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Côte d’Ivoire : comment faire simple après l’impasse des montages diplomatiques et politiques "compliqués" (Fin)

Publié le mercredi 31 janvier 2007 à 07h57min

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Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré

Guillaume Soro, le leader des Forces nouvelles, mais aussi le G7 et le GTI l’affirment. En Côte d’Ivoire, c’est "l’impasse". Et dans un contexte sous-régional et franco-français délicat, chacun cherche les voies et moyens de sortir de cette "impasse".

Il n’y a pas d’autre solution que de reculer et de revenir à l’origine de la crise ivoirienne qui a suscité la "rébellion" contre le pouvoir en place à Abidjan. Cela tient en deux mots : "ivoirité" et "exclusion".

C’est le diagnostic des "rebelles" (cf. LDD Côte d’Ivoire 0201/Vendredi 19 janvier 2007). Quant à Gbagbo, il est conscient que sa situation politique devient, à court, moyen et long termes, intenable, d’autant plus que la situation économique ne cesse de se détériorer et que la redistribution devient de plus en plus acrobatique (on l’a vu avec "l’affaire Probo Koala").

Une négociation politique avec ceux qui n’ont cessé de le contester (sans pour autant, jamais, le combattre vraiment) n’a pas de sens. Il est au pouvoir ; ils n’y sont pas. Il n’a pas d’états d’âme ; ils en ont. Et puis ce petit jeu politique dure depuis trop longtemps à coups d’alliances et de mésalliances (dont la" moindre n’est pas des « houphoëtistes » ; drôle d’idée "de faire référence à un homme du passé qui, malgré ses qualités politiques - qui ont été, bien souvent, des défauts - a fondé un régime qui s’est rapidement effondré dans un chaos retentissant !) qui n’ont pas permis de trouver les voies et moyens d’aboutir à une solution.

Une négociation avec Soro est donc la seule solution. Sauf que Soro n’est pas maître du jeu. Il contrôle, certes, une partie du territoire ivoirien mais ce n’est qu’apparence. Qui peut donc avoir intérêt à ce que la situation en Côte d’Ivoire se stabilise : Biaise Compaoré, le président burkinabé ?

Non pas que cette situation ivoirienne pèse sur la situation burkinabé. Bien au contraire. Pendant qu’Abidjan s’enfonçait dans la lagune, Ouaga s’extirpait des sables. Mais Compaoré et Gbagbo se connaissent bien et le second sait que le premier est un pragmatique qui a une longue expérience du pouvoir (et pas toujours dans des conditions faciles). Pour perdurer à Abidjan et permettre à sa formation politique de ne pas être définitivement exclue du jeu politique ivoirien Gbagbo doit trouver un terrain d’entente avec Compaoré. Qui permette le retour, dans les meilleures conditions de sécurité (mais aussi économiques et "civiques"), des populations "burkinabé" qui en ont été expulsées. Pour Gbagbo, c’est la récupération d’une main d’oeuvre courageuse et qualifiée qui fait défaut en Côte d’Ivoire. Pour Compaoré, c’est permettre à la diaspora burkinabé de travailler et donc de refinancer la population non-expatriée.

Compaoré est un mossi ; ce n’est pas un hégémoniste. Mais il sait que pour être tranquille chez lui, il faut que la tranquillité soit assurée autour de lui. Il sait aussi, et c’est là que le jeu "simple ", déjà évoqué (cf. LDD Côte d’Ivoire 0201/Vendredi 19 janvier 2007), devient plus "complexe". S’il y a une capacité que l’on ne peut nier à Gbagbo, c’est celle de la nuisance. Le souverainiste ivoirien est aussi un "socialiste", un anti-impérialiste et, à l’occasion, un anti-Français. Et quand il le faut, il sait s’allier - sur un ou plusieurs de ces thèmes - avec quelques diables (plus ou moins conscients de l’être), à Luanda comme à Kigali en passant par Pretoria.

