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24e conférence Afrique/France : Nouveau partenariat sur fond de requiem de la Françafrique

Publié le vendredi 16 février 2007 à 08h46min

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Démographie, fracture numérique, NEPAD, matières premières, Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), migrations, Sida, crises, démocratie... En évoquant ces sujets hier à l’ouverture des travaux, les chefs d’Etat réunis à Cannes ont réaffirmé leur foi en une Afrique qui gagne, sur fond de requiem pour la Françafrique.

Georges Pompidou en novembre 1973, lors du premier sommet franco-africain, affirmait en substance qu’il faudra que les chefs d’Etat œuvrent à ce que ces réunions ne confinent pas à la routine qui, on le sait, sclérose. Trente-quatre ans après, c’est l’évidence même, ces rendez-vous rituels ont montré leurs limites et le temps est venu d’opérer la mue nécessaire et salvatrice.

Et de plus en plus, cette conférence Afrique/France voit la présence de représentants des autres pays de l’Europe et même d’autres continents. D’ailleurs, il est de plus en plus question de conférence Afrique/Europe, qui existe déjà, à travers le Sommet euro-africain dont la deuxième réunion se tiendra au Portugal au second semestre 2007.

Des différentes interventions, on retiendra d’une part cette volonté affichée de faire gagner l’Afrique dans le concert des Nations, et d’autre part l’émergence d’un nouveau partenariat et avec la France et avec l’Europe. Donc en filigrane, un requiem pour la Françafrique.

Le chef de l’Etat malien, dont le pays a abrité le dernier sommet en 2005, a rendu hommage à Jacques Chirac, l’infatigable avocat des Africains : "Vous pouvez être fier de la part personnelle que vous avez consentie pour la pérennisation des relations Afrique/France".

Il a conclu ses propos en interpellant ses pairs qui doivent consolider les assises du continent, car "l’apport de l’Afrique à l’équilibre du monde (Ndrl : thème de la conférence) ne doit pas se limiter aux ratios économiques, mais aussi à la sagesse et à la solidarité, richesses immatérielles, mais qui donnent du sens à tout le reste".

Le raïs égyptien, Hosni Moubarak, second intervenant à l’ouverture des travaux, a plutôt mis en exergue tout le bien que l’Afrique doit tirer de ses rapports avec le G8, la Chine, le Japon et le Brésil, qui a été également invité à la présente conférence de Cannes.

Il a condamné les subventions déloyales que font les pays européens et surtout les USA à leurs agriculteurs, sans oublier le retard de l’Afrique dans la société de l’information, toutes choses qui constituent autant d’obstacles aux OMD.

Pour l’ex-premier ministre japonais qui s’est également adressé à l’aréopage de chefs d’Etat, "l’Allemagne, le Brésil et le Japon sont désormais des partenaires incontournables pour l’Afrique, une Afrique qui doit s’approprier son développement".

La chancelière allemande, Angela Merkel, qui assure actuellement la présidence du G8 et de l’UE, prend d’emblée, à l’introduction de son propos, date avec l’histoire : "L’humanité, dira-t-elle, nous jugera à l’aune de cette coopération avec l’Afrique". Pour elle, la façon dont l’Europe coopérera avec le continent noir sera déterminante dans l’avenir du monde.

Et c’est une chancelière qui voit déjà ce partenariat non plus sous l’angle Afrique/France, mais sous celui de l’Afrique/Europe, qui s’est mise à croire en une Afrique qui ... gagne avec l’Europe. Elle citera alors les signes positifs perceptibles au niveau du continent qui sont, entre autres, des indicateurs au vert et les efforts dans la bonne gouvernance.

Mais, rappellera-t-elle, l’arbre ne doit pas cacher la forêt, il y a des défis à gagner, avec l’Europe, tels le réchauffement climatique, l’immigration, le Sida, le terrorisme... Angela Merkel, tout en saluant les élections en RD Congo, n’a pas mâché ses mots envers Robert Mugabe qui "intimide ses adversaires politiques, détruit des quartiers de pauvres", un Mugabe aux abonnés absents à ce Sommet, car non-invité contrairement à février 2003, où il avait été même reçu par Chirac, Porte Maillot où se tenait la 22e conférence.

Le successeur de Merkel sur la tribune, le Ghanéen John Kuffuor, tout en invitant ses collègues à venir fêter avec lui le jubilé de l’indépendance de son pays (prévu pour le 6 mars prochain), a insisté sur la nécessité pour les Africains de combler la brèche numérique, de renforcer la paix, et de bien gérer les périodes posconflit dans certains pays, lesquels conflits ne sont pas l’apanage de l’Afrique seule.

Du discours de Jacques Chirac, on retiendra d’abord qu’il a parlé comme s’il allait encore être aux commandes de la France dans les prochaines années. Ce fut premièrement l’historien et même le philosophe Jacques qui assena presqu’une conviction : "L’humanité est entrée, affirma-t-il, dans un âge où les destins des peuples sont indissolublement liés : un nouveau monde dont l’avenir ne peut se dissocier de celui de l’Afrique".

Pour celui qui occupera encore l’Elysée pour quelques mois, "l’Afrique et le monde sont à la croisée des chemins. Avec cette question majeure, quelle place pour l’Afrique dans la mondialisation ?".

Deux solutions s’offrent alors aux Africains et au reste du monde, foi de Chirac : soit ce sont les égoïsmes qui triomphent et l’Afrique sombre, soit les grandes problématiques sont résolues et le continent "deviendra un pôle de paix et de prospérité, ce qu’elle a vocation à être".

Puis ce fut l’avocat de l’Afrique qu’il n’a cessé d’être qui entonna presque une antienne connue : "Nous sommes réunis parce que la France aime l’Afrique, se sent liée à elle par les engagements de la fraternité, de l’histoire et du cœur... il n’y aura pas de mondialisation réussie sans une Afrique forte et confiante... mais les efforts de l’Afrique seraient réduits à néant, si le monde ne l’épaulait pas dans sa marche vers l’avenir".

Tour à tour, le chef de l’Etat français saluera la démocratie qui s’installe sur le continent et les efforts de l’Union africaine dans l’extinction des foyers de tension ; sans oublier le NEPAD qui "organise, mobilise et dresse les priorités".

Tous ces aspects positifs concourant, laissera-t-il entendre en substance, pour que l’Afrique ne soit plus perçue sous le prisme de continent maudit. Et Chirac de rappeler que les rencontres "Afrique/Avenir" tenues sous son magistère, le 12 février dernier à Paris, se voulaient une traduction concrète de cette Afrique qui gagne.

Selon le président français, il faut in fine que l’Afrique relève les défis de sa démographie, et de son environnement sans omettre les choix économiques, pour qu’enfin le boulevard du développement lui soit ouvert. Il assure que le partenariat "rénové" Afrique/France tient en deux mots : stabilité et solidarité.

Une France, selon Chirac, qui continuera de "respecter les accords de défense qui la lient à plusieurs pays africains". Il a invité par ailleurs les Africains à organiser des scrutins crédibles, car les crises naissent souvent des scrutins de pacotille. Signalons que les "anticonférence" ont manifesté à Cannes devant l’hôtel de Chirac. C’est aujourd’hui 16 février en principe qu’est prévue la clôture de cette 24e conférence Afrique/France. Nous y reviendrons.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana à Cannes

L’Observateur Paalga

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