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<I>Le commissariat de Tampy</I> : Le succès d’un anti-cinéma

Publié le jeudi 1er mars 2007 à 08h05min

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Tout succès est bâti sur un malentendu, c’est convenu. Mais le succès de la série « Le commissariat de Tampy » lui, repose sur un double malentendu. Paradoxalement tout ce sur quoi les quelques critiques journalistiques fondent le succès de la série relevé d’un « hénaurme » malentendu.

Ainsi s’appesantit-on sur les qualités cinématographiques de la série quand bien même « Le commissariat de Tampy » est un anti-cinéma. Cette série détourne tous les codes cinématographiques soit en les parodiant, soit en les caricaturant jusqu’au grotesque de sorte que la grammaire du cinéma s’en trouve déconstruite.

Ainsi, en est-il du genre aussi. Quoique la bande annonce proclame que « Le commissariat de Tampy » est la première série policière du Burkina, cette série n’a de policier que le kaki de ses personnages de leurs titres d’inspecteurs, de brigadiers et de commissaire.

Môme si le genre policier peut se décliner en une multitude de variantes, il demeure un sorte de « patron » qui donne le cachet polar a un scénario : le policier fait appel à des flics ou à des détectives, opposés à des délinquants dans un milieu interlope de prostituées et de dealers.

L’intrigue secoue autour d’un crime, d’un rapt et se construit autour d’une enquête faite de fausses pistes, de suspects parfaits, d’un chapelet d’embûches qui empêchent, la manifestation de la vérité, la majeure partie du film est consacrée à l’enquête et à ses rebondissements.

Le suspense joue sur tous les ressorts psychologiques du spectateur fait de déduction hâtive, de fausses pistes, de peur et de conjectures qui tombent les unes a la suite des autres jusqu’à découverte du coupable par le héros.

Dans « Le commissariat de Tampy », par contre, l’enquête est réduite asa portion congrue. La résolution de l’énigme n’est jamais le fait du couple d’inspecteurs : il est fortuit ou est souvent l’œuvre d’un personnage secondaire comme Chocho.

Quant au suspense, a peine est-il ébauché que l’enquête est bouclée. Ainsi donc, le paradigme dramatique consacré par les manuels qui divise le Film en trois actes dont le premier(exposition) est de 1/4 du temps, le second (enquête et péripéties) est de 1/2 du temps et le dernier (la résolution) de 1/4 n’est point respecté.

Par ailleurs, les personnages principaux, Roch et Mouna ne sont, à y regarder de près, que des personnages secondaires au regard de leurs implications dans le schéma actan ciel. La revanche, ce sont les respirations, ces personnages atypiques dont l’irruption dans l’histoire vise à détourner momentanément de l’intrigue principale, qui l’ont l’intérêt de la série.

Aussi, amputerait-on la série de Roch et Mouna que cela n’aurait aucune incidence sur l’engouement suscilé auprès du public. Mais « Le commissariat de Tampy » sans Hoyou et Chocho perdrait tout son intérêt. Parce que les personnages secondaires sont ébauchés avecun trait caricatural assez, épais qui leur donne une consistance que n’ont pas les deux inspecteurs.

Chocho est une petite frappe qui rate toutes ses tentatives d’extorquer des sousaux éventuels plaignants de passage au commissariat. Hoyou est un matamore, alcoolique et piètre séducteur. Les autres personnages n’ayant rien d’épais dans le caractère, ils restent évanescents.

En outre, le jeu trop théâtral des acteurs si loin de l’économie de l’acteur de cinéma déréalise les histoires vécues dans la série de sorte que le processus d’identification ou d’implication du téléspectateur est contrecarré.

Cela amène le spectateur a accepté l’invraisemblable, mais à être suspicieux face à ce qui s’apparente au vrai. Roch et Mona sont trop vrais pour être crédibles. Quid de la thématique alors ? Nous avons lu sous la plume d’une journaliste que « Le commissariat de Tampy » est une série qui donne le premier rôle à la femme. Ce n’est pas noire impression.

Que Mouna flaire un coup tordu à cause de son instinct de femme ou que Poupette soit l’objet de convoitise de deux hurluberlus n’a rien de valorisant. « Le commissariat de Tampy » n’a aucune ambition militante.

Ou peut être bien une seule. Réussir, à travers des histoires ordinaires à distiller quelque dose de bonne humeur à la ménagère et à la bécassine assises devant le petit écran.

Ça plait malgré le parti pris de légèreté

Si « Le commissariat de Tampy » parvient a plaire malgré le parti pris de légèreté et même d’irrévérence par rapport à la grammaire du cinéma, c’est parce qu’il est porté par un scénario de qualité et un bon montage.

Noraogo Sawadogo ("Le Coq" pour ses proches) qui a fourbi ses armes à travers le facétieux « Taxi Brousse » ficelle avec maestria de petites histoires rondement menées, taille des personnages ordinaires en prise avec les menus tracas du quotidien, le tout enrobé dans un humour bien senti qui nous capte.

Le montage aussi est très alerte. Il réussit en une demi-heure à nous transporter sans temps morts, sans lenteur, ces habituelles maladies du cinéma africain dans le déroulement de l’histoire. Ce montage dynamique est un des atouts de la série.

Il corrige une faiblesse du « Commissariat de Tampy » : la pauvreté des plans et la non prise en compte de la spécificité de la télé dans le cadrage des corps et des objets. En effet le cadrage télé exige le centrage du corps par rapport aux bordures de l’écran. Cela résulte du fait qu’une unique caméra filme tout sur le plateau.

Ce traitement de l’image peut participer aussi de cette esthétique du dévoiement adoptée par la réalisation. Le succès d’un tel cinéma labile et quelque peu baroque invite à une réflexion sur la réception des œuvres par le public burkinabè.

Il n’est pas sans rappeler de l’anthropophagie culturelle du cinéma brésilien qui a aussi réinventé un cinéma endogène sous la houlette d’un Gauber Rocha. Peut être que l’avenir du Cinéma burkinabè se trouve dans cette sorte d’anti-cinéma qui sacrifie l’esthétique de l’image, théâtralise le jeu de l’acteur tout en donnant au scénario et aumontage une place hypertrophiée.

En somme, un cinéma d’atelier et d’artisan à la mesure denotre économie de bas de laine et des ressources humaines disponibles. Si oui, alors « Le commissariat de Tampy » aura montré la voie.

Alcény Saidou Barry

L’Observateur Paalga

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