Permettre à Gbagbo et au FPI de participer au jeu politique ivoirien (et, du même coup, à la confiscation d’une partie de la rente économique dès lors que celle-ci aura été restaurée par le travail des "Burkinabé"), alors qu’ils y sont politiquement et socialement minoritaires, dans une alliance avec les "houphouëtistes" nouvelle manière, permettrait à Compaoré de sécuriser sa situation périphérique tout en refinançant son développement économique grâce au surproduit dégagé par les travailleurs burkinabé en Côte d’Ivoire. C’est donnant-donnant. Et, dans l’affaire, Compaoré ne perd rien. Encore faut-il permettre l’émergence des "houphouëtistes" nouvelle manière.

On l’a vu tout au long des années passées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les plus radicaux ont été les "houphouëtistes" du PDCI. Pour la simple raison qu’ils ont été au pouvoir de 1960 à 1999 et qu’ils l’ont perdu de manière brutale alors même qu’ils considéraient que, en Côte d’Ivoire, le pouvoir devait rester baoulé puisqu’il en avait toujours été ainsi.

Mais le chef de file des "houphouëtistes" PDCI - Bédié - est, politiquement et personnellement, à bout de souffle (et il n’en n’a jamais eu beaucoup). Charles Konan Banny n’en est que le clone. Plus d’ambitions que de moyens. Depuis le temps qu’il est premier ministre avec, nous dit-on, des moyens de plus en plus accrus, il n’est jamais parvenu à s’imposer face à Gbagbo (ni face à personne d’autre d’ailleurs). Ce n’est pas, uniquement, une question de compétences, c’est aussi une question de personnalité et d’adéquation entre l’homme et la fonction.

Gbagbo est un leader politique ; Banny est un employé de banque. Plus encore, il véhicule une image "d’ancien régime" ; et d’un "ancien régime" qui a failli ! L’option choisie par Gbagbo a d’ailleurs été, dès sa nomination, de court-circuiter le Premier ministre. Ce qui est compréhensible : il y a le pouvoir d’un côté, les "rebelles" de l’autre. Le Premier ministre est étranger à la crise ; sa nomination résulte des accords de Marcoussis. C’est donc, tout à la fois, un intrus, un corps étranger et l’expression de la volonté de la communauté internationale de remettre en question la souveraineté ivoirienne. Qu’il y ait rejet n’est donc pas étonnant.

Reste une dernière inconnue : Alassane Ouattara. Lui et Gbagbo ont été alliés, contre Bédié (et plus encore contre la politique de Bédié), par le passé. Ouattara a, au cours de l’année 2006, dans une perspective présidentielle quelque peu utopique, choisi de mettre en place un accord politique avec le PDCI et d’apporter son soutien à l’action de Konan Banny. Cela aurait eu un sens si, effectivement, une consultation électorale libre et transparente était organisée. Dans le contexte actuel de la Côte d’Ivoire, cela n’en n’a plus.

Il faut réduire le nombre de "têtes". Bédié est "out" ; Banny n’a pas l’envergure. Gbagbo est au pouvoir. Ouattara peut s’imposer comme le seul leader de l’opposition politique : il a formé, par le passé, un Front républicain avec Gbagbo, il a Soro "à sa main" et, si nécessaire, la caution de Compaoré et d’un grand nombre de chefs d’Etat africains (et d’ailleurs). Il demeure le seul sur la scène politique ivoirienne à n’avoir pas failli (ne perdons pas de vue que Soro, lui aussi, a échoué dans sa tentative de rébellion en 2002). Il est surtout le plus à même (pour ne pas dire le seul) capable de sortir la Côte d’Ivoire de l’ornière dans laquelle elle s’est enfoncée depuis seize ans (c’est-à-dire depuis qu’il a abandonné le poste de Premier ministre). Il a la responsabilité, aujourd’hui, sans états d’âme, de créer un grand parti national multiethnique qui soit un PDCI nouveau qui permettra au FPI d’occuper la place qui lui revient : minoritaire sans être exclu, pouvant même être associé à la reconstruction politique, économique et sociale de la Côte d’Ivoire dans un nouveau Front républicain. Une démarche qui pourrait être cautionnée par la Cédéao présidée depuis le vendredi 19 janvier 2007 par... Biaise Compaoré.

