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Guinée : La drogue qui rend Conté fou

Publié le mercredi 14 février 2007 à 08h34min

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Lansana Conté

Pascal de Sutter, auteur d’un ouvrage en français consacré à la psychologie politique intitulé "Ces fous qui nous gouvernent", aurait sans doute eu beaucoup à dire en portant aussi son regard sur le président guinéen Lansana Conté.

De ce dernier, on savait qu’il ne jouissait pas d’une bonne santé physique. Mais cette mauvaise santé physique semble doublée d’une mauvaise santé mentale. Jusqu’où, en effet, le président Conté poussera-t-il les limites de la mégalomanie et de la paranoïa ?

Certes, "le pouvoir est une drogue qui rend fou quiconque y goûte", confiait François Mitterrand. Reste que le cas Conté, visiblement, a dépassé les limites du tolérable et de l’entendement. Une fois de plus, Conté vient de prouver aux Guinéens et à la face du monde qu’il ne reculera devant rien pour conserver son fauteuil, et n’entend pas céder la moindre parcelle de son pouvoir.

Pour le président-général, "les destructions et les pertes en vies humaines sont telles que je suis amené à décréter l’état de siège sur toute l’étendue du territoire national". C’est une fuite en avant. S’il tenait réellement au bonheur de son peuple, à bout de souffle et au bord du précipice, il aurait le supplément d’âme nécessaire pour remettre le pouvoir au peuple. Il en sortirait sans doute grandi.

En tous les cas, il est dans les tiroirs de l’histoire africaine, des exemples de chefs d’Etat qui ont volontairement démissionné de la présidence. C’est notamment les cas du Sénégalais Léopold Sédar Senghor, en 1981, du Camerounais Ahmadou Ahidjo en 1982, du Tanzanien Julius Nyerere. Qu’est-ce que cela leur a coûté ? Toujours est-il qu’eux n’ont pas attendu que les événements s’emballent pour se mettre en retrait de la vie politique. Plutôt que d’être attentif aux supplications de son peuple, Conté s’est tourné vers l’armée avec la quasi-certitude qu’elle lui servira de bouclier.

L’homme fort de Guinée a donc opté pour la manière forte, décrétant l’état de siège dans l’ensemble du pays, qui prévoit notamment un couvre-feu de 20 heures sur 24, l’interdiction de "cortèges, défilés et manifestations" ainsi que des "réunions publiques ou privées propres à provoquer ou entretenir le désordre". Il serait même allé jusqu’à recruter des hommes armés en provenance du Liberia, à autoriser "des perquisitions de jour et de nuit".

A la confiscation des libertés, il faut ajouter le musellement de la presse. Et face à la dégradation de la situation, comme à son habitude, la communauté internationale se montre impuissante, se contentant d’exprimer ses vives inquiétudes. Si tout semble donc désormais entre les mains de l’armée, alors qu’elle prenne ses responsabilités... pour l’Histoire.

Par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 14 février 2007 à 14:22, par LP En réponse à : > KONTE ou la tragédie guinéenne

    Ce écrit m’a été inspiré par la situation sociopolitique qui prévaut en ce moment en Guinée-Conakry. L’écho que nous renvoie ce pays aux multiples surnoms (Château d’eau de l’Afrique, Scandale géologique) du fait de ses inestimables ressources naturelles me désole simplement. Ce pays vient nous rappeler hélas l’autre face de l’Afrique, rétrograde, qui refuse d’avancer (or qui n’avance pas recule !), qui refuse d’être en voie de développement tout simplement. Et tout cela à cause d’un seul homme, qui au soir de sa vie, refuse d’admettre l’échec de sa politique hasardeuse, mégalomane, qu’on ne peut même pas qualifier de machiavélique, tellement elle n’est basée sur aucune stratégie digne de Machiavel. Et oh paradoxe !!! C’est cet homme qui a régné sur la Guinée pendant plus de 20 ans. Tout comme son illustre prédecesseur qui lui au moins a eu le mérite d’inscrire son nom dans l’histoire comme étant le seul Chef d’Etat de l’époque à avoir dit niet à De Gaulle sur la poursuite de sa politique de colonisation de l’Afrique.

    Mais comme l’a si bien souligné un journaliste de l’hebdomadaire Jeune Afrque N° 2400 du 07 au 13 janvier 2007, parlant de la tragédie arabe de Saddam : " Celui que les Dieux veulent détruire, ils le privent d’abord de son bon sens". C’est exactement ce qui arrive au pauvre Conté quand on analyse les décisions insensées qu’il prend ces derniers temps. Sinon comment comprendre que face au soulevement de tout un pays, il persite dans l’erreur, dans l’irrationnel et l’absurde avec des sorties dignes d’un autocrate du siècle passé. Jugesz-en vous même : couvre-feu de 20h sur 24, état de siège, musellement des médias, perquisitions abusives à domicile et j’en passe.

    Franchement, c’est révoltant et le silence de ce qu’on appelle "communauté internationle" l’est autant. Dans tous les cas, les africains devraient comprendre que cette "communauté internationale" est un mythe, un mirage, et que nous sommes dans un monde d’intérêts bilatéraux, guidé par la seule volonté des plus forts du moment.
    Alors que faire pour que la Guinée ne sombre pas davantage ? D’abord les guinéens eux-mêmes doivent continuer la résistance. Ensuite, les autres pays africains qui comptent sur la scène internationale (Afrique du Sud, Nigéria, Egypte, etc...) doivent mettre la pression sur Lansana KONTE pour qu’il accepte de quitter le pouvoir en lui faisant la promesse d’un exil sécurisé ( vu son état physique, il n’en a plus pour longtemps de toute façon). Enfin, la solution la plus efficace et la plus rapide, est l’intervention de la partie de l’armée proche du peuple (je ne parle pas des Kerfala CAMARA et autres qui ne sont que des pantins de KONTE). Cette armée a une responsabilité historique à assumer car elle a toujours été aux commandes en Guinée. Pour une fois qu’elle a l’occasion de se racheter, je crois qu’elle doit le faire sans tergiversations. C’est aussi ça le courage d’un militaire...

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