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Dialogue inter-ivoirien : Les journalistes ivoiriens face à un mur de silence

Publié le jeudi 8 février 2007 à 08h00min

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Depuis le 5 février 2007, les protagonistes de la crise ivoirienne, notamment le camp présidentiel et les Forces nouvelles, sont en pourparlers à Ouaga. Ce dialogue interivoirien bénéficie d’une large couverture médiatique de la part de la presse ivoirienne dont les différents organes ont dépêché depuis le 4 février des envoyés spéciaux à Ouaga.

Comment les uns et les autres couvrent cette rencontre entourée de la plus grande discrétion ? Pour en avoir une idée, nous nous sommes rendu à l’hôtel Libya où se tient la rencontre à huis clos au 10e étage. Nous avons rencontré dans le hall de l’hôtel quelques journalistes ivoiriens qui racontent comment ils se débrouillent pour glaner les informations.

Eugène Attoubé, RTI "1re chaîne" (média d’Etat) : Je suis là depuis hier (ndlr : mardi 6 février). J’espérais rattraper le retard avec nos confrères de la presse locale. Mais je constate que nous vivons aussi les mêmes problèmes à savoir le mutisme des protagonistes. Nous sommes obligés de faire le pied de grue pour avoir des informations et au besoin interroger d’autres personnes extérieures au dialogue pour essayer de faire des recoupements. Pour l’heure, c’est ce que l’on peut faire. Même en tant qu’Ivoiriens, nos frères prenant part au dialogue sont avares en parole. Chacun des membres des 2 délégations nous fait comprendre qu’il faut attendre l’issue du dialogue pour avoir les informations. Mais comme on ne peut pas rester là à se ronger les ongles, on essaie de capter l’ambiance, d’insister un peu sur ce qui va advenir avec toujours cette note d’espoir qu’au sortir de ce dialogue la paix va enfin revenir en Côte d’Ivoire et que les frères protagonistes de cette crise qui n’a que trop duré vont finir par se réconcilier.

Je compte envoyer aujourd’hui à 14h (ndlr : 7 février) un élément par le vol de Air Ivoire à la télévision ivoirienne. Déjà, j’ai eu mes patrons au téléphone et à l’édition de 13h (ndlr : toujours le 7 février) je vais intervenir en direct pour dire un peu ce qui se passe ici, comment les choses évoluent, dans quelle ambiance on se trouve et quelles sont les dispositions d’esprit des protagonistes. Et cela pour que les gens à Abidjan puissent comprendre qu’ici les acteurs de la crise travaillent avec bien sûr le soutien du président Compaoré. C’est vrai qu’il n’y a pas de tapage comme à Lomé où il y avait du spectacle partout. Ici c’est la discrétion et c’est comme si on nous disait : "silence, on travaille !".

Je crois que c’est peut-être un signe que cette fois-ci ce dialogue ivoiro-ivoirien va répondre à l’attente des populations de la Côte d’Ivoire et même de la sous-région.

Paulin Zobo, Fraternité matin (quotidien d’Etat) : A notre arrivée dimanche 4 février, nous sommes entrés en contact dès l’après-midi avec les 2 délégations qui étaient déjà à l’hôtel (ndlr : hôtel Libya Ouaga 2000 où se déroulent les négociations). Chaque jour, nous venons ici (ndlr : dans le hall de l’hôtel) et suivons les déplacements, les mouvements des uns et des autres. De temps en temps, on s’approche d’eux et on échange.

Chaque jour, j’envoie un papier et cela depuis dimanche. A chaque heure, nous essayons d’actualiser les informations en notre possession selon l’évolution de la situation. Le travail n’est pas facile. On s’approche des gens pour leur demander de dire un mot mais on nous fait savoir que les débats sont fermés et qu’aucune délégation ne peut communiquer sur le sujet. On parle donc des autres sujets mais pas du dialogue parce que c’est le président Compaoré et ses collaborateurs qui peuvent en parler.

