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Guinée : Le début de la fin pour Conté ?

Publié le lundi 12 février 2007 à 07h12min

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A tort ou à raison, on pourrait considérer Eugène Camara, le tout nouveau Premier ministre guinéen, comme le sixième fusible de Lansana Conté. Car à l’instar de ses symboliques prédécesseurs, il n’aura ni le temps ni les mains libres pour redresser ce pays, véritable scandale géologique, en faillite continu depuis l’intrusion en politique de l’empereur Conté, il y a un quart de siècle.

Ses illustres devanciers ont pour noms :
Colonel Diarra Traoré (05 avril 1984 au 18 décembre 1984) ; Sidia Touré (11 juillet 1996 au 12 mars 1999) ; Ladine Sidime (12 mars 1999 au 23 février 2004) ; François Lonsény Fall (23 février au 30 avril 2004) ; et Cellou Dalein Diallo (9 décembre 2004 - avril 2006).

Face à la fronde syndicale qui menace dangereusement l’existence même de l’Etat, Lansana Conté avait dû lâcher du lest, après qu’au soir du dix-huitième jour de paralysie et de violences, les pompes funèbres ont marqué 59 cadavres à leur compteur.

Ainsi donc, le 27 janvier dernier, l’ancêtre de Wawa, maître incontesté et incontestable de Conakry, consentait à renouer avec la tradition démocratique, en s’engageant à coiffer l’équipe dirigeante guinéenne d’un Premier ministre, mieux, d’un chef du gouvernement aux pouvoirs des plus élargis.

Ce poste était en souffrance depuis avril 2006, quand Cellou Dalein Diallo fut congédié sans ménagement. Afin d’éviter le chaos qui s’annonçait, syndicats et partis d’opposition avaient été des plus clairs en fin janvier : "Le futur Premier ministre devrait être un haut cadre civil compétent, intègre, et qui n’a été impliqué ni de près ni de loin dans des malversations".

Pour l’observateur de la scène politique guinéenne, Conté étonnerait plus d’un en nommant un ange à la tête du gouvernement.

On ne s’y est point trompé, puisque pour calmer le courroux de la meute guinéenne, le digne héritier de Sékou Touré n’a trouvé mieux qu’un vieux coq de la basse-cour présidentielle : depuis ce vendredi, en effet, c’est Eugène Camara qui fait office de Premier ministre, chef du gouvernement, une fonction qu’on n’avait plus vu au Fouta Djalon depuis ... 1958.

Eh bien, la réponse des syndicats et des partis d’opposition ne s’est pas fait attendre, en témoigne la comptabilité macabre qui faisait état d’une dizaine de tués après l’annonce de sa nomination.

C’est un niet catégorique que les Guinéens opposent à Conté, comme pour confirmer notre édito du lundi dernier (cf. l’Observateur paalga n°6819 du 05 février 2007), selon lequel, la solution au problème guinéen, c’est le départ de Conté.

Car Eugène Camara est un homme intègre, certes, mais collé aux bottes du général grabataire depuis novembre 1997. A 64 ans bien sonnés, il a occupé depuis et successivement les postes de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, pendant sep ans ; de ministre du Plan jusqu’au 19 janvier 2007 ; et de ministre d’Etat aux Affaires présidentielles jusqu’en ce vendredi 09 février 2007.

Somme toute, une carrière et une longévité gouvernementale exceptionnelles, qui confèrent une certaine légitimité à la résurgence des violences. Eugène Camara étant connu pour sa fidélité et son allégeance envers Lansana Conté. Et même si tel n’était pas le cas, quel miracle pourrait-il bien réaliser face à un chef de village qui ne voit pas plus loin que le bout de son orteil ?

L’histoire récente de la sous-région ouest-africaine nous a servi des technocrates intègres, compétents, tels Seydou Elimane Diarra et Charles Konan Banny pour remettre la Côte d’Ivoire guerroyante sur les rails, mais hélas. Les conférences, les sommets et médiations se sont succédé à intervalle régulier sans que Gbagbo ne soit attentif qu’à la seule voix de Simone, sa douce moitié et complice politique.

Pour autant, Conté peut-il offrir à Eugène Camara ce qu’il a refusé à l’impératrice Henriette ? Demain n’est pas la veille et les maîtres des rues de Conakry n’ont pas tort de réclamer à cor et à cri le départ du nouveau Premier ministre.

Pour sûr, si du temps de sa vigueur et de sa splendeur politique, Conté n’a pu mettre le grenier de l’Afrique de l’Ouest sur la voie du développement, ce n’est pas au soir de sa vie qu’il faut attendre un quelconque cadeau du ciel.

En tout cas, une chape d’apocalypse plane sur la Guinée, et la CEDEAO, l’Union Africaine et l’ONU s’en voudraient demain de n’avoir pas su intervenir à temps. N’est-ce pas une question de suivie ?

L’histoire commune de la Sierra-Leone et du Liberia voisins est encore fraîche dans les mémoires pour qu’on tergiverse. Ce silence coupable, avouons-le, ne rime-t-il pas avec non- assistance à peuple en danger ?

A moins que la Guinée ne soit un trésor mis en réserve par les grandes puissances. Mais, peut-être l’heure a-t-elle enfin sonné pour Conté de débarrasser le plancher ! Les syndicats ont, en tout cas, amorcé la lutte finale.

Au moment où nous tracions ces lignes, la situation en Guinée était des plus instables. Certainement que les heures ou les jours à venir nous en diront davantage.

L’Observateur Paalga

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