte, s’occupe du séchage et fait le tri des plantes existantes. Il possède vingt hectares depuis 1996. En 2001, ce groupement a récolté 170 Kg de gomme et l’année précédente 70 Kg. Donc, en argent, à 250 F le kilogramme en moyenne, ce groupement de 15 membres a gagné 42 500 F, et l’année précédente, 17 500 F ! Qui va encore se fatiguer dans la culture de l’acacia Sénégal pour gagner de l’argent avec la gomme arabique ? La plus grande partie de la récolte de la gomme est faite par les bergers quand ils suivent leur troupeau et par les femmes qui cherchent du bois ou des feuilles de sauce. Une petite activité secondaire qui rapporte quelques francs supplémentaires.

De fausses promesses aux paysans

Le plus grave dans toute cette histoire, c’est qu’une fois de plus on a fait de fausses promesses aux paysans. Ils n’y croient plus.

Mais il y a des possibilités que la gomme puisse aider le Burkina. Vu le prix très bas, il faut travailler d’une manière peu coûteuse. Le Burkina peut, avec les acacias sénégals qu’elle possède, produire 4 500 tonnes de gomme.

Un arbre donne 300 grammes par an, donc pour 75 F. Si on saigne l’arbre, il peut donner 4 fois plus de gomme, donc 1 200 grammes pour 300 F. 52 arbres par hectare. Si une personne, dans ses temps libres, exploite un hectare, elle ne devient pas riche mais elle gagne 15 000 F, à condition qu’elle saigne ces arbres quand elle va en brousse. .

Les études et les évaluations suffisent pour le moment. Le gouvernement donne à ses fonctionnaires qui s’occupent de la filière acacia Sénégal un autre travail, sauf à une toute petite cellule de cinq personnes. Cette cellule s’occupe de faire apprendre la saignée à quelques paysans qui l’apprennent à d’autres paysans pour x frs par personne.

La cellule essaie, avec APEGA, d’organiser la commercialisation à partir d’un ou deux points par provinces, mais à ces points-là le prix est fixé par le gouvernement et la gomme doit être propre. Ce n’est pas nécessaire que tout le pays démarre dès maintenant. Il faut commencer là où la récolte est la plus abondante. Une fois que cela a bien démarré, la transformation sur place peut être envisagée. Voilà quelques orientations qui peuvent aider l’exploitation de la gomme qui est très demandée sur le marché international.

Mais ne trompez plus les paysans avec des merveilles à gagner : c’est faux. Elever une dizaine de poules rapporte aussi quelques francs et les paysans le font. Ramasser 50 à 100 Kg de gomme arabique semble possible pour des gens qui le veulent, à condition de saigner les acacias. Nous sommes pauvres. Au lieu de ne rien faire ou de perdre son temps au marché ou, pire, au cabaret, mieux vaut gagner quelques sous avec la sueur du travail, mais ne parlez plus "d’une richesse mal exploitée". Ce langage vient d’ailleurs de la bouche de ceux qui ont des richesses.

Aidons notre pays, achetons et consommons des produits burkinabè.

Bonne nouvelle : Balbeogo Jean-Paul a été condamné, pour détournement, à 5 ans de prison ferme et à plus de 10 millions de francs CFA (Source : RENLAC).

F. Balemans B.P.332 Koudougou

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 21 mars 2007 à 01:05, par Mat. En réponse à : > La gomme arabique, une richesse mal exploitée ?

    J’ai ete etudiant a l’universite de ouaga en economie agricole des ressources naturelles et environmentales. A propos de ce sujet, un de mes professeurs m’avait demande de faire des recherches sur la politique commerciale de la gomme arabique au burkina et l’etude de la competitivite, chose que j’avais faite en collaboration avec trois autres etudiants de ma classe. Mais nous avions ete surpris lorsque nous avions consulte le site web du ministere de l’agriculture concernant la gomme arabique. Il y’avait des faux numeros de telephone, aucune information exploitable ; c’etait juste une pauvre page d’acueil, comme d’ailleurs la plupart des sites web au Burkina (le site web de l’universite de ouagadougou par exemple). Je dis faux numero par ce que nous avions essaye de prendre contact avec le departement de la gomme arabique en appelant le numero qui y figurait sur le site, mais nous etions etonnement tombe sur une fille qui nous avait dit qu’on s’etait trompe de numero.