Sans états d’âme, cela signifie qu’il ne faut pas être naïf. C’est contraint et forcé que Gbagbo cherche une issue personnelle et politique à "l’impasse" dans laquelle il se trouve. Sa capacité de nuisance sous-régionale n’est pas négligeable. Il ne négociera pas les mains vides ; il est toujours prêt au pire. Mais il faut, aujourd’hui, utiliser le pas en avant qu’il est obligé de faire pour, le déséquilibrant, l’obliger à en faire d’autres. C’est à Ouattara de s’en donner les moyens politiques et humains ; il ne peut compter que sur lui seul dans ce face-à-face avec le pouvoir.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 2 février 2007 à 14:38, par asssof En réponse à : > Côte d’Ivoire : comment faire simple après l’impasse des montages diplomatiques et politiques "compliqués" (Fin)

    Les termes de cet article nous obligent nous ivoiriens de faire attention à Alassane Ouattara. Celui-ci a échoué par Soro qu’il tient par la main comme vous dites. Il échoué par le coup d’état de 1999.Il vient encore d’échouer par le RHDP . Il a toujours eu peur d’affronter ouvertement et directement ses adversaires . Il se ménage toujours une porte de sortie qui devient sa position definitive et finale. Ilagit par persone interposée ce qui a l’inconvénient de ne jamais tourner comme il le souhaite et le planifie. Il a un parti politique ultra tribal. Regardez sa composition et ses représentants vous ne pourrez jamais soutenir le contraire avec honnête. Et la crise ivoirienne n’a jamais été identitaire car comment comprendre que Dacoury Tabley( N°2 rebelle, bété) ,Gue Michel (Officier , yacouba), (Alain Lobognon ( communication) et j’en passe ne sont pas des Dioulas ou des gens du Nord ?
    L’administration ivoirienne n’a jamais refusé un ivoirien parce qu’il est de nord puisque de nombreux cadres responsables sont eux mêmes du Nord. Meme dans l’armée et dans la garde présidentielle. Cet argument est farfelu et n’est qu’un pretexte rassembleur et attendrissant.Pour ce qui est des burkinabé en CI . Demandez au consul du Burkina à Abidjan après sa visite dans les villages et campements de l’Ouest en 2006. Effectivement que les travailleurs BF sont valeureux . Mais très souvent ils s’installent en conquérants , sans précautions. Ils ne prennent aucune mesure pour se protéger et pour protéger aussi leurs hotes de désagréments ou de contestations sur la nature du travail à effectuer. Ils n’en ont cure ! Ils sont autant fautifs que leurs hotes qui ont l’avantage d’être les propriétaires terriens. Malgré toutes les sensibilisations même en ces temps de guerre , ils continuent de s’installer et de travailler dans le flou total, malgré encore le déplacement des populations. Ils s’installent même dans des parcs et réserves nationaux . Demain que se passera-t-il quand le pays sera réunifié et que l’autorité de l’état sera rétablie dans tous les coins de pays ? Encore des conflits et des conflits qui ne doivent même pas être assimilés à de la xénophobie car d’autres ivoiriens sont dans la même situation à une échelle moindre.
    Enfin pourquoi chercher une alternative à Gbagbo parmi ceux qui sont au devant de la scène et qui sont tous coupables à un niveau de ce qui se passe en CI ? Tous ont fait leur temps .Si Gbagbo doit quitter le pouvoir, ce n’est pas pour être remplacé par les "has been". On aura besoin de sang et d’intelligence neufs et propres pour conduire notre destinée ; Les anciens et les vieux serviront mieux comme consultants et "sages"

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