Siratigui Konaté, rédacteur en chef de Ivoire presse média et de Fnci.info (organes des Forces nouvelles) : Nous étions à l’ouverture le lundi 5 février à la salle de conférences de Ouaga 2000 mais nous n’avons pas véritablement eu le temps de travailler puisqu’il s’agissait d’une rencontre de prise de contact et au sortir de la rencontre nous n’avons pas eu aussi de véritables déclarations de part et d’autre. Nous avons essayé d’utiliser les relations comme nous pouvons. En tant que journalistes, on ne se limite pas seulement aux déclarations de surface mais nous essayons de rentrer un peu plus en profondeur et de voir là où nous pouvons tirer nos informations.

Sur ces bases, nous nous sommes approchés des uns et des autres, pas forcément des autorités des Forces nouvelles. Depuis notre arrivée, nous avons eu le temps d’avoir des contacts avec certains journalistes d’ici, des autorités tant du camp présidentiel que de celui des Forces nouvelles mais également d’autorités proches de la présidence, c’est-à-dire du facilitateur. C’est sur la base de certaines de ces informations que nous travaillons mais j’avoue que c’est difficile parce qu’il n’y a rien d’officiel.

Par exemple, hier mardi 6 février, en arrivant à la salle de conférences, on pensait que la rencontre allait s’y poursuivre comme c’était le cas le lundi. Malheureusement ce n’était pas le cas et il a fallu appeler pour s’entendre dire, il fallait rester à l’écoute. Par la suite, plus rien jusqu’à ce que l’on apprenne qu’il y a eu une rencontre à huis clos à l’hôtel Libya avec le facilitateur.

Depuis que je suis là, j’ai pu envoyer sans problèmes des éléments. Nous avons ici une connexion internet, l’ADSL qui est assez rapide, et au fur et à mesure nous envoyons des éléments. Je viens d’envoyer à l’instant une dépêche. Les confrères de la télévision réussissent à mettre des données sur CD qui sont progressivement acheminées en Côte d’Ivoire.

Assoumane Bamba, chef du service politique de Nord-Sud quotidien : Comme les 2 parties ont pris leur quartier à l’hôtel Libya, on est dans le hall pour observer tout ce qui se passe, les différents va-et-vient des différents membres des délégations. Lors de la première journée, on a eu quelque chose de solennel. Le président Compaoré, à sa sortie, a fait une déclaration à la presse qui a un peu déblayé le terrain. Mais on a du mal à travailler parce que la loi du secret entoure les discussions. C’est difficile de percer le mystère du dialogue. Les délégations disent avoir reçu des consignes claires de ne pas donner des informations à la presse.

On fait ce qu’on peut, chacun a son réseau et on essaie de le remuer pour glaner quelques informations comme par exemple ce que Studman (NDLR : haut représentant des Nations unies pour les élections) est venu faire à Abidjan, la venue ce matin (7 février) à Ouaga de Guillaume Soro. L’envoi des éléments n’est toujours pas facile. On fait des papiers de 2 500 à 3 000 caractères juste pour décrire l’ambiance comme par exemple les échanges entre la délégation des Forces nouvelles et M. Studman ou des informations comme la présence hier (NDLR : mardi 6 février) du président Compaoré à l’hôtel jusqu’à minuit. On se contente de ces informations en l’absence de celles sur le fond des discussions.

Emile Scipion Ilboudo, journaliste reporter au quotidien privé "Dernières nouvelles d’Abidjan" : Contrairement aux autres sommets sur la crise ivoirienne, il y a ici une touche burkinabè calquée sur la gestion de la crise togolaise. Les participants ou les protagonistes sont peu diserts, ce qui fait que nous sommes obligés de jouer sur la psychologie de l’un ou l’autre protagoniste que l’on rencontre dans le hall. J’ai une chance de comprendre le mooré et j’arrive à capter quelques informations du côté de l’entourage du facilitateur. Une autre de ma méthode est d’écouter les chaînes étrangères, d’aller sur internet pour voir ce qui se dit sur la crise ivoirienne.

J’envoie mes éléments par internet à partir de mon hôtel. Le journal les reçoit sur le coup de 21h avant le bouclage. Je suis informé en retour pour me permettre de voir l’article le lendemain sur internet via le portail Abidjan.net.

Propos recueillis par Séni DABO

Le Pays

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