    Envoyer des gens au Tchad pour moi pourrait etre source de gaspillage de fonds. Ces fonds mis au profit de cette delegation au Tchad auraient profite a des etudiants ou a des professeurs qui pouvaient travailler sur la relance de la filiere gomme arabique.

    En effet, la production de la gomme arabique du Burkina est estimee a environ 4 500 tonnes par an et n’est pas loin de celle du Tchad (5000 tonnes, deuxieme exportateur mondial apres le Soudan qui produit 30 000 tonnes par an en moyenne, represente a lui seul 70% de l’approvionnement mondial) en 1995 avec 5000 tonnes de production, soit une recette de 13 milliards de fcfas.

    Toujours a titre comparatif, le Nigeria par exemple qui ne regorge pourtant pas de potentiel gommier comme le Burkina, s’est hisse au troisieme rang mondial apres respectivement le Soudan et le Tchad. Le Nigeria importe la gomme arabique du Niger, du Tchad, la melange avec d’autres produits et les re-exporte sur le marche mondial a des prix concurrentiels.

    On pourrait observer donc qu’en terme de production gommiere, le Burkina pourrait avoir un avantage comparatif. Mais du Fait de l’inorganisation du Burkina dans la filiere, le Burkina n’a qu’un avantage potentiel et non reel. Il faudra donc que le gouvernement en place mette une politique adequate prenant en compte toute la filiere, en amont comme en aval. Une etude a montre que si le gouvernement Burkinabe y mettait les moyens, la production gommiere pourrait apporte une recette aussi comparable a celle du coton.

    Les potentialites sont sous-exploitees, surtout dans la dimension de la competivite et certains aspects dont la maitrise des couts et la qualite, et l’absence d’une bonne politique volontariste et organisationnelle.

    Connaissant Le ministre salif Diallo par sa determination dans le travail et ses ambitions, j’ose croire que cette filiere se vera relancer pour le bonheur de nombreux de nos parents paysans (car source de revenu) et aussi pour le pays tout entier.

    • Le 21 mars 2007 à 09:21, par N. Ouedraogo En réponse à : > La gomme arabique, une richesse mal exploitée ?

      Très bonne remarque Mat, mais ton dernier paragraphe me semble un peu trop optimiste. Comment un ministre qui vient de gaspiller tant d’argent pour absolument rien apporter à cette filière (lire l’article) pourrait être capable de relancer cette même filière ?!

      Il est bien plus important de prendre les leçons du Nigeria qui, sans être producteur de gomme, est capable d’exporter de la gomme améliorée. Il serait bien plus important, comme tu le souligne, de mener des recherches quant aux possibilités de transformation locale de cette gomme au Burkina pour exporter un produit avec une marge bien plus importante. Et si cette transformation peut être en partie faite par les paysans, ce serait une vraie lutte contre la pauvreté et non un faux-semblant de plus...

      • Le 1er septembre 2007 à 12:56, par neal En réponse à : > La gomme arabique, une richesse mal exploitée ?

        Je viens de prendre connaissance de cet article et cela fait déja un moment que je suis à la recherche d’information pertinanente sur la gomme arabique, les acheteurs potentiels et bien évidemment les producteurs. Je suis originaire du Niger et vis en Suisse de puis bientôt 8 ans. Mon intérêt pour la gomme arabique émane de l’avantage considérable que celle ci peut constituer, lutte contre la désertification et l’apport économique bien entendu.

        Toutes informations concernant la gomme arabique, des contacts éventuels seront la bienvenue.

        Je vous remercie d’avance

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