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Patrimoine culturel :contributions aux efforts de conservation du Na-Yiri de Kokologho

Publié le vendredi 7 novembre 2003 à 12h09min

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Sidwaya dans son numéro 4867 du lundi 27 octobre 2003 page 20, in article "Conservation du patrimoine culturel immobilier en Afrique subsaharienne" faisait cas de la viabilisation du Na-Yiri de Kokologho afin de permettre des visites payantes dont les recettes devront servir à son entretien.

Résultats du IVe séminaire régional sur les cadres juridiques de la conservation du patrimoine culturel immobilier tenu à Ouagadougou du lundi 13 au vendredi 17 octobre 2003. Et toujours à ce même propos, Africa 2009, dans chronique N°3 de juillet 2003 en page 15, écrivait que " Le palais du Naaba de Kokologho est le seul palais Mossi bâti de façon traditionnelle qui soit dans un bon état de conservation ".

Mon intention à travers cet écrit est d’apporter une contribution, qui, je l’espère, ne vient pas en retard à ce projet novateur de sauvegarde et conservation du Na-Yiri de Kokologho.

Le concept de patrimoine dans les sociétés africaines "traditionnelles" ne repose pas comme en Europe sur le "culte" d’objets matériels dont l’état et l’esthétique signalent la valeur, éventuellement marchande. Le patrimoine est beaucoup plus souvent spirituel, rappelé non par des objets mais par des pratiques religieuses.

A mon avis, les actions d’interventions sur le patrimoine doivent se situer aussi bien dans le passé, le présent et l’avenir. Dans le passé pour fouiller, découvrir, souvent reconstituer car l’étude de l’histoire permet d’entrer en contact avec les modes de penser et concevoir, des formes et des espaces de la tradition et que maîtriser le passé, c’est avoir une prise à la fois sur le présent et le futur ; dans le présent pour analyser, comprendre, souvent corriger et enfin de reconstituer une ou des vérités ; dans le futur pour construire des identités valides et opposables afin d’apporter entre autres notre son de cloche à la belle et diversité culturelle des nations " policées "

Etat des lieux à Kokologho

A Kokologho Na-Yiri est un édifice monumental rectangulaire, type soudano-sahélien avec une toiture terrasse, récemment réhabilité pour les besoins d’un film.

A Kokologho Na-Yiri, il y a des cases rondes, toiture conique faite de bois et d’herbacées, il y a des regroupements de cases, des regroupements de concessions, il y a un samandé (cour extérieure à la concession de cases du chef)

Le premier n’est pas le Na-Yiri de Kokologho, il est une résidence secondaire du Naaba construit devant son samandé (cour extérieure). Faire cet édifice le Na-Yiri serait une usurpation de type d’architecture et un usage de faux. Certes, l’édifice date d’une certaine époque, est d’une construction caractéristique (architecture soudano-sahélienne), est également singulier (au milieu de cases rondes) et peut avoir une valeur architecturale certaine mais n’est pas un palais royal Moaga. Il est bâti de façon traditionnelle mais cela ne peut aucunement lui conférer l’appellation Na-Yiri. Il est une résidence secondaire comme les résidences d’été ou de...

des Rois de France ou des Pharaons d’Egypte.

Le Na-Yiri de Kokologho c’est sinon l’ensemble sinon une partie des cases et concessions situées du côté Yaanga (Est) de l’édifice soudano-sahélien. C’est ce "groupe de misérables cases" qu’évoquent bien les propos de Binger, Binger C. in "du Niger au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi ") : "Je m’attendais à trouver quelque chose de mieux que ce qu’on voit d’ordinaire comme résidence royale dans le Soudan, car partout on m’avait vanté la richesse du Naba, le nombre de ses femmes et de ses énuques. Je ne tardai pas à être fixé car le soir-même de mon arrivée, je m’aperçus que ce qu’on est convenu d’appeler palais et sérail n’est autre chose qu’un groupe de misérables cases entourées de tas d’ordures autour desquelles se trouvent des paillotes servant d’écuries et de logements pour les captifs et les griots." C’est enfin ces cases dépourvues de toute monumentalité, précaires et du type "architecture sans architecte" auxquelles cette résidence aux murs et à la structure imposants fait ombre quand le soleil se couche sur Kokologho.

De nos jours des travaux permettent de corriger ce "regard lointain, distrait, méprisant et de l’extérieur" en révélant l’existence d’un génie architectural des Mossé capables d’exprimer et d’inscrire au sol et dans le volume les fondements de leur civilisation. L’architecture devient de ce fait une traduction du monde pour le Moaga, donnant ainsi naissance à des espaces très particuliers, profondément porteurs de sens. Elle est nécessairement et inévitablement symbolique et sacrée dans son établissement premier (le symbole ayant toujours été perçu comme une sorte de langage opératif liant l’homme aux dieux).

Ce que je propose pour ce projet sur le NA-Yiri de Kokologho

Je voudrais tout d’abord que des assertions comme

"...seul palais Mossi bâti de façon traditionnelle.... " soit évité car jusque-là seuls quelques travaux font cas de l’organisation et des règles de construction d’un Na-Yiri. Ils sont assez complexes et présentent de nos jours des différences suivant que l’on est à Tenkodogo, Ouagadougou, Ouahigouya ou... Kokologho. Chaque Naaba y a apporté sa touche personnelle mais des éléments subsistent encore et qui permettent de faire des reconstitutions d’architecture.

Ensuite le Na-Yiri peut être reconstitué dans la cosmogonie des Mossé à partir de maquette, de volumétrie ou plans pour nous-mêmes et pour les visites touristiques. Le visiteur sera amené dans un premier temps à découvrir de façon virtuelle ce que c’est qu’un Na-Yiri des Mossé et dans un second temps des explications pourraient alors être fournies sur la résidence soudano-sahélienne du Naaba de Kokologho

Enfin mes propos appellent à la prudence. Ils insistent sur des contraintes locales susceptibles de bloquer les actions patrimoniales " traditionnelles " basées seulement sur la restauration de bâtiments prestigieux, d’autant qu’ils sont rares en Afrique de l’Ouest et ne sont pas toujours les lieux de mémoire privilégiés des pratiques culturelles locales . Dans ce projet de Na-Yiri de Kokologho, les risques de se tromper ou de tromper le visiteur et de faire la promotion d’autres architectures existent et sont grands.

Plus que jamais, il est nécessaire de concevoir une stratégie d’action plus ambitieuse prenant en compte les formes particulières d’expression des cultures de nos sociétés . Ces formes, si elles ne permettent d’envisager des projets clés en main, peuvent permettre en revanche le renouvellement d’une pensée sur le patrimoine qui demeure centrée dans ses fondements sur le monde occidental et qui mérite d’être débattue lorsque l’on envisage de l’exporter dans d’autres sociétés. Les contributions de plusieurs spécialistes avertis, et bien outillés par la constitution d’équipes pluridisciplinaires (architectes, urbanistes, historiens, sociologues et anthropologues) demeurent des voies pour aboutir à des éléments et à des objets culturellement pertinents.

Cyr Norbert ROUAMBA
Architecte

10 BP 13647 Ouagadougou 10
Tél. : 38-32-99/21-38-98.

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